Masque de théâtre
(Automne 1980)
Il a la taille d’une tête
de femme. L’arrière est composé d’une perruque blonde recyclée et des restes de
laine d’un écheveau violet dont la plus grande partie m’a servi à tricoter pour
moi-même un gilet long dans les Septantes, après que j’ai repris le tricot dans
le cadre du retour à la vie rurale dans le Rouergue. Si j’avais comme toutes
les femmes de ma génération, par nécessité pratique beaucoup tricoté dans ma
jeunesse, cette activité était tombée en désuétude. Son retour avait été amorcé
par le tricotage de deux couvertures en laine aux couleurs naturelles écru,
bisé, grisé, burel sur le modèle des africaines constituées de longues bandes
cousues.
Le masque lui-même a été
réalisé en carton recouvert d’un tissu en lamé assorti à des jarretières que
j’avais cousu sur des bas résilles. La décoration en est constituée de divers
éléments en provenance de brocante diverses, plumes colorées, boucle de
ceinture art nouveau, bouquet de fleurs sèches, oiseau aux ailes déployées,
clip en laiton représentant une marguerite et divers débris inutilisables dont
une femme fleur et des morceaux de grillage. La broche rouge m’a été offerte
par un ami très cher et les cristaux de quartz ont été ramassés par moi-même
sur les chemins rouges du Causse Rouge. La rose noire amovible servait dans ma
jeunesse à décorer les robes habillées
par nature assez strictes. Le masque africain m’a été donné par ma belle-sœur.
Il faisait partie d’une série de trois, on en retrouve un semblable dans le
collier à trois rangs, et ce n’est pas un hasard, la décolonisation ayant à
cette époque fait place au tiers-mondisme.
J’ai utilisé ce masque pour
jouer dans la rue avec une partenaire une pochade dont j’étais l’auteure,
dénommée Le Con Métaphysique et que
je n’ai jamais prise au sérieux depuis sa version embryonnaire de l’automne
1980 sur le Parvis Beaubourg jusqu’à l’échec de notre équipage et la
dissolution de l’entreprise l’Eté 1982. Cette forme d’intervention artistique
était alors dans une impasse puisque mon acolyte recherchait avant tout
l’intégration et moi-même de mon côté la transformation de la vie quotidienne
en art total. La pièce fut jouée une douzaine de fois à Paris, en Normandie à l'Hospice Saint Charles à Rosny sur Seine, à Lyon
Place Bellecour et au Thé Citron, à Avignon devant le Palais des Papes.
Le masque a encore été
porté dans quelques occasions comme la Marche des Beurs en 1983 ou dans
d’autres manifestations d’ordre divers. Il était alors une protestation
artistique dans des lieux qui ne l’avait pas prévue. Il est tombé en désuétude
au fur et à mesure que l’air du temps n’était plus à l’expansion artistique
dont il était l’épiphanie. Il est en majesté le visage de ma fureur artistique
et peut être réactivé à tout moment.
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Mise à jour : janvier 2008