L’Ultime Ancêtre (2007)

 

Comme je passais dans le haut de la rue de Rennes à Paris où l’on venait d’abattre un arbre, il montait de la souche et des morceaux épars sur le trottoir une telle souffrance que je ne pouvais passer mon chemin. Je suis restée là figée un bon moment et les gens ont commencé à s’inquiéter, pensant que j’avais besoin d’aide mais ne sachant pas devant mon mutisme comment intervenir. L’attroupement a grandi et il me fallait me décider.

J’ai alors ramassé vivement le morceau de bois rougeâtre en disant Je vais en faire une œuvre ! Quelqu’un a dit C’est une artiste ! et la foule soulagée, s’est dispersée. J’ai pris soin de cacher cet énorme et magnifique débris sous un journal pour qu’on ne le voie pas dans l’autobus qui me ramenait chez moi. Mais soupçonneux les voyageurs regardaient quand même et moi-même je ne pouvais me déprendre de la contemplation de cette étrange rougeur.

Je l’ai laissé sécher plusieurs mois sur ma loggia. Puis la chose s’est imposée d’elle-même comme le développement d’une plaque photographique qui avait été impressionnée au moment où l’appel de ce morceau de bois abandonné sur le trottoir avait été si puissant qu’il m’avait obligée à y répondre. Je ne pouvais me dérober au témoignage de l’évidence de l’unité et de l’unicité de la matière, ce nom philosophique de la Divinité.

Les autres bois proviennent d’un reste de plantation de cassis, sans succès dans un bac du balcon. Le corail et le coquillage ont été rapportés de la Martinique en 1971 dont à cette époque les plages étaient désertes. L’oiseau a été acheté dans une brocante. Les outils préhistoriques et la pierre noire ont été hérités des collections de Maman. La pierre verte m’encombre depuis des années sans que je puisse lui trouver une affectation convenable ni me souvenir de son origine. La mâchoire a été ramassée dans un pré en Normandie. L’un des yeux est une perle en plastique que je me suis fait refiler chez une marchande après l’avoir cru d’une meilleure qualité, l’autre en lapis-lazuli m’a été rapportée du Maroc par un être très aimé.

Les morceaux d’obsidienne bleue ont été ramassés par terre en 2004 à côté de la Chapelle orthodoxe du Prince Troubetskoï dans le cimetière du Vieux-Château surplombant Menton. Comme je ne pouvais plus marcher je m’y étais fait monter en taxi découvrant sur la mer une vue bouleversante. La dent de sagesse blanche a mis une heure à m’être arrachée, heureusement sous anesthésie car ses racines recourbées en rendaient l’opération presque impossible. La couronne d’or blanc m’a été pour cause d’usure, remplacée. Celle d’or jaune a été héritée de ma Belle-Famille et j’en ignore la provenance. Les peintures blanches ont comme d’habitude été faites avec du Tip-Ex.

Longueur : 37 cm - Hauteur : 19 - Diamètre : 21 cm

 

                                                                                                                        Œuvre suivante è

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Mise à jour : janvier 2008