MA VIE A LA GARE ROUTIERE

 

COMPTE RENDUS DE QUELQUES TELEFILMS ALLEMANDS (2004-2010)

 

 

Lors de ma longue carrière d’enseignante j’ai particulièrement aimé les travaux pratiques d’économie de l’entreprise que nous réalisions avec les élèves à partir des articles de journaux (Le Monde pendant de longues années et des magazines de vulgarisation, lorsque la dégradation de la situation ne permettait pas de faire mieux). Les analyses et commentaires faits par les uns et les autres, librement et spontanément comme j’avais l’habitude de faire cours, finissaient toujours par mettre en évidence des connexions auxquelles on n’avait pas de prime abord, pensé. Ces cours étaient joyeux, féconds et animés d’un souffle permettant tous les rebondissements.

 

Une fois à la retraite en 2005, je me suis aperçue qu’ils me manquaient cruellement en dépit d’une fin de carrière abominable au Lycée Siegfried, laissé à l’abandon. C’est dans cette vacance face à l’ampleur du temps désormais disponible que je me suis attachée l’après midi à regarder les téléfilms allemands qui eux aussi de façon inattendue, traitaient assez souvent de la vie de l’entreprise. La différence avec leurs homologues français – mal joués, mal ficelés, mal photographiés, mal dialogués dans lesquels les protagonistes semblaient vivre de l’air du temps était assez peu à notre avantage car dans les nôtres, le travail et la vie professionnelle n’y tenant en fait aucune place, alors qu’elle était la colonne vertébrale de la plupart de ces petites œuvres venues de chez nos voisins.

 

Tous ces films à la problématique économique avaient un air de parenté. Leur scénario type et répétitif consistant dans l’analyse de la situation d’une entreprise confrontée aux difficultés des bouleversements induits par la nouvelle réalité, les protagonistes de l’histoire devant alors choisir entre deux stratégies métaphoriquement personnifiées elles mêmes par deux partenaires. A la faveur des rebondissements du scénario, nous étaient ainsi présentées les solutions envisageables et acceptables, elles mêmes proposées comme des éléments de décisions.

 

L’idéologie n’était naturellement pas absente de ces téléfilms, mais ne s’en cachaient pas mettant l’accent sur la nécessité absolue d’une bonne gestion considérée là comme le meilleur résultat possible étant donnée la situation, telle qu’elle était. Le débat sur le niveau des salaires, la protection sociale ou la question de la lutte des classes, problématiques typiquement franco-françaises étant culturellement laissées de côté, sans qu’on puisse pour autant tirer argument de cette carence pour laisser de côté les propos tenus dans ce catalogue de situations.

 

Il est indéniable qu’on a là affaire à de la propagande, mais pas nécessairement dans le sens dans lequel l’entend l’esprit français. L’étymologie du terme faisant référence au marcottage des vignes, on peut comprendre voire même admettre qu’il en existe une qui ne soit pas la volonté de cacher ce qui existe pour quelques raisons que ce soit, mais plutôt une incitation à adopter les comportements davantage porteurs de développement.

 

Ce qui de mon point de vue s’est avéré particulièrement attractif dans cette série de téléfilms, plutôt d’une théorique leçon d’économie politique à la française, outre la volonté de présenter les différentes facettes de la gestion efficace de l’entreprise en proie aux tourments de la mondialisation, c’est la volonté de diffuser des éléments de modèles pouvant être adoptés par une société allemande réunifiée. On y a retrouvé de façon constante la coopération, le pragmatisme, et même ce que d’aucunes ont autrefois appelé « la mobilisation des forces productives cachées » au point même que les plus rétifs à l’effort et au travail finissent lors des happy-ends par s’y mettre… et en être sinon contents, du moins apaisés par une vie globalement plus agréable.

 

Les esprits forts pourront toujours se moquer de ce qu’ils considéreront comme des bluettes au monde des Bisonours, même si c’est d’une certaine façon le cas, force est de constater que ces œuvres tirent vers le haut notamment dans les solutions qu’elles proposent en les montrant comme efficientes, face à l’effondrement de la famille traditionnelle. Si on comprend bien que la natalité est clairement encouragée étant donné le problème démographique de nos voisins, elle y est en proposant des éléments de solutions pour toutes les situations pratiques envisagées, constamment en améliorant la condition des femmes par la prise en compte de leurs besoins réels.

 

La différence de traitement de la question des femmes, et spécialement des mères étant dans cet ensemble télévisuel visionné, l’un des points particulièrement en faveur de notre voisin : Dans ces œuvres, l’enfant est toujours le bien venu, à charge ensuite d’aménager l’environnement de telle sorte qu’il le soit effectivement. Dans cette perspective, même les parents qui se sont d’abord dérobés pour des raisons que de toutes façons on ne condamne pas, peuvent en changeant de cap reprendre en charge leur progéniture sans que leur première défaillance leur soit le moins du monde reprochée.

 

Quant au père - et c’est l’une des originalités de tous ces téléfilms - non seulement il est indispensable pour une éducation réussie de l’enfant, mais à la limite, n’importe quel homme dans l’entourage de la mère peut en faire fonction, pourvu qu’il prenne sa tâche à cœur, la nécessité des deux parents de sexes différents n’étant pas plus contestée que la bonne gestion de l’entreprise et peut être en fin de compte dans le même esprit de réussite.

 

On découvre là une sorte de micro climat culturel fait de pragmatisme, de respect du principe de réalité, de constructiviste social, de mélange de normes assouplies par la complexité des temps, de liberté, d’émancipation des femmes et d’amélioration des relations entre les sexes qui surprend non seulement par son originalité mais par sa volonté pratique de coller aux tourments de l’époque. On a plaisir à penser que c’est sans doute le produit de la réunification culturelle entre les deux Allemagnes, élaborant ainsi une symbiose qui ne manque pas d’intérêt.

 

Quant à l’énigme du titre Ma vie à la gare routière qu’il serait faux de ranger dans la catégorie de L’automne à Pékin dont l’auteur Boris Vian lui-même a dit qu’on ne parlait dans ce livre ni de l’automne, ni de Pékin, c’est tout au contraire bien de ma vie personnelle à proximité effectivement de ce qui s’est avéré une gare routière dont il s’agit. C’est qu’au bout de ma totale sinon grande carrière dans l’Education Nationale Française depuis mon entrée à l’Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique en 1965 à ma sortie à l’âge de soixante ans, après le refus du Traité Constitutionnel manifesté par le peuple français lors d’un référendum… et désavoué par son Parlement, le monde a bien changé….

 

Les terminus d’autobus nombreux dans mon quartier de la Porte de Champerret, me sont alors apparus tout autre dans le bouleversement de la mondialisation, et toutes autres aussi mes après midi sans les élèves que j’ai tant aimés, et dont j’ai par le moyen de la Télévision secourable aux retraitées, vicarier l’absence… dans ma volonté de construire le monde, sans me soucier d’être dupes de ces bons sentiments que j’ai toujours préférés au cynisme et nihilisme ambiants devenus en 2012, au tournant de la déconstruction européenne, omniprésents.

 

C’est comme François Hollande venait d’être élu à la magistrature suprême que j’ai renoncé à poursuivre plus avant cet ouvrage dont le plan avait d’abord été plus ambitieux. Il comprenait en effet une partie qui aurait analysé l’obsession de la gestion que révélaient ces téléfilms et ce que ce tropisme recouvrait effectivement. Mais le délitement général de la société et ce que les livres d’Histoire, appelle traditionnellement La montée des périls, quand ce n’est pas La question d’Orient ou celle des Balkans m’ont dissuadée de disperser une énergie de plus en plus rare en raison de mon mauvais état physiologique rendant tout travail sérieux pénible. Je le regrette, car il me semble que j’avais là un angle d’observation décisif sur la société de l’époque, ses problèmes économiques et sociaux et la nature de l’Europe contemporaine.

 

 

  1. VANILLE FRAISE ET DOLCE VITA
  2. MARIAGE A L’ESSAI
  3. ALLER-RETOUR POUR L’AMOUR
  4. LA PROFONDEUR DES SENTIMENTS
  5. LE COMMANDO
  6. PAPA ET MOI
  7. L’ESPOIR EST DANS LE LAC
  8. LE BONHEUR EST AU BOUT DU MONDE
  9. PRINCE DES VILLES OU PRINCE DES CHAMPS
  10. L’AMOUR TAILLE XXL
  11. LA LIBERTE A TOUT PRIX
  12. UNE FEMME DE CŒUR
  13. VOL 714 : AU BOUT DE L’ENFER
  14. BOXHAGENER PLATZ
  15. MES AMOURS A CONTRECOEUR

 

 

 

 

 

 

 

1. VANILLE FRAISE ET DOLCE VITA 2007

 

Téléfilm d’Olivier Dommenget. Vu le 6 Avril 2009 sur M6.

 

 

 

 

A Hambourg, l’héroïne occupe un poste de haut niveau dans une entreprise importante dans laquelle s’ouvrent pour elle des perspectives de carrière intéressante. L’un de ses collègues - qui est aussi son supérieur hiérarchique - est bien intentionné puisque alors qu’elle mange dans son bureau il lui apporte de la nourriture et la demande en mariage. Elle apprend au même moment la mort d’un père italien qu’elle n’a jamais connu car sa propre mère y a fait obstacle.

 

Elle part en Italie pour recueillir la succession qui consiste en un appartement et la moitié de la boutique de vente de glaces que tenait son géniteur. Elle demande un délai avant d’accepter. Elle fait la connaissance de son associé qui était avant sa mort, l’ami du père qui lui a légué à lui, l’autre moitié de l’établissement et n’a donc de son côté apporté aucun autre capital que son savoir faire. Elle s’alarme avec raison de la gestion catastrophique et frauduleuse de l’entreprise au bord de la faillite et entreprend de la redresser grâce à des décisions économiquement adéquates.

 

Mais petit à petit elle se laisse contaminer par les méthodes locales, adeptes du bonheur de vivre et peu regardantes sur le juridiquement et fiscalement correct. Pendant ce temps à Hambourg on s’impatiente de son absence. Elle parvient grâce aux nouveaux outils de communication, à la vicarier quelques jours grâce au dévouement de son fiancé qui accepte son télétravail.

 

Acceptable pour quelques jours, cela ne suffit plus au delà et celui-ci lui indique que non seulement elle n’a plus de perspective de carrière, mais qu’elle va être licenciée. Elle est consternée mais ne parvient pas pour autant à s’arracher à la beauté des paysages, aux repas plantureux et conviviaux ni surtout à l’orgie de glaces dont la sensualité triomphante envahit petit à petit tout l’espace. Dans ce contexte elle se retrouve bientôt à passer la serpillière, à faire le ménage devant des hommes qui - avec ce qui est juridiquement et financièrement son associé - se moquent d’elle et à faire l’aide marmitonne en lui obéissantt au doigt et à l’œil sans réussir pour autant ni à ce qu’il tienne compte de ses conseils de gestion, ni à enrayer ses malversations.

 

Elle a néanmoins un sursaut en vendant sa part dans cette affaire bien mal embarquée à un restaurateur qui en convoite depuis longtemps les locaux et tente de faire encore patienter ses patrons de Hambourg de plus en plus exaspérés de la situation au fur et à mesure qu’approche une importante échéance. Dévoué, son fiancé arrive en Italie la chercher pour la ramener séance tenante à la firme dans les locaux de laquelle doit avoir lieu la réunion décisive pour elle-même et pour la compagnie allemande prête à une profitable extension. Il a même poussé la conscience professionnelle et l’amour jusqu’à lui apporter les dossiers qui ont trait à cette affaire en l’assurant qu’ils ont encore tous les deux, juste le temps de les étudier pendant le voyage de retour.

 

Rentrés dans les délais, comme elle veut pénétrer dans la salle de conférence avec une robe très largement ouverte sur un décolleté plongeant, son assistante à elle lui prête sa propre veste pour couvrir ses seins qu’elle a pratiquement à l’air. L’échange avec les futurs partenaires est un succès et alors même qu’il sait avoir un concurrent, son fiancé toujours supérieur hiérarchique réitère la demande de mariage. Elle refuse et reprend le train pour l’Italie.

 

Elle retrouve le bourg et le glacier qui ne l’est plus car il a liquidé le fonds. En dépit de son espérance à elle, il lui fait savoir qu’il n’a aucunement l’intention de la suivre en Allemagne. Le téléfilm se termine alors sur sa nouvelle situation. Aux ordres de cet homme traditionnel archétype du mâle réputé latin, elle n’a plus de travail et lui-même n’est pas en situation de la faire vivre. On peut même penser qu’étant elle même propriétaire de l’appartement hérité du père, ce sera à elle de l’entretenir….

 

Voilà donc ce qui arrive à celles qui cèdent à la gourmandise, la paresse et la fraude en préférant l’asservissement traditionnel à l’insertion économique ainsi qu’à l’association y compris affective avec leurs homologues. Ajoutons que ce téléfilm est sensé se passer en Italie alors qu’il est facile d’y reconnaître Menton. C’est que du point de vue de l’Allemagne qui - pour vilipender leur gestion - appelle globalement Club Med les pays du Sud de l’Union Européenne, il n’y a pas vraiment de différence.

 

Ce téléfilm promeut donc l’émancipation réelle de la femme, celle-ci reposant sur l’existence d’un travail personnel en montrant par quels mécanismes - lorsque celui-ci n’est plus à sa place prioritaire - celle ci est constamment en situation de retomber dans la servitude dont le paradigme est le passage de la serpillière sous les regards du sexe male qui lui en est dispensé, et ceci sans même être sûre qu’elle pourra assurer les moyens de sa propre nourriture.

 

Sur la forme, la métaphore centrale en est la fabrication artisanale des glaces. C’est d’une boutique de ce type dont elle hérite de son géniteur. Elle ne l’a pas connu en raison de l’amour raté de sa mère elle-même victime de son statut inférieur et des conventions de l’époque. C’est dans la fabrication artisanale des glaces que son cohéritier va tenter de l’enfermer et de la soumettre. Il y parvient d’ailleurs, mais comme la glace, le fonds de commerce lui-même fond, se liquéfie et finit par être liquidé parce qu’il est dilapidé sans qu’aucune des mesures de redressement proposées par l’héroïne ne soient prises en compte.

 

L’associé qui la domine et l’exploite lui présente alors comme un cadeau l’ultime recette que le père avait mis au point pour elle. Les pétales et l’essence de rose donnent à croire à de la délicatesse. Mais en réalité c’est la cruelle loi du système en vigueur qui s’impose. Le sort de la fille ne sera pas meilleur que celui de la mère, car bien qu’on lui ait en suivant la recette, fabriqué cette glace personnalisée, elle se retrouve dépourvue de moyens d’existence et en proie à celui qui au commencement du film était son égal, pour devenir à la fin son dominant.

 

 

 

 

 

2. MARIAGE A L’ESSAI 2005

 

Téléfilm de Ben Verbong Vu le 6 Mai 2009 sur M6.

 

 

 

A Berlin une serveuse un peu brouillonne et pas très professionnelle, mère célibataire d’un fils d’une douzaine d’années ne parvient pas économiquement parlant, à faire face aux charges nécessitées par son éducation. Ayant quitté sa famille pour se lancer dans une carrière de comédienne, pour mettre du beurre dans les épinards, elle court les castings, au début de ce téléfilm là en vue d’une séquence publicitaire concernant la lessive. Elle doit représenter la ménagère qui fait allègrement son affaire de taches immondes ostensiblement marron, boue ou excrément, c’est tout un. Elle n’est pas retenue après l’essai car - lui dit on - elle n’a pas le look. Les autres candidates qui attendent leur tour ont l’air de parfaites pin up et arborent les poses suggestives correspondant à ce stéréotype.

 

De retour chez elle, on la voit en proie à tous les soucis ménagers que connaissent les mères de famille, y compris les blessures de son fils qui se plaint des tabassages subis à l’école, vêtements tachés de sang, sans compter le débordement du lave linge qui inonde l’appartement dont elle est menacée d’expulsion puisqu’elle ne parvient pas à en payer le loyer.

 

Le cadre économique est ainsi brutalement planté, mettant en évidence non seulement la violence omniprésente, qu’elle soit ouverte ou cachée, mais aussi le mensonge ambiant, car lessive pour lessive, on est brutalement confronté à la réalité sous la fiction, fut elle publicitaire. Or cette volonté de lessiver la société sans y parvenir est l’une des métaphores de cette œuvre dont l’une des composantes est la description de la volonté allemande de se débarrasser de ce qu’outre Atlantique on appelle les minorités visibles.

 

On l’apprend dès la séquence suivante qui nous présente habillé d’un fort beau costume un cadre très à l’aise dans une grande firme d’exportation de machines agricoles vers l’Afrique. Son patron le félicite pour l’augmentation des ventes qu’il a permis à l’entreprise de réaliser, mais lui annonce qu’il est licencié. C’est qu’il est noir et de l’avis même de son supérieur qui en semble à peine gêné, l’embauche d’Allemands permet de payer moins de charges, puisque la loi est ainsi faite. Bonne gestionnaire, légaliste, la firme est dans son rôle puisqu’il s’agit du système économique en vigueur.

 

L’homme quoique né sur un autre continent se croît néanmoins partie prenante de la société allemande et se rend alors au service du chômage où il explique au conseiller chargé de son cas, son projet de monter sa propre entreprise d’exportation de matériel. Mais celui ci lui apprend que c’est impossible car ayant perdu son emploi, il perd du même coup son permis de séjour et va être immédiatement expulsé. Il proteste au motif qu’il a fait ses études en Allemagne, qu’il est parfaitement intégré et qu’il ne connaît rien de son pays d’origine, le Ghana. Hélas également légaliste et lui-même dans son rôle, le conseiller demeure inflexible.

 

Le cadre s’en ouvre alors à sa très belle maîtresse, très blonde et très bien habillée, une avocate de bonne famille à qui il demande - étant donnée la situation - de l’épouser. Celle-ci est alors obligée de lui avouer ce qu’elle lui avait jusque là caché, à savoir qu’elle est déjà mariée, même si elle vit indépendamment de son mari. Elle précise qu’elle n’a pas l’intention de divorcer car son mari est lui-même en difficulté et elle ne veut pas lui causer de chagrin supplémentaire. De toute façon elle ne veut plus être sous la coupe d’un homme.

 

Le modèle de femme émancipée qui nous est présentée là est différent du cas précédent car bien qu’elles soient toutes les deux amies, ces deux prototypes ne sont pas de la même classe sociale. L’une se bat pour sa survie économique et celle de son enfant, l’autre pour sa qualité de vie. Ce n’est pas sans effet sur la réaction qu’elle a vis-à-vis des déboires de son partenaire qu’elle accuse d’avoir été arrogant. Comme il objecte qu’il n’a fait que refuser le stéréotype du pauvre immigré, elle confirme qu’il s’agit bien en effet de cela. On n’ose pas comprendre qu’elle l’a choisi comme simple instrument sexuel parce qu’étant d’origine africaine, elle était sûre de pouvoir le dominer.

 

Elle a ainsi de son point de vue réalisé un investissement dont elle entend tirer profit. Lorsque survient ce qui est pour elle un contretemps dans son plan de satisfaction de ses besoins de femme libre, elle a alors l’idée de faire contracter à son amant un mariage blanc avec la serveuse/comédienne qu’elle va par ailleurs défendre contre le propriétaire qui la menace. Ainsi a-t-elle l’assurance de conserver un partenaire auquel manifestement elle tient, physiquement parlant.

 

Le contrat est signé en bonne et due forme. La mariée blanche touche les vingt mille Euros promis et la cérémonie est expédiée avec deux témoins dont bien sûr la maîtresse du cadre, elle-même. Cet arrangement donne satisfaction à tout le monde. Chacun retourne à sa vie précédente puisque le mariage n’a lieu que sur le papier.

 

Avec cette bouffée d’air financier, la situation de la serveuse s’améliore et elle emmène son fils manger d’énormes glaces symbole de la générosité possible lorsqu’on en a les moyens. Elle commande un scooter et voit la vie sous un meilleur angle. Disons même qu’elle est heureuse, satisfaction illustrée là aussi par la métaphore de la nappe blanche qu’elle étend du coup joyeusement contre le vent, sur les tables du bistrot dans lequel elle continue à travailler.

 

De son côté le cadre ghanéen demande une prolongation de son permis de séjour au motif qu’il vient de se marier. Mais le conseiller n’est pas tombé de la dernière pluie et comme sa gestion est consciencieuse et rigoureuse, se doutant de la fraude il s’apprête à faire les vérifications matérielles nécessaires.

 

Le cadre licencié en étant informé décide pour parer le coup, de venir habiter chez la serveuse qui tente de s’y opposer. Pour la convaincre d’accepter il l’informe que le contrat qu’elle a signé comporte une clause de remboursement des vingt mille Euros si le mariage venait à être annulé. Pour l’avocate et son amant, rien n’a en effet été laissé au hasard et s’ils sont eux deux apparemment de la même classe sociale, ils n’ont ni l’un ni l’autre aucun égard pour la serveuse qui leur est socialement inférieure. Elle s’exécute.

 

Il vient donc habiter chez elle. Il trouve le logement ridiculement petit et est blessé de devoir partager la chambre du fils. Entre la serveuse et lui, il n’y a rien de commun, leurs représentations du monde et leurs préoccupations sont aux Antipodes. La culture africaine est là symbolisée par une carapace de tortue et les os de la grand-mère du cadre, fétiche dont il se sert pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne.

 

De son côté au commencement de l’adolescence, en proie aux mauvais traitements de l’un de ses camarades, le fils de la serveuse voit dans ce nouveau cohabitant une figure paternelle qu’il cultive. Parce que cela lui est naturel et culturel, sans éprouver d’affection particulière pour l’enfant, le cadre répond à la demande. Il surnomme celui qui est légalement son beau fils guerrier et lui apprend à se défendre. Leur complicité se noue autour du football, et n’en est pas exclue non plus la serveuse qui avoue avoir préféré lorsqu’elle était enfant, ce sport aux poupées qui ne l’ont jamais intéressée. Ils inventent ainsi tous les trois un modus vivendi pragmatique qui fonctionne parce que là aussi chacun y trouve son compte.

 

Mais la voisine de pallier appelle la police et les dénonce en affirmant que le prétendu mari n’habite pas vraiment là. Le fait est qu’il continue effectivement à fréquenter sa maîtresse elle-même à l’origine du plan de sauvetage de son amant auquel elle tient en tant qu’objet sexuel. Mais lorsque les époux retournent voir le conseiller pour le traitement de la demande de permis de séjour, la serveuse a oublié son alliance. Le service suspecte le mariage d’être de complaisance et s’apprête à refuser la prolongation du visa.

 

On questionne la femme séparément et on l’informe que si elle s’est laissée aller à ce qui est un délit, les service sociaux vont lui retirer son enfant. Le conseiller la questionne très précisément pour parvenir à établir l’éventuelle réalité de ce mariage. Elle s’embourbe dans des réponses qu’elle invente au fur et à mesure des besoins, affirmant notamment que son prétendu mari a gardé son ancien appartement dans lequel ils peuvent se rencontrer librement loin de la vue de son fils à elle. Le conseiller consciencieux va jusqu’à demander la couleur de la moquette de ce prétendu logement.

 

Hélas, l’erreur est totale. Lorsqu’elle retrouve le cadre auquel elle est légalement unie, elle apprend que non seulement le sol de l’appartement est en réalité en parquet, mais que la description stéréotypée que la serveuse a fait de l’ensemble d’un aménagement de ce qu’elle imagine être l’habitat africain - tambours, masques, statues - toute la pacotille des bazars - est sans rapport avec ce qui est en réalité la belle installation moderne d’un salarié qualifié gagnant bien sa vie dans une firme mondialisée. Qu’à cela ne tienne, pragmatiques ils décident de modifier la décoration de cet habitacle dans le sens du cliché et de s’y installer.

 

Pendant ce temps les relations avec sa maîtresse commencent à se refroidir, ce dont on a commencé à s’apercevoir lors des activités intimes durant lesquelles la belle avocate l’utilise sans aucun romantisme. Comprenant qu’elle va le perdre, elle lui propose d’obtenir grâce à son intervention un poste dans l’une de ses entreprises familiales. Mais au moment d’y signer le contrat qui du même coup le vassaliserait définitivement, le cadre se dérobe, s’enfuit et retourne auprès de son épouse légale.

 

Une quotidienneté commence à s’installer entre le cadre et la serveuse qui bien que de milieu et de classe sociale différentes se trouvent avoir là non seulement des intérêts économiques et sociaux communs, mais découvrir en l’autre la métaphore de leur discrimination. Chacun influençant l’autre, il s’établit même entre eux une osmose d’autant plus vivante que se développe également de façon positive le lien avec l’enfant.

 

Les Parents de la serveuse - avec qui les relations sont catastrophiques - viennent la voir pour leur habituelle visite annuelle. Ils reprochent à leur fille sa carrière ratée de comédienne, son fils qu’ils déplorent né d’un turc de passage, et que leur soit maintenant imposés ce prétendu gendre qu’ils identifient comme un chômeur africain dont ils ne veulent à aucun prix dans la famille. Mais lui-même offre son affection à ses beaux parents légaux, fait l’apologie de sa femme et des talents ménagers de sa belle mère dont il apprécie la bonne cuisine…

 

Au milieu de cette ambiance tendue, surgit le conseiller qui vient faire son inspection, notamment apprécier le degré de coïncidence entre la description de la serveuse/comédienne et la réalité de l’appartement du cadre. La serveuse fait face en utilisant la mise en scène de la séduction sexuelle, ce à quoi elle a par ailleurs constamment recours, accentuant ainsi le décalage entre les deux femmes, la maîtresse qui inverse la situation du partenaire objet sexuel et la prolétaire qui utilise son charme comme un outil économique. Face à cette intrusion, tout le monde serre les rangs, les Parents eux-mêmes font volte-face et jouent le jeu du vrai mariage.

 

Organisé par l’école fréquentée par le fils de la serveuse, lors du trophée de football dénommé Père et fils, le cadre ghanéen et l’enfant du turc sont ensemble opposés au conseiller et à son fils à lui, lequel se trouve fréquenter le même établissement et être le tourmenteur dénoncé dès le début du film. La bagarre, métaphore des luttes guerrières pour la conquête et la conservation des territoires, tourne à l’avantage du cadre et de son beau-fils. Le conseiller lui dit alors Quel dommage que vous ne puissiez pas jouer pour la Coupe du Monde, car il sait lui que le visa a été refusé et que l’expulsion définitive est inévitable.

 

La serveuse a enfin trouvé à tourner un film publicitaire car dit-elle, elle a bien cette fois le look qui convient à savoir celui de la célibataire larguée et stressée (sic). Le slogan de la séquence est Accorde toi un moment de plaisir avec un café africain ! Le cadre est expulsé, le conseiller lui prodiguant comme encouragement qu’avec son niveau de qualification il n’aura pas de mal à trouver un emploi… dans son pays. Découvrant qu’elle aime cet homme, la serveuse s’agite et fomente des troubles pour empêcher l’avion de décoller, notamment en criant qu’elle aime son mari.

 

L’happy end fait état d’un réexamen favorable du dossier.

 

Le téléfilm est construit autour du thème de la comédie et des clichés sans arrêt inversés. La comédie n’est pas sur la scène du théâtre mais dans la réalité sociale où tout est faux, comme sont faux les stéréotypes. On est dans un univers ordonné dans lequel la loi est rigoureusement appliquée sans aucune aménité. Chaque tentative de désordre est immédiatement réprimée et l’accroc réparée. Le système paraît irréfragable et pourtant il craque de toute part.

 

Cela tient au fait que l’enjeu en est la révolution démocratique en cours. Ce qu’on appelle en France Les Minorités - qu’elles soient catégorisées par le sexe ou des particularismes ethniques ou physiologiques - ne supportent plus leur marginalisation et à la faveur de la globalisation cybernétique qui rebat les cartes, commencent à réclamer non seulement une part du gâteau, mais aussi un véritable partage du pouvoir. Ceux qui le détiennent ne le souhaitent pas et s’accrochent de toutes leurs forces à ce qui ne leur apparaît pas comme des privilèges mais leurs légitimes prérogatives. Or l’action de ces minorités en question, dans un système démocratique attisent les contradictions.

 

Le téléfilm Mariage à l’essai présente donc ainsi le parallélisme entre la condition des Noirs et celle des femmes sans arrêt en but à une discrimination qu’ils combattent de toutes leurs forces sans pour autant parvenir à y mettre fin. En la décrivant dans les menus détails de la réalité sociale quotidienne, le film encourage à résoudre ce problème. La solution acceptable proposée par cette œuvre est l’acceptation du citoyen de couleur pourvu qu’il ait fait la preuve de sa compétence non seulement sur le plan économique, mais aussi dans l’éducation des fils à la défense et à la compétitivité. On n’en est pas forcément étonné lorsqu’on connaît le système économique allemand et la place donnée tant à l’apprentissage qu’à la promotion interne.

 

De surcroît les salaires des travailleurs pauvres ne permettant pas d’élever seule un enfant, les mères célibataires sont ainsi encouragés à en partager avec l’autre moitié du monde, la charge pourvu que celle-ci s’implique effectivement dans l’aria quotidienne. La transmission d’une génération à l’autre sera ainsi rétablie dans son fonctionnement indispensable à la survie des sociétés en proie à la concurrence globale, ce qu’exprime omniprésente la métaphore centrale du football comme édulcoration de la confrontation guerrière que seul l’angélisme croît possible d’éradiquer.

 

A ce prix, le féminisme n’est plus un problème, la liberté sexuelle et existentielle étant admise dans des versions très différentes selon les classes sociales. Les bourgeoises ont renversé la situation traditionnelle en cumulant dans l’indépendance le mari et l’amant, quitte à se heurter à des réalités physiologiques qu’elles ont peut être sous estimées… Les femmes des classes pauvres qui elles n’ont pas les moyens de cette indépendance ont tout de même vu leur propre situation s’améliorer. Même si elles sont toujours dans la séduction obligatoire pour qui n’a pas les moyens vitaux de s’en passer, elles sont au moins déchargées du fardeau domestique qu’elles peuvent enfin prendre par-dessus la jambe…

 

 

 

 

 

3. ALLER-RETOUR POUR L’AMOUR 2008

 

 Téléfilm de Sébastien Vigg. Vu le 12 Juin 2009 sur M6.

 

 

 

L’héroïne du film a quitté l’Allemagne de l’Est il y a longtemps, pour aller travailler à l’Ouest dans une grande multinationale en tant qu’assistante d’une patronne veuve. Elle a laissé derrière elle un amoureux qui a monté une base nautique fonctionnant péniblement et occupe le reste de son temps à des essais techniques ayant pour but d’utilisation de l’énergie aquatique. Dans sa vie à l’Ouest, elle file le parfait amour avec le fils de sa patronne qui finit comme c’est logique par la demander en mariage. Une noce grandiose se prépare sous la direction autoritaire de la mère du futur marié.

 

Il n’y a qu’une petite difficulté… l’héroïne est encore mariée à l’Est et son mari ne veut pas entendre parler de divorce bien que le lien conjugal soit dans la réalité, manifestement rompu depuis de nombreuses années. L’héroïne retourne donc au pays pour faire le forcing et obtenir que son conjoint légal lui signe enfin le papier libérateur qui lui permettra de refaire non seulement dans la réalité mais aussi juridiquement, sa vie à l’Ouest.

 

Ce voyage est dans le téléfilm, l’occasion de dresser un panorama général des difficultés des Allemands anciennement de l’Est pour surmonter les difficultés économiques consécutives à l’effondrement de ce qui était autrefois leur pays bien différent de l’Ouest. Le mari de l’héroïne végète en s’efforçant de tenir le coup, une amie a ouvert un salon de coiffure sans avoir de qualifications particulières pour cette activité. Quant au père de la mariée, sanglé dans son ancien uniforme d’officier navigant, dans une carriole à chevaux il promène les touristes en ville, complétant ce modeste revenu, par la location dans l’auberge - aujourd’hui crasseuse et déglinguée - que tenait autrefois son épouse décédée, des chambres aux voyageurs.

 

L’opinion générale de tout ce petit monde sans autre ambition que la survie et le maintien des liens affectifs, est que l’héroïne les méprise, parce qu’ils ne sont plus assez bien pour elle depuis qu’elle travaille à l’Ouest. Notamment ce qui était autrefois ses proches n’ont pas entériné ce qu’elle-même considère comme la rupture définitive du lien conjugal et l’opinion du groupe n’est pas si sévère que cela pour le mode de vie du manager de la base nautique et ses essais interlopes.

 

Bien qu’elle désapprouve profondément le mariage de son fils avec celle qui est son assistante à elle, mariage qu’elle considère comme une mésalliance, la directrice de la firme de l’Ouest organise tous les détails de la cérémonie du mariage, comme s’il s’agissait de l’entreprise elle-même et comme si les perspectives en étaient les même. Face à cet abus, son fils essaie de reprendre les commandes de sa propre vie et en arrive bientôt à la conclusion que dans ce but, le mieux serait de se marier à l’Est chez le Père de sa fiancée.

 

Il s’y rend et y découvre le pot aux roses, mais aimant sincèrement sa fiancée, il passe outre. Le mariage peut désormais d’autant plus avoir lieu que le premier mari a fini par signer son consentement juridique au divorce, car il est persuadé que les manœuvres d’un douteux paparazo qui s’active sur le terrain, suffira lors de la publication des photographies dans la presse à faire échouer le projet lorsque le scandale éclatera.

 

On apprend incidemment que de son côté il souhaitait lui aussi quitter l’Allemagne de l’Est sans en avoir pour autant, les moyens matériels. Mais sa situation est désormais différente car il a réussi à vendre son brevet à des hommes d’affaires venus des Indes. La venue des invités pour la noce est dans le téléfilm, l’occasion de décrire la différence des deux sociétés, les habitants de l’Est étant dépeints comme crasseux et déglingués mais capables de progresser sous la houlette de ceux venus de l’Ouest. La métaphore centrale en est la rénovation de l’auberge du père de la mariée, rénovation à laquelle celle-ci se dévoue, assumant sans compter sa peine dans ce qu’autrefois, on aurait qualifiée de fonction de maîtresse de maison.

 

Mais les variations du cœur continuent et le jour même du mariage la mariée est encore partagée entre son ancien et son futur mari. Contre toute attente, c’est l’ancien mari qui l’emporte comme la mariée rencontre les hommes d’affaires venus des Indes et c’est lui qu’elle choisit à nouveau pour la satisfaction bien sûr des habitants de l’Est qui voit leur narcissisme revalorisé.

 

On comprend alors qu’elle a toujours aimé le manager de la base nautique mais que l’absence d’avenir économique de cette micro entreprise ne suffisait pas à la convaincre que son avenir était dans ce qui est montré là comme un trou rural, peuplé de péquenots. On est médusé de constater que c’est la vente du brevet à des industriels de pays émergeants, présentés comme des caricatures enturbannés qui emporte le morceau.

 

La tonalité générale du film est que le salut pour les habitants de l’Est n’est pas dans leur installation à l’Ouest, mais dans leur propre redressement sur le modèle des entrepreneurs de l’Ouest, c'est-à-dire en se situant eux aussi dans le cadre d’un monde globalisé au sein duquel il est vital d’adopter les standards de l’Ouest.

 

En échange l’humanité et l’affectivité de la société de l’Est n’est pas contestée, mais comme dans tous les téléfilms de cette sorte, elle est subordonnée à la solution au préalable, des problèmes économiques. On leur concède quand même une émancipation individuelle supérieure à la société de l’Ouest dont les hommes sont dépeints comme des pantins, ceux de l’Est n’ayant pas eux renoncé à leur masculinité !

 

 

 

 

 

4. LA PROFONDEUR DES SENTIMENTS 2004

 

Téléfilm d’Olivier Dommenget. Vu le 15 Juin 2009 sur M6.

 

 

 

Le téléfilm a pour cadre les maisons de vacances au bord d’un lac, en Suède. Le personnage central en est l’ouvrier factotum qui effectue avec une vaillante gentillesse toutes les réparations nécessaires dans les habitations ainsi qu’au haras d’une grand-mère autoritaire et énergique. Sa petite fille orpheline s’épanouit à son côté dans une vie sportive et campagnarde qui la prépare - au moins dans l’esprit de celle qui l’élève - à prendre sa place de direction, et la relève. Mais l’adolescente est amoureuse du factotum avec qui elle s’entend bien, tant en ce qui concerne les chevaux que le reste de ses préoccupations. Petit à petit, au fur et à mesure du développement du film, le jeune fille envisage même de faire sa vie avec lui.

 

Opposée à cette mésalliance, la grand-mère freine cette idylle, et parvient même à l’entraver grâce à la pression qu’elle est en situation d’exercer sur le beau factotum. Pressions d’abord d’ordre économique puisqu’il est son employé, mais dont on comprend bientôt qu’elles sont confortés par un mystère qui les lie. De leur côté dans les maisons de vacances, des constellations d’individus qu’on n’oserait pas appeler familles tentent de leur côté de lutter contre la décomposition induite par les opportunités et mutations qui se présentent dans les divers projets de réalisation personnelle en solo.

 

Ainsi une jeune photographe de la capitale se trouve t’elle rester là en villégiature comme son boy-friend qui l’y a amenée part seul au bout du monde. Elle n’est d’ailleurs pas longue à le remplacer par le beau et désirable ouvrier manuel qui non seulement répare de bon matin le toit lorsqu’il y a eu de la tempête, mais sait opportunément mettre en marche le grille pain ou procurer légumes frais et guide touristique de la région. Cet amour ancré dans le tropisme du bien être est bientôt renforcé parce un sauvetage hors des eaux du lac, sauvetage de la citadine rendu nécessaire par son insuffisante maîtrise des techniques rurales.

 

Mais ces amours champêtres ne sont pas si simples car cet homme solide et sécurisant paraît tiraillé entre les deux femmes, l’adolescente éperdument campagnarde et la trentenaire photographe urbaine à l’amble de la globalisation. Le combat entre les deux prétendantes au même compagnon a lieu à fleuret moucheté, mais tenaces, elles sont l’une comme l’autre bien décidées à triompher de leur rivale. Elles s’épient, se surprennent, se désolent, se désespèrent, s’enfuient et découvrent les unes derrières les autres toutes les étapes de la carte du Tendre.

 

La grand-mère désapprouve ouvertement la situation mais le factotum n’est pas pour autant ébranlé dans sa fonction et on comprend qu’il n’a pas l’habitude de céder à ses pulsions. Néanmoins on sent bien que le drame approche. Il est enrayé grâce à la modernité de la photographe qui découvrant son secret lui déconseille d’y rester enfermé car à cause de cette occultation que la grand-mère le domine et parvient à le confiner. Elle le pousse donc à une sorte de glasnost et de perestroïka dans lesquelles il s’agit de tout mettre à plat. Leur esprit de décision radicale et l’annonce qu’il fait à la grand-mère maîtresse chanteuse qu’il est prêt lui même à s’effacer si elle le lui demande, finit par emporter toutes les préventions.

 

La révélation de la réalité telle qu’elle est, enclenche une happy end qui donne satisfaction à tout le monde. L’ouvrier aux mains d’or, tenace et travailleur est en réalité le père de la donzelle malencontreusement amoureuse de lui. Et si il a autrefois traité par-dessus la jambe sa mère à elle – à savoir la fille désormais morte de la grand-mère autoritaire - en se désintéressant d’une aventure sans lendemain sinon sans suite physiologiques, il a depuis – pour réparer cette erreur - passé un contrat avec la propriétaire du haras. En y travaillant, il peut de cette façon quotidiennement veiller sur sa fille, mais ne doit à aucun moment lui révéler leur lien de parenté.

 

Cet arrangement tabou est brisé par la révélation qu’à initié la photographe, changement de posture dont elle est elle-même la bénéficiaire puisqu’en remettant la jeune fille à sa place de fille de, il n’y a plus de concurrence pour la possession physique de l’amant. L’abandon du secret améliore tellement la vie que la grand-mère est alors prête à faciliter le rapprochement du père et de la fille en leur autorisant enfin le voyage en Laponie qu’ils rêvaient de faire ensemble et qu’elle leur interdisait farouchement auparavant. La photographe n’a plus rien à craindre d’une pareille expédition et on sent qu’elle est prête elle-même au retour à servir de belle mère à la fascinante adolescente qui était précédemment sa rivale.

 

Les liens personnels ont donc été modernisés grâce à l’abandon de ce que les générations précédentes appelaient les secrets de famille. Le parcours peu glorieux des hommes n’est plus désormais un handicap à l’exercice de leur paternité, même si c’est avec un certain retard. Cette fonction peut s’exercer indépendamment même du lien à la mère. C’est alors la dissociation complète du couple parental et de sa fonction de prise en charge responsable de l’évolution des enfants.

 

La métaphore centrale est l’ouvrier factotum qu’on appelle pour les réparations de tous ordres. La simplicité de son intégration améliorant la vie de tous. Là aussi c’est une affaire de bonne gestion, on ne peut pas se passer de père et la confusion des générations est lourde de tous les disfonctionnements et menaces. Il faut l’éviter à tous prix et pour cela renoncer au secret. Il n’est plus honteux d’avoir enfanté, même si on ne l’a pas fait exprès…

 

 

 

 

5. LE COMMANDO 2004

 

Téléfilm de Thomas Bohn. Vu le 12 Juillet 2009 sur Arte.

 

 

 

Dans une caserne allemande, il se trouve qu’un père, général a été nommé le supérieur hiérarchique de son fils, lieutenant retour d’Afghanistan, lequel n’apprécie guère la situation car il dit avoir été là « avant ». Il a pour fiancée une jeune femme aimant les plaisirs de la vie et ne comprenant rien aux contraintes de la vie militaire. Ce n’est pas le cas de la mère du lieutenant, car si elle ne vit plus que partiellement avec son général de mari, elle est issue du sérail et exprime de son côté sa contestation politique, par sa participation en tant que médecin à des missions humanitaires sur le terrain des opérations. C’est ce que critique tous les deux, et le père et le fils qui ensemble la considèrent comme une personne bien naïve, d’autant plus qu’elle reconnaît elle-même s’être dans le passé trompée sur ses choix, lors de diverses actions.

 

Vivant plus ou moins séparément, mais ayant tous les deux choisis la pacification de la vie quotidienne sans pour autant renoncer à exprimer leurs divergences, son général de mari a de son côté une liaison suffisamment heureuse avec la psychologue de l’unité, professionnelle consciencieuse elle même chargée d’évaluer les capacités des militaires et de les aider à gérer leurs difficultés, pour qu’ils transgressent les normes de discrétion.

 

Or c’est bien là que le bât blesse. Etant donnée la situation, à savoir la liaison de son père avec la femme qui doit prendre en charge ses états d’âme, le fils refuse les entretiens obligatoirement prévus, ce dont s’alarme assez peu le père, contrairement à sa maîtresse qui se trouve de fait en position de quasi belle-mère d’un jeune adulte, quasi belle mère convaincue que quelque chose dysfonctionne.

 

Le drame va se produire lors d’une mission dans le Caucase, action dont doit faire partie le détachement du fils qui continue pourtant à refuser la consultation prévue avec la rivale de sa mère. Mise au courant, celle ci prêche un pacifisme new look s’opposant à ce genre d’intervention. La consultation psychologique est imposée de force au jeune homme et elle se passe assez grossièrement, ce dont on ne peut pas s’étonner.

 

Lors de la répétition détaillée du déroulement de la mission telle qu’elle est prévue, tous les militaires conformément à ce qu’on leur a annoncé, croient qu’il s’agit d’une action antiterroriste destinée à empêcher la réalisation d’un attentat avec une bombe radioactive jetée sur Heidelberg, agression calquée sur le modèle et dans la mouvance des inspirateurs de celui du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis. Les services secrets en auraient révélé l’imminence.

 

Mais le général de père apprend par un ami bien placé, qu’il n’y a dans la réalité aucun attentat prévu contre une ville allemande quelconque mais qu’il s’agit simplement d’anéantir préventivement un groupe de combattants basé dans une ancienne usine désaffectée. Cette opération s’intégrant dans une stratégie plus vaste de défense des Etats-Unis.

 

Il est furieux et se révolte d’autant plus qu’il verbalise l’illégalité de l’entreprise, la loi fondamentale du pays n’autorisant les interventions de l’armée allemande à l’étranger que dans la mesure où ses propres citoyens sont menacés, ce dont on comprend la prudence lorsqu’on fait référence au passé historique de l’Allemagne. Néanmoins, homme de devoir tant par statut que par nature puisqu’il préfère la psychologue à sa femme, il obéit après avoir sans succès tenté d’écarter son fils de l’opération, car celui-ci ne s’est pas laissé faire.

 

La mission a bien lieu. L’usine est attaquée selon le schéma programmé et les pseudo terroristes sont éliminés. Tous sauf une jeune femme qui physiquement ressemble à la mère du lieutenant engagé dans l’opération. Elle n’est que blessée et après avoir tenté de la soigner sur place - la logistique se repliant – le jeune au mépris des consignes qui consistaient à les tuer tous, décide de la ramener en Allemagne.

 

Le scandale éclate et la Justice Militaire intervient. Si tous les membres de cette affaire sont acquittés au motif de leurs états de service et de la reconnaissance de leur compétence - la psychologue étant même félicitée pour sa perspicacité - le fils lieutenant est le seul sanctionné. Il est renvoyé de l’Armée au motif qu’il a enfreint les ordres et mis ses compagnons en danger.

 

Il est accueilli à la sortie du cantonnement par sa pacifiste de mère qui n’en est pas choquée tout au contraire puisqu’elle préfère l’aide au développement durable aux pays instables plutôt que la politique de la terre brûlée qui semble effectivement pratiquée. Elle le serre dans ses bras sous l’œil bienveillant du général qui lui, reste à la caserne. La fiancée du fils est également venue pour l’accueillir, mais elle ne reste pas avec lui, il n’en veut pas et il part seul en habit civil droit devant lui. C’est la dernière image du téléfilm. Elle est anormalement longue par rapport aux autres séquences de l’œuvre.

 

Les derniers commentaires du juge de la commission militaire sont pour qualifier tous ces protagonistes de menu frottin et faire état du déroulement nécessaire de la suite des opérations : A savoir la mise en cause des politiciens responsables d’une telle illégalité car c’est ainsi qu’est appréciée l’affaire en question et que l’ont dénoncée les journaux.

 

A ce qui en France se poserait en termes de politique étrangère et de raison d’Etat est opposé là la problématique de l’illégalité et de la gestion. L’illégalité dans l’emploi de l’armée entraînée par la manipulation mensongère à une stratégie d’action groupée des pays occidentaux, au détriment du libre arbitre des états souverains. Quant à celle de la gestion, elle concerne l’utilisation rationnelle du capital humain au sujet duquel on prend les précautions d’usage. Là aussi on peut penser que c’est l’aventure historique de la Deuxième Guerre Mondiale qui a rendu indispensable de prendre au sérieux un contrôle psychologique des militaires déclenchant des actions.

 

L’étonnement qu’on éprouve en voyant ce film ne vient pas de son affirmation de la nécessité de respecter la légalité car nous savons qu’hors des frontières hexagonales dans de nombreux pays globalement analogues, le respect de la loi est une valeur qu’on prend plus au sérieux qu’en France. Il réside dans le fait que le fils est renvoyé alors qu’il n’a fait que céder à des sentiments de compassion humaine lors d’une mission illégale et truquée, c'est-à-dire d’une certaine façon en renouant avec ce que l’humanisme pourrait considérer comme le meilleur de l’être humain.

 

A contrario, c’est bien la psychologue, maîtresse du général qui est félicitée pour sa perspicacité. Or cette femme fait froid dans le dos au point que le fils, par elle questionné sur ses états d’âme finit par lui lâcher: Je me demande qu’est ce que mon père peut bien trouver à cette femme. Finalement le film nous le fait comprendre, cette femme qui apparemment n’est pas désirable l’est par sa capacité à maîtriser la gestion du matériel humain. C’est ce dont sont incapables et le lieutenant renvoyé pour incompétence, et sa mère pacifiste.

 

Programmé sur Arte, quoique présenté comme un téléfilm on a là l’impression d’avoir affaire à un film dont c’est plutôt le format et le style. La différence avec les autres téléfilms présentés sur M6 ne réside pas dans le fait qu’il est lui aussi, un produit de propagande mais que concernant les grands thèmes abstraits, il ne propose pas des modèles de comportements pour solutionner les problèmes que chacun rencontre dans la vie quotidienne. Il fait l’apologie du modèle masculin traditionnel, quitte à le tempérer par le règne de la Constitution, mais pas au-delà.

 

Finalement le tropisme que le fils aurait envers les idées et les comportements de sa mère, tropisme qui pourrait bien s’expliquer comme le pense la psychologue, par le traumatisme de la guerre en Afghanistan, doit être rejeté. Et il l’est. Le fils cherchant d’ailleurs par lui-même à échapper à l’orbite de sa mère, sans pouvoir y être aidé par un père disqualifié par sa complicité avec la fraude ambiante, même si lui-même la désapprouve.

 

 

 

 

 

6. PAPA ET MOI 2007

 

Téléfilm de Franziska Meyer Price. Vu le 15 Juillet 2009 sur TF1.

 

 

 

Le téléfilm commence à Frankfort sur l’énoncé d’un jugement de divorce confirmant un protocole déjà en vigueur. Une fillette est confiée à sa mère coiffeuse, femme classique, soignée et sans éclat, laquelle se voit attribuer l’autorité parentale. Le père, arrivé au tribunal in extremis, un marginal à la limite de la désocialisation, bénéficie d’un droit de garde de quarante huit heures par quinzaine. C’est un menuisier qu’on nous montre dans son environnement déglingué, peu rigoureux dans son travail, en délicatesse financière et ayant sans arrêt recours aux autres pour se tirer des embarras que son incurie lui a créés. Son amante obèse s’occupe gentiment de la petite fille, elle-même très attachée à son père.

 

La mère est de son côté en ménage avec un cadre de niveau social supérieur. Cet homme est davantage préoccupé par son confort et la jouissance des facilités qu’offre la vie bourgeoise que par le sort de la fillette qui lui apparaît comme un handicap à sa liberté d’action. La mère apprend alors au père qu’elle va suivre son nouveau compagnon à Hambourg, là où les affaires de celui-ci seront plus commodes. Du même coup elle pourra enfin devenir sa propre patronne en ouvrant enfin le salon de coiffure dont elle rêve depuis toujours. On comprend qu’il lui sera offert par son compagnon qui en a les moyens.

 

Naturellement la fillette déménage avec eux. Brutalement annoncé de surcroît, la nouvelle rend le père furieux car il n’aura plus les moyens matériels d’user de son droit de garde dans une ville qui n’est pas la sienne. Sans méconnaître les dégâts d’un tel changement, son ancienne femme présente cette décision comme irrévocable et on comprend qu’elle est elle-même soumise aux oukases de son nouveau maître, soumission qui lui donne en compensation, la perspective d’une ascension sociale. De plus le contentieux qui a été la cause du divorce ne semble pas la pousser à une quelconque générosité qui assouplirait le droit.

 

Tout le téléfilm va rouler sur les péripéties de cette restructuration. Car face à cette violence - qui quoique légale lui paraît inacceptable - le père va profiter de son droit de garde pour emmener sa fillette en vacances aux Baléares et oublier de la ramener dans les délais prévus. Cette escapade leur permet à tous les deux de mieux se connaître, même si les expédients du paternel marginal posent de lourds problèmes dans la vie quotidienne. La mère porte plainte, alors même que la police le lui déconseille, forte de l’expérience qui montre qu’en cas de dépassement des horaires, les pères ramènent rapidement les enfants. Selon le protocole prévu - et le droit n’est pas en Allemagne une plaisanterie - les recherches sont déclenchées, le père rapidement arrêté et la fillette placée dans un foyer…

 

Le nouveau compagnon de la mère est exaspéré de toutes ses complications tandis que de son côté elle-même découvre que sa fillette est heureuse avec son père, même si son mode de vie est particulier. Elle retire sa plainte et accepte d’autant plus de laisser l’enfant à son père que la situation matérielle de celui-ci s’est améliorée grâce à de nouveaux marchés conclus, notamment avec un vendeur de mobilier séduit par le caractère original d’une production qui au départ n’avait été créée que pour servir à la fillette. Notamment un lit en forme de drakkar !

 

Le film se termine sur les larmes de la mère qui suit son nouveau compagnon chargeant les cartons du déménagement dans la voiture qui part pour Hambourg. Le prix de l’ascension sociale paraît élevé et on peut se demander si le téléfilm ne critique pas la stratégie de la mère et sa volonté d’améliorer son sort au moins matériel, sinon de s’émanciper. Par contre il prend franchement parti pour le père dont le caractère marginal devient acceptable pourvu qu’il s’occupe correctement de son enfant, en innovant économiquement parlant et gagnant ainsi l’argent de leur indépendance à tous les deux.

 

Ce couple de divorcés qu’on nous présente au début du film, est en fin de compte constitué de deux auto entrepreneurs qui ont à régler la question de la gestion de leur production commune, en l’occurrence une fillette. Il apparaît que c’est le plus indépendant des deux, fut-il loufoque qui est le meilleur…

 

 

 

 

 

7. L’ESPOIR EST DANS LE LAC 2008

 

Téléfilm de Jan Ruzicka. Vu le 26 Juillet 2009 sur Arte.

 

 

 

Dans un petit village du Nord de l’ancienne Allemagne de l’Est, la faillite du chantier naval qui fabriquait des canoës en bois, techniquement et artistiquement parfaits, a plongé la population dans la déréliction. C’est que ce n’était pas seulement une activité économique, mais aussi sociale, sportive, affective et psychologique. Le téléfilm nous décrit un groupe de gens chaleureux et amicaux, amis depuis l’école, soudés autour des compétitions nautiques, et néanmoins dans la mouise. Le forme en est fortement influencée par les films tchèques de la haute époque et il n’est pas difficile d’y décrypter la perduration d’une société fortement marquée par presque un demi siècle de socialisme.

 

Depuis la réunification, tout périclite dans la nostalgie des succès passés, car tous ces hommes ne forment en fait qu’un seul corps. Le maire qui tient le café tente de désembourber l’ensemble avec des projets économiques et sociaux mieux adaptés à la nouvelle situation : Musée du canoë, golf, tourisme voire même fabrication de bateaux en plastique sur fond de dénatalité et de fuites des gens vers l’Ouest. Son propre enfant étant mort en bas âge, il va jusqu’à signaler qu’il ne naît au village que des bâtards suggérant ainsi l’instabilité de la population.

 

Il a fait une demande pour obtenir des subventions de reconversion et attendant la visite d’un consultant qui devra donner son avis, il s’occupe d’orienter l’activité du village dans cette perspective. Il y parvient à peu près dans une opération de nettoyage généralisé.

 

De son côté, sage femme sans emploi, occupée essentiellement par la garde de sa mère qui n’a plus toute sa tête, la femme du maire décide de son côté de reprendre un travail mais doit faire face à toutes les difficultés qu’on imagine : Connaissances obsolètes, manque de pratique de la conduite, surveillance de l’ancêtre assez exigeante. Elle postule avec ferveur mais accumule les lettres de refus.

 

Venus de l’Ouest, un couple de vélocipédistes met de l’animation car moderniste en diable, férue de diététique, la femme mène son compagnon à la baguette et s’avère sans aucune compassion face à l’accident de celui-ci, ainsi qu’aux mœurs traditionnels du village dans lequel ils sont obligés de faire étape, néanmoins recueillis selon les normes en vigueur. En réaction à ce mépris qui apparaît comme celui du capitalisme de l’Ouest, les incidents se multiplient.

 

Survient également un automobiliste dans une Trabant qui tombe en panne et qu’on croit à tort être le consultant qu’on attend. Il fait réparer son véhicule chez une mère célibataire garagiste avec laquelle il entreprend une histoire d’amour. Il lui propose d’émigrer avec lui à Cracovie en Pologne ou même à Saint-Pétersbourg… Elle refuse.

 

De son côté la sage femme va à Hambourg pour un entretien d’embauche. Elle n’est pas retenue pour le poste mais a eu l’occasion d’admirer une maternité à tous points de vue remarquablement conçue et équipée. Elle fait état de son admiration médusée, et envisage d’adopter ce standard pour sa pratique. Mais elle découvre que son maire de mari lui a caché son courrier et qu’elle raté une autre possibilité d’emploi. Bien qu’il argue du fait que c’était pour lui éviter une nouvelle déception, elle le renvoie et se décide à placer sa mère en maison de retraite pour pouvoir elle-même quitter le village. Sa génitrice s’y oppose de toutes ses forces…

 

Installée au village l’automobiliste non pas consultant mais étudiant en biologie, découvre que dans le lac les écrevisses allemandes disparues après l’introduction au 19e siècle d’écrevisses américaines pour pallier une épizootie, ont réapparu. Il s’avère par ailleurs être en fait le fils du maire, produit d’un adultère de passage. Celui-ci l’avoue à son épouse dont il craint la réaction alors qu’elle est déjà au courant et ne s’en offusque pas. On apprend pour finir que le consultant attendu ne viendra pas car il y a eu confusion entre plusieurs villages homonymes.

 

Véritable morceau d’anthologie cinématographique, les régates qui organisent la traversée du lac ont lieu devant le village mobilisé et en fête. Les deux canoës à huit rameurs s’affrontent de tout leur cœur. Ceux du village ont des maillots rouges et gagnent alors que les autres dénommés aigles noirs, maillots à l’avenant sont vaincus.

 

La femme du maire le quitte pour reprendre ailleurs un travail, mais celui-ci est plein d’espoir dans l’avenir écologique du village car son fils l’automobiliste, étudiant en biologie, affirme qu’en creusant la question des écrevisses allemandes, quelques nouveautés positives sont possibles.

 

La métaphore centrale de ce téléfilm est l’économie du lac synthétisé par l’ambiguïté du titre, celui-ci étant à la fois le lieu du désespoir mais en même temps celui de la reconversion économique et sociale. Il nous présente des femmes très émancipées dans une société chaleureuse et amicale en proie aux difficultés économiques mais ne baissant jamais les bras. Une fois de plus, le salut vient de l’innovation économique et des transformations résolues. La reprise de la natalité est une question centrale, l’assouplissement des mœurs ayant lieu pour la facilité.

 

 

 

 

 

8. LE BONHEUR EST AU BOUT DU MONDE 2007

 

Téléfilm de Dietmar Klein. Vu sur M6 Le 29 Juillet 2009.

 

 

 

L’action du film se déroule à cheval entre Berlin et la Nouvelle Zélande. Une femme cadre dans une firme chimique prépare le rachat par son entreprise d’une fromagerie écologique au bord de la faillite établissement sis à l’autre bout du monde et dans lequel travaille sa fille aînée. Le mari de la cadre est en train de la quitter, mais comme ils ont ensemble trois filles, et que leur mère fait le maximum pour leur éducation, ils gardent des relations convenables, voire amicales.

 

La mère rend visite à sa fille et découvre avec stupéfaction que celle-ci - quoique très jeune - va épouser le fils - également très jeune lui aussi - d’un fermier qui vend le lait biologique de son élevage ovin à la fromagerie. Ce fermier est un allemand qui avec sa femme a autrefois vendu son cabinet pour se refaire ailleurs une vie alternative. Malheureusement cela a mal tourné, de riche il est devenu pauvre au bord de la faillite et sa femme est retournée en Allemagne avec leur fille en lui laissant leurs deux fils.

 

Pour faire plaisir à sa fille, la mère cadre de l’usine chimique s’accoutume à son tout jeune gendre comme à la fabrication des fromages et elle tente d’obtenir de son employeur à Berlin qu’après le rachat qu’elle a la charge d’organiser, la firme qui l’emploie continue à produire des fromages biologiques. Dans le même temps, habitant chez lui pour raisons pratiques, elle noue une idylle avec le père de son gendre et résiste aux sollicitations de son supérieur hiérarchique qui a aussi des visées sexuelles sur elle.

 

L’affaire tourne mal. La fille aînée une fois mariée décède dans l’accident de camionnette pilotée alors par son jeune mari et la firme chimique qui rachète la laiterie refuse la poursuite de l’aventure écologiste au motif qu’elle n’est pas rentable. Après la découverte de la possibilité d’une innovation dans la production de fromage au kiwi, la mère décide d’investir ses propres économies dans la laiterie et de poursuivre la fabrication écologique. L’amour avec le fermier n’est pas facile non plus et elle lui reproche de ne pas avoir cherché à conserver des liens avec son ancienne femme et sa fille. Elle tente de le convaincre de l’importance du maintien d’une famille même élastique.

 

Une série d’allers et de retours ont lieu. Mais en dépit des efforts de son supérieur hiérarchique pour la protéger, la mère est licenciée et celui-ci se vante de lui avoir évité le tribunal pour déloyauté envers son employeur. Les deux autres filles de la mère sont emportées dans le tourment de la valse hésitation entre Berlin et la Nouvelle Zélande, ainsi qu’entre la diversité de civilisations que ces deux pôles représentent, notamment la place de la culture maori. La seconde fille tente sans succès de l’introduire à Berlin par le vecteur de son école de danse, à laquelle elle doit renoncer.

 

Dans le même mouvement et pour les mêmes raisons les enfants du fermier se préoccupent enfin de l’anormale absence de leur mère avec qui aucun lien n’a été maintenu. On commence à comprendre qu’ils en souffrent et que c’est une des causes du malaise du fermier lui-même. A Berlin l’ancien mari de la mère a une nouvelle fille (la quatrième) avec sa jeune maîtresse et le divorce est enfin prononcé dans la bonne humeur générale, même si cette bonne humeur est le produit du volontarisme de la mère plus que de ses sentiments réels dont elle fait abstraction dans l’intérêt de ses filles. De son côté, le père s’exerce à assurer sa paternité de façon plus responsable qu’avec sa précédente épouse qui le lui fait gentiment remarquer, montrant ainsi qu’elle n’est pas dupe, refusant dignement de donner une absolution que son ancien conjoint tente abusivement d’obtenir.

 

Le téléfilm se termine bien. Tout le monde renoue avec tout le monde dans des rôles variables dans lesquels les parents, sinon la filiation tient une place de choix. La mère licenciée finit par s’installer avec le fermier néo zélandais, et d’autant plus que sa fille cadette qui s’est mise en ménage avec un maori dans un syncrétisme qu’elle a réussi à développer, syncrétisme rejeté par Berlin mais accepté là, sinon encouragé par la communauté aborigène. Dans sa nouvelle vie, la mère se situe également en tant que remplaçante de la génitrice absente de son jeune gendre veuf et désespéré dont elle est déjà légalement la belle mère et avec qui s’est durant le téléfilm déroulé une compétition pour la garde des souvenirs de la fille aînée.

 

La mondialisation n’est pas là présentée comme une panacée ou un chemin de roses mais comme une situation réelle qu’on ne peut pas éluder. Et si des erreurs ont dans le passé été commises, notamment de la part des hommes pas toujours suffisamment conscients de leurs responsabilités, un nouveau départ est toujours possible. Ce renouveau est initié par les jeunes qui vont de l’avant et auquel la plupart du temps pour raisons pratiques, leurs parents emboîtent le pas. Dans ce téléfilm les femmes sont valorisées comme les créatrices de modes de vie nouveaux, leurs initiatives finalement acceptées par les hommes dépassés par l’ampleur de leurs difficultés. Les sentiments y ont leur place, mais l’efficacité des fonctionnements bien davantage. Il s’agit avant tout d’être raisonnable et de faire face au bouleversement en inventant.

 

 

 

 

 

9. PRINCE DES VILLES OU PRINCE DES CHAMPS. 2009

 

De Thomas Nennstiel. Vu sur M6 le 24 Juin 2010.

 

 

 

Dans un village qu’on soupçonne situé dans les landers de l’Est bien qu’à aucun moment du film on puisse en avoir la confirmation, une bande de copains végète en noyant dans l’alcool son désespoir de voir toutes les filles quitter une à une les lieux, sans qu’ils parviennent à les retenir. Tous les types psychologiques masculins y sont représentés depuis le menuisier tombeur ténébreux recherché pour sa sensualité à l’agriculteur en tenue de travail dont aucune femme ne veut, en passant par celui qui tente jour après jour courageusement de maintenir un lien régulier. Tout ce petit monde tient son quartier général chez un aubergiste qui a le cœur et la cafetière sur la main.

 

Pour aider une tante prenant sa retraite à liquider sa petite entreprise de tissage, une enfant du pays revient au village. Belle femme intelligente et débrouillarde, douée pour le dessin de mode, elle est à la ville, la maîtresse et l’assistante d’un cadre exigeant qui l’utilise pour ses compétences professionnelles tout en la maintenant dans une marginalité qui ne lui convient pas. Elle souhaiterait être reconnue par la famille de son amant. Mais celui-ci ne l’entend pas de cette oreille.

 

Cette arrivée bouleverse la vie locale que ce soit par la présence d’une femme superbe et dynamique ou par le déménagement et la mise en vente de la tissanderie, petit atelier local aux métiers à tisser traditionnels, sans compter le passage de sa propriétaire dans la catégorie des femmes retraitées. En profitant de l’opportunité de prendre pied dans l’affaire, deux des copains s’entendent alors pour réaliser en sous main une importante plus value sur la vente du bâtiment dont la mise en valeur n’a pas été le souci principal de sa tisserande de propriétaire qu’il convient par ailleurs d’aider étant donné son âge.

 

Parallèlement à ce projet d’escroquerie sur fond d’activité économique modérée, le beau ténébreux parie avec un comparse qu’il obtiendra le premier les faveurs de la belle, de retour au pays. Les enjeux en sont un vélo ou un écran plat symbole d’une modernisation désirée mais difficile. Le menuisier lui-même a tenté sans succès sa chance à Berlin. Mais il ne s’en vante pas et préfère rouler les mécaniques dans le style traditionnel des hommes de l’époque.

 

Retrouvant ses amis d’enfance et de jeunesse alors même qu’elle se sent délaissée par son amant urbain qui vaque à ses affaires sans l’y associer autrement que par l’extorsion de travail à son profit, la belle cède à la nostalgie, à l’harmonie des paysages, au charme du lac, à la chaleur affective des villageois qu’elle connaît depuis toujours, à la sécurité du lien familial avec la tante chez qui elle passait ses vacances, aux retrouvailles avec tous.

 

Elle cède aussi et surtout au charme du beau gosse dont elle était autrefois amoureuse. Ainsi celui-ci gagne t-il son pari et se sent il d’autant plus pousser des ailes que son escroquerie financière réussit. La venue de la belle a comme effet de stimuler la sexualité de tout le monde, et de restaurer chez l’agriculteur toujours vierge, le désir de fonder un foyer. Dans cette perspective elle lui donne des conseils pour modifier son look. Il met une petite annonce et achète des livres sur la psychologie féminine qu’il étudie. Ses copains lui envoient une prostituée. Il devient furieux lorsqu’il apprend la nature de la dite partenaire, mais au moins la situation est débloquée…

 

Du coup ce paysan se prend au jeu et parvient à mettre en mouvement l’ensemble du groupe de tous ces jeunes hommes qui décident de se réunir tous les soirs pour évoquer leurs problèmes relationnels qu’ils reconnaissent comme la cause du départ des femmes du village. Ils admettent qu’ils en sont responsables et décident de changer de cap. S’en suit une batterie d’exercices, d’éducation physique, de danse, de jogging, d’amélioration de l’habillement et de l’hygiène intime, des arts de la table, du savoir vivre et des bonnes manières. Cela va même jusqu’aux exercices de bavardage puisqu’on a lu dans le livre sur la psychologie féminine que les femmes aiment bavarder.

 

Cela porte ses fruits. On s’aperçoit que toutes les femmes n’ont pas quitté le village et qu’il en reste encore assez pour tous. De tous les côtés les liens se renouent entre les deux sexes. La belle et le beau ténébreux s’enfoncent dans l’amour qui repousse bien vivant prenant lui racine dans leur commune et bucolique jeunesse au bord du lac, métaphore de l’amour. Les transactions financières ont lieu à prix d’amis.

 

Mais le fiancé précédent, vêtu d’un costume d’une élégance inouïe, vient rechercher la belle et apprend ce qu’il en est. D’autant plus dépité qu’il a eu du mal à trouver ce village non répertorié au GPS. Elle avoue la réalité. Il la rejette. De son côté elle apprend la nature de l’escroquerie financière que le beau ténébreux a réalisé aux dépens de sa tante. Une sévère bouderie s’en suit car la belle urbaine ne se laisse pas faire. Le menuisier restitue le bien mal acquis, et se montre disposé à changer de comportement. La bonne volonté du groupe des hommes bien décidés à évoluer, et la pression ferme des femmes à conquérir un meilleur statut, aboutit à une restructuration complète des fonctionnements locaux.

 

Cerise sur le gâteau, l’atelier de tissage ayant pu être récupéré avec ses moyens de production, le groupe d’amis installe la belle dans les lieux en lui apportant les soutiens qui lui manquent pour ouvrir sa propre petite entreprise de tissage d’art : informatique, bricolage, et même conseils techniques de la tante qui revenant sur sa retraite accepte de reprendre du service, le tout constituant une sorte de coopérative informelle.

 

L’enfant de retour au pays accepte d’y rester. Elle utilisera la production de lin de l’agriculteur qui se met en ménage avec l’escort-girl qui trouve ainsi à se caser et renoue même avec son ancien fiancé, installé en Italie pour organiser des échanges productifs. Lui-même est en ménage avec une italienne, le tout dans la gentillesse générale. Le menuisier entretiendra les locaux et les machines après avoir admis qu’à Berlin on n’avait pas besoin d’un menuisier comme lui sans compétences particulières. On accepte donc la suprématie professionnelle de la femme dans le couple puisqu’ils finissent par en former un !...

 

Ce téléfilm est remarquable par son constructivisme social portant également sur les possibles corrections à apporter aux dysfonctionnements des relations entre les hommes et les femmes qui deviennent ainsi les acteurs de leur destin et de l’amélioration de leur condition. Il n’est pas sans évoquer les films tchèques de la belle époque mais dans une société qui n’étant plus soumise à l’orthodoxie obligatoire du communisme est en situation de remettre en route l’utopie marxienne, sinon marxiste en l’appliquant au secteur amoureux jusque là tenu sous le boisseau. Enfin the last but not the least : les conséquences néfastes du nouvel ordre mondial peuvent être évitées si en coopérant, on le décide et le choisit comme destin collectif.

 

 

 

 

 

10. L’AMOUR TAILLE XXL.2008

 

De Thomas Nennstiel. Vu sur M6 le 16 Novembre 2010.

 

 

 

Illustration de l’idée de l’habeas corpus en tant que la base même des droits de la personne, ce film raconte le triomphe de la pulsion de vie comme combat pour obtenir pour le corps humain, droit de cité et non plus seulement un confinement croissant au fil des années jusqu’à le rendre aujourd’hui quasiment virtuel. Dans les années cinquante, la taille mannequin était le 42 et celles qui portaient les modèles à photographier, dans la quarantaine. Elles en ont maintenant quatorze pour une taille 34 qui n’existe en fait que dans les magazines…

 

Ce film raconte l’aliénation d’une bonne professionnelle, vendeuse dans un magasin de lunettes qui se trouvant grosse et moche - ce qu’elle n’est pourtant pas - cantonne sa vie affective à la relation virtuelle avec le présentateur de la météorologie de la Télévision. Lequel présentateur au physique avantageux est de son côté, la proie de sa compagne (en même temps son agent) le poussant à toujours plus de perfection anatomique pour décrocher davantage de contrats rapportant finalement de plus en plus d’argent au ménage. Au bord de l’épuisement, il essaie de lui échapper. Ainsi nos deux protagonistes tentent ils chacun dans leur style – l’enfermement des femmes et la fuite des hommes – de se dérober aux oukases sociaux de plus en plus oppressants sous des allures de plus en plus libérales.

 

C’est à la faveur de l’inauguration d’une campagne de publicité pour une marque de lunettes dont le mannequin vedette est le pilier qu’il va faire la connaissance de la vendeuse. Le film raconte les péripéties des deux protagonistes pour retrouver une vie normale, parcours au bout duquel le présentateur aura réussi à échapper à sa femme d’affaires trop intéressée et la vendeuse à la piteuse image d’elle-même que lui renvoie la société et son patron, lui-même aliéné à cette vision du monde dont les femmes sont les victimes principales mais non exclusives.

 

Dans cette longue marche la vendeuse aura eu à affronter ses collègues qui sont plutôt des concurrentes dociles ne contestant pas le modèle dominant jouant totalement le jeu qu’on leur impose plutôt qu’on leur propose. Mais elle aura dans le même temps bénéficié du soutien inconditionnel de son amie pour qui la notion de sucrerie peut être considérée à juste titre comme l’un des ingrédients, sinon le symbole du bonheur. De son côté, le mannequin vedette masculin aura recours à tous les tours de passe passes que la société accepte des hommes, les variations séculaires n’en changeant guère le fond et à peine la forme.

 

Le couple qu’ils parviennent tout de même à former à la fin du téléfilm, après avoir franchi tous les obstacles, dégage un humanisme tranquille et sans prétention dans lequel la réalité du corps vivant est remise à sa place. Faisant triompher la vie et le bon sens sur les égarements de l’époque, ce film est un réconfort à l’état pur.

 

 

 

 

 

11. LA LIBERTE A TOUT PRIX. 2010

 

Téléfilm d’Andreas Linke. Vu sur M6 le 10 Août 2011.

 

 

 

Si l’ancienne RDA est presque omni présente dans les téléfilms allemands dont traite cet ensemble de comptes-rendus, c’est habituellement sous l’angle des difficultés économiques consécutives à son écroulement, le message régulièrement délivré en étant que la situation va s’améliorer au fur et à mesure de l’adoption des valeurs de l’Allemagne de l’Ouest, notamment en ce qui concerne l’ardeur au travail et la gestion des entreprises.

 

Là, il s’agit d’autre chose, car le film ne se déroule pas comme c’est habituellement le cas dans l’époque contemporaine, mais au contraire du temps de la guerre froide et de l’omniprésence de la Stasi furieusement préoccupée d’empêcher les citoyens de l’Est de fuir à l’Ouest !...

 

On a affaire dans ce scénario à une bande d’amis qui veulent tenter leur chance de l’autre côté du Mur - notamment pour faire du théâtre - la totalité de l’œuvre roulant sur les péripéties nombreuses et variées de cette évasion. Naturellement les jeunes gens aboutiront en traversant les autres pays de l’Est et en atteignant la Yougoslavie à qui l’approche fait irrésistiblement penser à la fin de la Grande Illusion et à sa réplique légendaire Ne tire pas ! Ils sont en Suisse !

 

C’est que le temps désormais écoulé - puisque le film vient d’être réalisé - permet d’effectuer un déplacement du terrain politique (absent) au terrain historique et encore même pas, car pris dans les rebondissements de l’action, on en oublie rapidement le contexte pour suivre l’histoire éternelle d’individus fugitifs luttant pour échapper à une société qui ne consent pas à leur accorder la liberté qu’ils réclament. Un cas d’école parmi les nombreuses variantes dont on peut trouver des applications à peu près partout et à n’importe quelle époque.

 

C’est la première réussite du film, même si d’un autre point de vue, on peut justement critiquer ce tour de passe-passe d’autant plus assumé comme un parti pris, que le père de l’un des jeunes candidats au départ est lui-même un employé de la Stasi. Mais cette défausse se retourne comme d’une part, la violence de la dite police n’est pas édulcorée et que c’est pour finir ce père en question qui assure le succès effectif de l’opération, permettant après la réunification, les retrouvailles familiales. De l’autre côté, l’Occidental, le film n’a pas marchandé la dénonciation dans le capitalisme de l’inhumaine compétition des artistes pour se promouvoir, cet argument exact étant employé par les adultes pour tenter de dissuader les jeunes de mettre leur projet à exécution.

 

La seconde est le parti pris du cinéaste de prendre en charge la totalité de la question comme une réalité, sans pour autant y introduire ni masochisme, ni culpabilité, ni accusation. On a ainsi affaire à une sorte de documentaire sur la vie des habitants de cette région là à cette époque là, film d’essence presque naturaliste. Ce qui tranche avec le ton habituel des autres téléfilms dont le propos est davantage pédagogique. Il s’agit bien sûr dans tous les cas de films de propagande, ce dont à mon avis, ils ne se cachent pas, mais si les autres œuvres tentent de faire acquérir les comportements souhaitables notamment en ce qui concernent les femmes et les enfants, celui là semble plutôt thérapeutique, la balance étant tenue égale, pour tous.

 

On y retrouve également l’un des thèmes habituels concernant la paternité, là sous forme inversée. Si les autres films conjuguent à l’envie l’idée que n’importe quel homme peut et doit face aux enfants faire fonction de père, le propos de celui là est d’affirmer que même un membre de la Stasi peut avoir été un père acceptable, reconnu et aimé comme tel. C’est l’originalité de ce film, qui révulsera les critiques politisés qui ne pourront pas admettre le point de vue de ce film pourtant attachant par son humanisme de contre pied.

 

Et pas si à contrepied que cela, puisqu’en fin de compte il dénonce, la violence de l’Est, la compétition de l’Ouest et son indigne statut de l’Art…

 

 

 

 

 

12. UNE FEMME DE CŒUR 2006

 

Téléfilm d’Oliver Dommenget. Vu sur M6 Le 26 Septembre 2011.

 

 

 

Ce film ferait mieux de s’appeler « Mic Mac au Far West » tant les individus y ont des vies agitées, non pas comme on le voit dans les westerns traditionnels dont nous avons l’habitude en raison des agissements des gangsters, des avatars du bétail ou même des attaques des Indiens qui là vaquent tranquillement au bord de la rivière dans une bluette radicalement écologique, et d’autant plus qu’on s’y transmet les connaissances des plantes médicinales entre femmes, allégeant ainsi avec opportunité les dépenses de l’Etat Providence qui n’en peut plus…

 

L’étonnement n’est pourtant finalement pas de mise lorsqu’on sait qu’il y a une grande tradition de western choucroute, eux même à la source de nos western spaghetti, et cela dès avant la guerre. Ils se caractérisent par leur manichéisme et leur poésie, traits qu’on retrouve dans cette œuvre là.

 

Le thème central en est l’installation d’un père de famille qui professeur d’université a néanmoins quitté Boston avec son fils pour s’établir modeste instituteur dans un coin reculé des Etats Unis au sein d’un magnifique paysage où sont installés des pionniers prenant à cœur et au sérieux l’éducation de leurs enfants. Ceux-ci leur donnent d’autant plus de soucis que leurs mères meurent ou les abandonnent pour vivre plus à l’aise des vies hédonistes. Qu’à cela ne tienne, les pères peuvent toujours s’en occuper correctement, ou encore leur tante elle-même, femme de devoir.

 

Ce que ce film recèle d’original est l’acceptation expresse du fait qu’une mère n’ait aucun goût à l’être et ne se considère pas dans l’obligation de s’occuper de sa descendance. Ce problème n’est pas considéré comme grave, car on va toujours trouver des gens qui eux aiment bien cette tâche là qu’ils vont faire avec compétence et succès. Même les liens juridiques du mariage ne sont pas un obstacle, puisqu’on peut seulement prendre des engagements l’un vis-à-vis de l’autre.

 

Quant aux femmes qui ont du mal à enfanter, dont les enfants meurent ou qui sont stériles, elles ne sont plus l’opprobre de la société comme elles ont pu l’être autrefois ou encore aujourd’hui, dans d’autres sociétés. On voit même là dans un coin reculé du Far West, un mari intentionné se décarcasser pour faire livrer un piano à sa compagne, afin qu’elle puisse ainsi par l’exercice de la musique, tromper sa mélancolie. Quant aux avides et dépensières, on ne leur trouve ni qualités ni excuses, et leur destin est tragique.

 

On a bien sûr comme dans tous les téléfilms allemands une happy end présentée là comme le modèle de la perspective d’une réconciliation à venir entre une mère anciennement frivole, mais s’étant rendue compte de son erreur faute d’avoir trouvé le bonheur, et l’enfant anciennement abandonné. Le pardon de celui-ci devenu adulte – sans être encore accordé- ne manquera pas de l’être avec le temps, et d’autant plus que pour lui l’amour triomphe, non pas avec sa femme légitime qui a manqué à tous les devoirs mais avec la femme médecine qui a sauvé son fils, notamment grâce aux remèdes dits de bonnes femmes transmis par la vieille femme repentie.

 

On sort de la vision de ce téléfilm non seulement réconforté, mais plein d’espérance, tant la cause du bien est là clairement défendue et finalement triomphante. Quant à la forme du western qui n’est pas comme l’ignorance pourrait le laisser croire pris à contre pied, elle se justifie d’autant plus que la globalisation cybernétique en bouleversant l’ordre précédent pour en imposer par la violence un nouveau, donne aux sociétés qui étaient les nôtres dans l’Ancien Monde, des allures de conquête de l’Ouest…

 

 

 

 

 

13. VOL 714 : AU BOUT DE L’ENFER 2009

 

Téléfilm de Thomas Jauch. Vu sur M6 le 26 Octobre 2011.

 

 

 

L’ensemble du téléfilm se déroule dans le cadre d’une compagnie de navigation aérienne au sein de laquelle s’affrontent plusieurs modèles de gestion. L’enjeu du scénario est leur confrontation à l’épreuve de la réalité et le débat concernant l’efficacité qui demeure envers et contre tout, la préoccupation de l’ensemble des protagonistes. Un jeune pilote aux dents longues est chargé d’évaluer les capacités des Anciens qui de leur côté ne se font aucune illusion sur leur prochain licenciement dans la mesure où dans le système économico social précédent, leur ancienneté coûte cher à la compagnie. Ils savent qu’ils vont être remplacés par des plus jeunes, plus souples, mieux adaptés à l’air du temps et moins couteux, et ils ne mâchent pas leurs mots.

 

Lorsque vient le tour du héros de ce téléfilm d’être testé non seulement il ne cherche pas à esquiver la dureté de la situation mais provoque son jeune confrère et le dénonce comme l’agent de l’excès de la gestion à l’aune des critères financiers de rentabilité. Il s’apprête donc à décoller tandis que l’évaluateur prend à son côté la place du commandant en second, installant dès le début le duo dans l’ambiguïté. Malaise que refuse le vieux et que le jeune, sûr de son avenir, laisse de côté.

 

Lors des contrôles qui précèdent le décollage, il apparaît que l’un des instruments nécessaires fait défaut. Le vieux pilote rappelle alors à son jeune collègue que selon le règlement cela n’empêche pas de prendre son vol, du moins si la météorologie est clémente, ce qui ce jour là est le cas. Il décide donc de partir quand même. Après un panorama des voyageurs de la cabine dans lequel se trouve un échantillon d’humanité comme on en a l’habitude, on décolle. La variante est là qu’on a parmi les passagers des voyous draguant l’hôtesse de l’air et se moquant d’un obèse avec qui sympathise un petit garçon voyageant avec sa mère ainsi qu’un couple de vieillard fêtant ses noces d’or…

 

Naturellement les difficultés ne tardent pas à apparaître et à s’aggraver au point de mettre en péril la vie des passagers. Au fur et à mesure que les interventions dont on a l’habitude s’avèrent insuffisances pour rétablir la situation, l’attitude du jeune pilote chargé de l’évaluation se modifie, et d’autant plus qu’il comprend qu’il pourrait bien être lui-même la victime de l’accident qui se profile.

 

Accident d’autant plus dramatique, qu’au-delà des passagers du vol, les efforts des aiguilleurs du ciel pour éviter les collisions sont sans effet sur la perspective d’un écrasement dans l’engin sur Berlin. Saisis, les services de sécurité militaires arbitrent en faveur du plus grand nombre des habitants de la capitale que ceux de la carlingue, décidant d’abattre l’appareil avant le crash désormais inévitable.

 

A l’intérieur de l’appareil, une fois la vérité connue, le professionnalisme du vieux pilote ne suffit pas à juguler l’égoïsme et la panique qui font rage chez les voyageurs. Mais pas seulement. Quelques comportements héroïques se font également jour. Depuis le costaud qui fait la police pour faire respecter les consignes du personnel de cabine, l’obèse qui se révèle être un astucieux ingénieur en électronique nouant une alliance avec le garçon à qui sa petite taille permet de se faufiler là où la situation doit être débloquée, sans compter l’hôtesse de l’air qui s’avère capable d’occuper au moment nécessaire la place du copilote, avancée professionnelle dont elle se croyait jusque là incapable.

 

La conjonction de tous ces efforts dans des domaines différents permet d’emporter la victoire. L’avion se pose à quelques encablures des premières maisons de Berlin, sans que l’abattage de l’appareil ait eu lieu. Reparlant du décollage alors même qu’un des appareils étaient en panne, le vieux pilote décoche au jeune loup qui le lui reproche la flèche du Parthe « Si je ne l’avais pas fait, vous me l’auriez reproché ! » et tout est dit sur la mise en cause des méthodes de gestion, non pas au nom de la morale ou de la rentabilité financière mais bien de l’efficacité technique qui dans ce film est seule prise en compte.

 

Le fait est donc là ce sont les actions humaines - courage et professionnalisme - qui ont permis le sauvetage. On en profite pour rappeler que la survie de chacun passe par l’application parfaite des consignes de sécurité. Ainsi le fait d’avoir mal attaché le chariot des repas a-t-il été la cause du décès de la collègue de l’hôtesse. Désastre qui aurait facilement pu être évité avec un peu plus de discipline…

 

Naturellement comme on s’en doute, le jeune garçon dont le père retenu au loin n’est pas concerné par ce voyage, en trouve un second de substitution dans l’ingénieur en électronique obèse. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre confirmant ce que chacun de ces téléfilms nous dit. N’importe quel homme peut faire office de père. L’essentiel étant qu’il y en est un.

 

L’étonnement de ce téléfilm est dans le constat de la capacité de cette société à se mettre en question. Là dans sa rigidité. En effet il y a plus efficace que l’abattage en vol grâce à un avion de chasse. Quant à la gestion sur des critères de rentabilité financière, elle a rapidement montré ses limites.

 

 

 

 

 

14. BOXHAGENER PLATZ 2008

 

Comédie dramatique de Matti Geschonneck. Vu sur Arte le 7 Novembre 2011.

 

 

 

Cette comédie dramatique - comme la qualifie le programme - tranche avec les téléfilms qu’on voit habituellement. Si elle se passe bien en Allemagne de l’Est, ce qui arrive très souvent dans ceux venus d’Allemagne, il s’agit là de l’ancienne République Démocratique ce qui – cette fois - est beaucoup plus rare. On est frappé dans cette œuvre par la crudité de la peinture de la société qui tout en ne donnant raison à personne, ne botte pas pour autant en touche en éludant les problèmes, tout au contraire. Probablement par ce qu’il s’agit là d’un peuple de culture protestante.

 

L’action a lieu en 1968. Un adolescent au cœur du film tente de se repérer au milieu de la galerie de portraits que constitue les adultes de sa famille et les voisins du quartier. Le pilier de la constellation est sa grand-mère qui va tous les jours entretenir les tombes aux cimetières, tout en étant obsédée par la nourriture et la défécation, femme déjà d’un certain âge mais n’ayant pas pour autant renoncé à séduire. Ses proches se moquent plus ou moins gentiment d’elle, sous entendant qu’elle aurait fait passer de vie à trépas plusieurs de ses maris successifs ! Evocation d’autant moins gratuite que l’un des tournants du scenario est le décès de son compagnon de lit, infirme de guerre, pour lequel elle ne manifeste pas une tendresse particulière et qu’elle considère plutôt comme un fardeau…

 

Cette grand-mère sur qui le temps semble ne pas avoir prise a une fille avec laquelle elle ne s’entend pas du tout, une coiffeuse qui rêve de partir à l’Ouest pour une vie plus confortable avec sorties et beaux atours, sans que pour autant elle ne parvienne vraiment à se décider. D’où son désir flottant bercé en écoutant à tue-tête les émissions retransmises depuis l’autre Allemagne. Tout l’immeuble l’entend et son mari consciencieux policier de base, ni très malin, ni très méchant ne parvient pas à l’empêcher de mener sa propre vie en boite de nuit… Ils sont ensemble les parents de l’adolescent dont le point de vue structure la construction cinématographique.

 

L’autre enfant de la grand-mère est un fils à qui elle témoigne autant d’affection que d’aversion à sa fille. Il est homosexuel et elle essaie de cacher son comportement au nom de la bienséance dans un mensonge qui confine au déni que tente de combattre celui qui est donc l’oncle de l’adolescent, bien qu’il n’en assume ni n’assure effectivement la fonction. Ainsi le jeune homme a-t-il autour de lui des aînés qui font ce qu’ils peuvent, mais assez peu en raison de leurs propres difficultés, chacun étant occupé, soit à se maintenir, soit à s’affirmer au sein d’une société dont l’hypocrisie généralisée ne facilite pas la prise en compte des repères et des règles.

 

C’est dans ce contexte qu’émerge l’adulte principal vers lequel se tourne de plus en plus l’adolescent. C’est un ancien spartakiste veuf qui lui aussi va souvent au cimetière ainsi qu’à Berlin Ouest dont il ramène des livres, des magazines et même à l’occasion un sapin de Noël, tout en rôdant autour de la grand mère laquelle bien que méprisant les hommes ne repousse pas ses avances. Il finira d’ailleurs par arriver à ses fins après que la dulcinée convoitée se sera débarrassée de son infirme de mari…

 

Avant d’en arriver là, le séduisant spartakiste qui pense que les mouvements contestataires et communautaires contemporains sont les héritiers des luttes que ses camarades et lui-même ont menées aura enseigné à l’adolescent les rudiments d’un communisme authentique qu’il s’agit de ne pas confondre avec les staliniens et les gouvernants de la RDA. Il lui révélera même les troubles connexions que ces derniers entretiennent avec les nazis. Il n’a pourtant pas pour autant conscience que cette alliance brun rouge est aussi celle qu’il est en train de nouer avec la grand-mère… affichant ouvertement la couleur dans les assiettes.

 

C’est sur cette toile de fond que se greffe le fait divers révélateur de la vraie nature de la société en question, et tournant de l’action : L’homicide du poissonnier du quartier qui tentait également de séduire la grand mère en lui donnant du poisson qu’elle faisait semblant de dédaigner alors qu’elle s’en régalait chez elle. Une hypocrisie supplémentaire et non la moins négligeable tant la dévoration parait la préoccupation principale de celle qu’on hésite à appeler l’aïeule tant ses descendants ont l’air en difficulté, alors qu’elle-même se porte très bien…

 

Concernant la mort du boutiquier, on ne parvient pas à savoir s’il s’agit d’un coup de poing malheureusement asséné au cours d’une beuverie de quartier, du meurtre d’un rival sur le front de la grand mère ou d’un assassinat politique par un groupe d’authentiques communistes qui en tant que tels ont décidé de se débarrasser des anciens nazis, communauté dont fait peut être partie l’ancien spartakiste, père de remplacement, double plus convenable que le véritable géniteur de l’adolescent qui cherche sa voie au milieu de ce maelström dans lequel chacun tente de ne pas s’enfoncer davantage.

 

Survient alors à l’occasion de l’entrée des Soviétiques à Prague en Tchécoslovaquie, un lâcher de tracts appelant à résister. Cet évènement déchire brutalement l’apparence de tranquillité quotidienne que le film a réussi à préserver jusque là en se concentrant sur les problèmes de vie pratique, de relations professionnelles et de voisinage analogues à ceux qu’on retrouve dans toutes les sociétés pour le meilleur et pour le pire.

 

Le surgissement de la véritable police, qui n’est pas celle du père de l’adolescent, mais celle d’anonymes sbires dominant et sûrs d’eux aboutit - après diverses péripéties - à l’arrestation du spartakiste et au ravage de l’économie de ce biotope dans lequel ils mettent à sac la fête de Noël en dépit des protestations de la famille qui n’a pas pour autant l’air intimidée, s’efforçant plutôt de négocier pour arracher tout de même un peu de bonheur, autour de ce sapin acheté à l’Ouest. Négociations d’autant plus convaincues que cette réunion autour du spartakiste désormais en ménage avec la grand mère, voyait enfin advenir une réconciliation dans l’acceptation de la venue du partenaire du fils homosexuel, à la dite fête de famille...

 

Mais non, cela ne peut avoir lieu ! On apprend qu’arrêté et prisonnier dans une cellule qui fait froid dans le dos l’adulte qui pouvait servir de référent a eu une crise cardiaque dont on peut penser qu’elle a été consécutive aux mauvais traitements. Les efforts que l’adolescent avait fait pour tenter de l’innocenter - quitte à s’accuser lui-même – ont été sans effet. La police s’affirme formelle et au dessus du doute, les tracts anonymes ont été faits avec des lettres découpées dans les magazines venus de l’Ouest…Ainsi est réduit à néant l’illusion qu’une vie acceptable était tout de même possible dans un pareil contexte…

 

Tout le film demeure dans l’ambiguïté des tournants du scénario, ambiguïté qui sert de contrepoints aux ambiguïtés des personnages L’hypocrisie est générale, mais il semble que l’état social et historique étant ce qu’il est, il ne soit pas possible de faire autrement. On retrouve dans cette comédie dramatique qu’on pourrait tout aussi bien qualifier de drame comique, la permanente volonté de réconciliation qu’on retrouve dans chacun des films dont il est rendu compte.

 

Cette réconciliation implique la prise en compte du contexte historique et psychologique objectif. Mais à la différence d’autres films venus d’ailleurs, cette réconciliation ne repose ni sur le déni, ni sur l’oubli, et c’est en cela qu’elle est porteuse d’une réelle efficacité. Il s’agit là de la gestion pragmatique de l’Histoire.

 

 

 

 

 

15. MES AMOURS A CONTRECOEUR 2009

 

Téléfilm d’Olaf Kreinsen. Vu sur M6 le 25 Novembre 2011.

 

 

 

C’est de l’unicité de son propos et de sa grande simplicité que ce remarquable téléfilm tire sa puissance. Le scénario en est limpide :

 

Une femme d’entre deux âges et encore belle - comme la qualifierait la taxinomie machiste, travaille dur pour faire tourner sa boutique et le restaurant hérité de ses parents. Bien que son entreprise dégage des bénéfices confortables, elle a des difficultés financières créées entre autres par les ennuis judiciaires de son fils adulte aux agissements irresponsables et n’ayant pas encore assez réussi dans ses projets artistiques pour être économiquement autonome.

 

Or il doit indemniser les victimes de ses agissements. Sa jeune fiancée n’a pas le moral en raison de l’incarcération de son chéri et n’hésite pas à sonner à la porte de sa peut-être future belle mère pour demander à coucher dans la chambre de son aimé, fut-il absent. La mère accepte après un moment d’hésitation, non sans persifler d’un Tu connais le chemin qui sous entend le commencement de lassitude qui guette toutes les maitresses de maison dans ce genre de situation…

 

Séparée de son mari, la mère a une liaison avec le vendeur de sa boutique, cheveux très bruns, à peine plus jeune qu’elle, lequel l’aime profondément et se bat pour l’arracher à sa gangue quotidienne. Contrairement à ce qui pourrait se produire eu égard à l’inégalité des protagonistes, il n’est pas financièrement intéressé et veut sincèrement le succès de leur amour, non seulement physique, mais également sentimental.

 

Consultée, la banque - rassurée par les bénéfices dégagés- s’apprête à faire de nouveau crédit à la restauratrice, mais à condition d’étendre l’hypothèque déjà mise sur une partie de son capital immobilier. La mère lutte courageusement et sereinement contre les diverses avanies de sa vie dont on sent bien qu’elle l’a maîtrise depuis longtemps mais malheureusement, l’atmosphère s’alourdit.

 

Son fils cadet est de retour à la maison plus vite que prévu au motif qu’il ne s’est pas suffisamment plu dans sa famille d’accueil probablement à l’occasion d’un séjour linguistique, et elle échoue à lui faire comprendre que ce désagrément ne suffit pas à justifier l’abandon du voyage. Son repos à elle en sera d’autant plus raccourci que s’ajoute là aussi à sa propre progéniture qu’elle a déjà élevée, la petite amie de rigueur qui vit avec sous le toit de la mère qui ne rechigne pas à faire tout ce qu’elle peut pour le bien être de chacun.

 

C’est alors que revient à son tour la fille aînée en pleine déroute personnelle. Celle ci pose son linge sale devant la machine à laver qu’elle ne pense même pas à mettre en route, pioche sans vergogne dans la garde robe maternelle et n’hésite pas de surcroît à demander à sa génitrice de l’argent liquide, au motif qu’elle n’en a pas. Bref tout le monde se met les pieds sous la table sans pour autant envisager le moins du monde de donner un coup de main au magasin ou au restaurant et encore moins aux travaux ménagers dont pourtant ils profitent.

 

Le fils incarcéré finit par sortir de prison et reprendre à la maison ses activités de sculpture à base de ferrailles de récupération. L’amant tente alors de faire comprendre à la mère que cette ambiance n’est guère favorable à leur amour, ce que l’expérience pratique confirme. Elle se décide à dire à sa progéniture qu’elle n’y arrive plus, y compris et d’abord financièrement parlant, ce qu’on peut comprendre étant données les charges indues surnuméraires. Elle leur annonce qu’on ne peut pas continuer comme cela.

 

Les enfants suggèrent qu’on fasse appelle au père, considéré là comme un simple pourvoyeur de ressources, et étant donnée la situation, on comprend qu’il ne peut pas s’agir d’autre chose. Déjà largement affranchie sur cette question, la mère rit et annonce qu’il s’agirait alors plutôt d’un surcroît de complications.

 

C’est alors que le mari séparé revient au foyer avec sa nouvelle fille âgée de sept ou huit ans, enfant que la mère accueille tout de suite généreusement, car c’est son tempérament. On comprend que la rupture a été consommée avec l’autre femme dont on demande des nouvelles, car il devait s’agir de quelqu’une connue.

 

En dépit des efforts du mari, la mère n’a aucunement l’intention de reprendre le fil de cet amour dont elle a déjà fait tour…Cet homme n’est pas méchant mais plutôt incapable et irresponsable. Il est cantonné sur le canapé du salon, ce dont il se plaint au motif du manque de confort et d’intimité… Néanmoins la mère ne cède pas, ce mari s’étant déjà en perdant une maison au jeu, avéré un bien piètre partenaire. Pourtant elle lui assure tout de même comme à tous les autres le gîte et le couvert…

 

Pour finir l’amour et la ténacité de l’amant finiront par l’emporter et la mère en passe d’être dévorée y compris par qui aurait dû la défendre, mais s’en est allé consommer ailleurs, se rendra compte qu’elle est totalement parasitée par ce qu’on appelle aujourd’hui les adulescents, ces enfants adultes qui s’incrustent par paresse au foyer parental sans compter leur père en faillite, parasite en chef.

 

On retrouve là une fois de plus le thème du père si cher aux téléfilms allemands, ou du moins à ceux dont les comptes-rendus constituent ce texte. Le logiciel nous a appris à considérer que n’importe quel homme dans l’entourage de la mère, peut faire fonction de père, pourvu qu’il en assume l’activité. Celle dont il est question dans cette œuvre là étant de séparer les enfants de la mère pour empêcher une fusion régressive.

 

Dans ce cas de figure là, on constate que non seulement le père génétique des enfants n’assure pas la fonction en question mais que pire encore il participe à l’hallali de destruction de la mère en passe de naufrager sous le poids de ceux qui l’exploitent fussent ils chers à son cœur… C’est sans compter sur le père de rechange, l’amant brun aux traits peu germaniques. Il finit par l’emporter et par emmener sur sa moto la mère à la mer… après que celle-ci se soit décidée à vendre son exploitation, à un âge où en effet la retraite n’est pas si mal venue.

 

Le bonheur que procure ce film provient du fait que la femme aime sincèrement ses enfants et s’occupe d’eux du mieux qu’elle peut, y compris de la nouvelle petite fille que son mari ramène avec lui, tout en finissant tout de même par admettre qu’ils sont désormais grands et qu’elle peut s’adonner à ses amours personnelles qui finalement tournent bien.

 

Résolument féministe sans être amer, déçu ou agressif envers les hommes voire les enfants, ce film fait souffler un petit vent de révolte contre la société qui fait penser aux beaux jours des utopies des années soixante dix…

 

 

 

 

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Mise à jour : février 2014