LE JOUR DE GLOIRE
Pour
toi je planterai un magnolia
Et
quand toi et moi serons morts
D'autres
viendront encore
Disant
C'est
l'arbre des amants
Qui
trop se sont aimés
A
ne pouvoir se séparer
Les
amants maudits
Les
amants maldisant
Les
amants maudissant
De
tous leurs maux
Les
maugréant
Les
maugréés et les malgrés
Et
les toujours
Et
les encore
Et
redis-moi encore
Je
t'aimerai toujours
Pour
toi je planterai un magnolia
Dans
le jardin où enfin
Repos
aurons trouvé
Ensemble
et séparés
Pour
que d'autres après nous
S'en
aillent encore
Disant
C'est
l'arbre des amants
Qui
tant
Se
sont aimés
Les
amants éternels
Qui
bouches contre mots
Tant
se sont aimés
Et
si mal dit
Les
maux si souvent dit
Les
médisants
Les
maugréants
Pour
toi je planterai un magnolia
Et
quand serons dessous la terre
Ensemble
rêve et poussière
D'autres
viendront encore
Qui
verront fragmentaires
Les
fleurs multiples dessous le vent
Et
dirons
C'est
l'âme constellaire
Des
baisers
Que
se sont donnés là
Roses
Les
amants
Du Mont-de-Vénus sédimenté
De
la vulve calcaire
Des
replis d'herbes et de pierres
De
la crête grise et moelleuse
De
la fente noire de l'anfractuosité terrestre
Sourd
un cours d'eau
Vagissant
dans la dureté des rochers
Alors
sa mère La Terre
Pour
soulager ses pleurs
Le
couche dans le vallon
En
un berceau d'eau et de feuilles
Une
tourbière tapissée de sphaigne
La
mousse première
A
l'assaut des lacs glaciaires
Etablies
sur les moraines millénaires
Gorgées
d'eau
Pour
la rendre au gré des besoins
De
l'air
Humidité
parfaite
De
tout instant
Et
à cette vie établie
Verte
et souveraine
D'autres
espèces moins courageuses
Et
plus tranquilles
S'en
vont mêlant
La
reine des prés dite barbe de chèvre
La
cirse des marais dite bâton du diable
Et
le grand chardon à fleurs rouges et rosées
Puis
consolidant l'assise
Les
pins à crochets
Et
les bouleaux argentés
Dans
les méandres du marécage
Solidifiant
sous le ciel
La
rivière n'a pas encore de nom
Ni
les insectes
Ni
les oiseaux
Et
l'homme est encore loin
Dans
les projets de la Terre
Il
en faudra encore des millénaires
Pour
que sa forme advienne
Et
s'installe
De
cavernes en massues
De
collets en prieurés
De
défrichement en culture
De
déchiffrement en pâture
Il
en faudra encore
Des
invasions et des guerres
Des
traités et des trahisons
Pour
savoir à qui appartiendra cette terre
Quel
seigneur
Quel
baron
Quel
comte
Quel
duc
Quel
prince
Quel
roi peut-être
La
gouvernera
Pour
le meilleur et pour le pire
Le
Doubs alors aura
Déjà
mille fois atteint la mer
Et
son âme de nuée
S'élevant
au dessus des courants
Et
des vagues
Aura
vu par delà
Les
côtes les coteaux et les montagnes
Les
fumées humaines
Désigner
les toits des villages
Et
songé
Comme
elles se perdaient dans les nues
Qu'on
brûlait là dans les veillées d'hiver
Sa
paillasse natale
Pour que le jour soit jour
Et
que la vie se vive
Il
en a fallu
Des
montagnes et des prairies
Des
vaches des fleurs des arbres
Des
clarines des râteaux
De
la terre grattée
Pleine
de cailloux
Et
de chiendent tenace
Des
foins coupés
Et
retournés
De
meules en villages
De
charrettes en vallées
Et
même en granges
Et
greniers isolés
Des
ponts de bois
Et
des torrents gelés
Des
chatons en Février
Et
des framboises en été
Il
en a fallu des ancêtres à moi
Pour
m'amener jusqu'ici
Des
alpins des cristallins
Des
crétacés des jurassiques
Des
tanneurs des chaudronniers
Des
charrons et des cabaretiers
Accompagnés
de leurs servantes lavandières
Cuisinières
populaires
Cantinières
Nourrices
désordonnées
De
porcs et d'enfants
Dans
la même mangeoire
A
seigle et haricot
A fanes
et à ragoût
A
pois parfois
Dans
les hivers pauvres et froids
D'autrefois
Il
en a fallu pour que je naisse à mon tour
Des
chemises de lin
Et
des draps brodés
Des
trousseaux et des larmes repliées
Des
retours de guerres
Et
des attentes vaines
Des
coffres de mariage
Et
de grands vaisseliers
Des
costumes de fête
Avec
de lourds ourlets
Pour
prévoir d'avance
L'usage
L'usure
Et
même le vieillissement
Des
coiffes de dentelle
Et
de beaux tabliers
Des
brigands qui sait
Cachés
aux gendarmes
Et
peut-être même quelques meurtriers
Car
sans eux le monde
Ne
saurait pas le monde
Il
en a fallu des chemins forestiers
Des
salamandres jaunes sur la terre mouillée
Des
parcours coutumiers
Et
des rêves étouffés
Pour
que le jour soit jour
Et
que la vie se vive
Il
en a fallu des consentements donnés
A
la nature du monde
O
l'opaque charnier
Où
chacun vit de tous
Sans
réciprocité
Il
en fallu
Des
transformations
Des
explorations
Des
implorations
Des
fornications
Des
implantations
Des
transplantations
Et
de la capitalisation
Des
métabolismes errants
Pour
transformer cette chose
En
un étant
D'aussi longtemps qu'il m'en
souvienne
L'enfant
jonquille
Offrait
au bord des routes
Au
passant voyageur
La
jaunerie printanière
La
fleur première
La
grande primevère
La
douce incantation
La
rêveuse obstination
La
torve incitation
A
faire or
L'or
des sous-bois
La
généreuse genèse
La
jeunesse enfantée
La
jeunette nouveauté
L'engendrement
récurrent
Des
fleurs filles
De
ma Soleille
O ma royale reine
O mon aimante amante
O
l'épouse et la mère
De
l'éternel mouvement
Je
me souviens
Des
jours du commencement
De
ma quête
Au
pied du pas
De
mes croisières errantes
Et
des sourires sournois
Aux
passants narquois
Oh
là là
Je
me souviens de mes voyages volatiles
Pigeons
et tourterelles
Où
j'implorai les quais
Cages
et volières
De
me guider jusqu'à la digue
Je
me souviens
De
mes marches royales
Le
long des murs et des trottoirs
Episodiques
Aventureux
Episodeux
Et
telluriques
Où
je fendais la foule
Caravelle
déployée
Toutes
phrases dehors
Proue
même du moi-ma-langue
Laissez
couler l'urgence
Laissez
passer
La
sirène convulsée
A
la voix enrouée
O
comme je voguais
Lasse
lasse jamais
De
tout changer en mots
Oh
là là
Ecailles
et nageoires
Oh
là là
Ma
vie de palme
En
la mer océane
Oh
là là
Lira
bien
Qui
lira le dernier
Je
me souviens
D'une
ville de pierres
Où
tout m'était courant
Et
comblement de vagues
Haute
mer et rochers
Marée
haute
Marée
basse
Marée
d'algues
Marie-écris-toi-là
Je
me souviens
Du
bercement des eaux
Douces
et maternantes
Mouvance
d'images
Ressac
d'Histoire
Remous
de pages
Rêve
laiteux
O
viens ma poésie
Fluance
maternelle
De
l'oiseau lyre
L'oiseau
libre
L'oiseau
livre
L'oiseau
ciel
S'envolant
tout seul
Tout
là-haut
O
le grand mât du texte
Au
plus près du Très-Haut
Laisse-moi
Colomb
Inventer
d'autres routes
Laisse-moi
Colomb
Songer
à d'autres mondes
Que
ceux des massacres
Et
du sacre
De
tous les vainqueurs
D'horreur
Et
de malheur
Laisse-moi
Colomb
Inventer
d'autres langues
Que
l'or et les miroirs
Enfermés
dans les cales
Laisse-moi
Colomb
Recommencer
le monde
Aux
terres anciennes
Le
jour nouveau
Je
me souviens
De
la colombe
Volant
seule contre le vent
Là-haut
Là-haut
Toujours
plus haut
De
misaine en nacelle
Dans
les voiles de haute vergue
Dans
la hune des nuages
O
la vigie balancelle
Au
creux du ciel
Dans
les hauts commencements
Du
Très-Haut
Je
me souviens
Du
souffle qui soufflait
Et
m'emportait
Colomb
Colombe
Et
le bateau et la terre
Et
les mots et la mer
Et
le phare et les oiseaux
Je
ne me souviens plus
Du
mois du jour
Quel
siècle quel an
Quel
rêve
Quelle
vie
Quel
quoi ça là
Oh
là là
Où
ça
Ca
quoi
Ca
là
Ca
quoi donc
Ca
là quoi
Ca
Ca
là
Où
donc
Ca
Ca
là
Qu'est-ce
Je
ne me souviens plus exactement
Quelle
fois exactement
Colomb
Colombe
Rappelle-toi
Dans
les rues
Un
jour
Je
n'ai plus retrouvé
Ni
la rive
Ni
le port
Ni
la jetée
Souviens-toi
colombe
Alors
alors
De
ma cité de pierres
Fosses
ouvertes
Eaux
emmurées
O
ma ville engloutie
Flottation
dans l'écume
Du
corps visqueux et navré
Flottaison
sur l'écume
De
Ecaillée
Je suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Ce
n'est pas tout à fait ma mère
C'est
mieux que cela
Et
beaucoup pire
C'est
la mère de mon amour
En
gésine dans cette étoile
Amour
mon lourd amour
O
la caverne matricielle
Du
ciel de notre lit
O
la genèse astronomique et planétaire
De
la gravitation
Et
des orbites
Révolution
des révolutions
Dans
la voûte pesante et sidérale
Peuplée
de grands luminaires
Et
où passent parfois
Pensantes
et sidérées
Des
comètes
Chevauchant
la perpétuité
Des
siècles et des siècles
Ainsi
soit-il
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Dans
sa tête
Ils
se perdent
Oiseaux
blancs
Confusionnaires
Voyageurs
du ciel
Passagers
des nuées
Volant
contre le vent
L'orage
et les marées
Pour
rejoindre
Vaille
que vaille
Vaille
que faute
Mots
astrals
Aux
confins
De
l'éther et l'azur
La
gent ailée
Progéniture
de
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Cette
lasse latence
Vieille
et sereine
Laitance
stellaire
Attendant
grave et belle
En
pieuse songerie
La
venue
De
l'ange messager
Le
sablier du temps
La
messagerie du vent
Ora pro nobis
D'ici
là elle oublie
Un
peu
Beaucoup
Pas
du tout
Passionnément
En
ordre
Et
en désordre
Sa
longue vie
De
rêves sages
Nous
te louons
Nous
te vénérons
Nous
t'adorons
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Ma
mère belle
Ma
mère
En
place de maman
Faute
de Maman
Ma
maman belle
Ma
Belle Maman
Visage
de la paix éternelle
Marie
Stella
Marie
stellaire
Magnificat
Alleluia
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Qui
dans sa tête
Avec
l'âge confusionnent
Cheveux
blancs
Les
ailes libres
Rêves
bleus
Les
oiseaux lyres
Survolant
la nuit
Les
eaux et les naufrages
Je
me souviens pour elle
Mère
ma Mère
De
la conque maternelle
La
rejetant loin du front
A l'arrière
Dans
une rue d'Auteuil
Petite
fille
En
robe d'organdi
Loin
des champs de bataille
O
la Sambre et la Meuse
Et
le Chemin des Dames
La
Caverne du Dragon
Et
l'église Notre-Dame
Aumônière
En
bandoulière
Chapeau
rond à rubans
Et
petits gants
A
côté de son frère
Casquette
à visière
Pour
ce grand garçon
Au
sourire narquois
On
ne prononce plus son nom
Depuis
qu'il est mort
Le
premier
C'est
normal
C'était
l'aîné
Dans
le cadre qui pend
Contre
le mur blanc
Dans
l'album refermé
Dans
la colle desséchée
Oncle
Mais
plus grand qu'elle
Est
avec elle
Pour
l'éternité
C'est
la guerre
Et
c'est très amusant
D'être
là
Dans
le bois joli
Et
les sels d'argent
Avec
des gants blancs
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Car
sa tête s'ensable
Et
divague
Bien
joliment
Gentiment
Avec
un brin de coquetterie
Comme
sur la photo lisse
Dans
le cadre vernis
Oblong
et noir
Comme
l'horizon
Lourd
de nuages
Et
d'oiseaux sombres
Sur
les plateaux
Et
les coteaux
Dans
les gravières
Et
les champignonnières
Elle
se regarde
Au
miroir
Lys
à la main
Elle
attend
L'officier
français
Du
Soixante Septième
Du
Six Sept
Venu
de la caserne
Pour
la parade
Par
Lui
faire la cour
En
gants blancs
Plumes
de casoar
Au
shako
Rêves
ouverts
Au
bord de l'eau
Le
long des berges
Les
deux oiseaux
Passent
passent les bateaux
Dis
moi amour
Est-ce
bientôt la guerre
Dis-moi
amour
Quand
part ton régiment
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Ce
n'est pas ma mère
C'est
mieux que cela
C'est
beaucoup pire
C'est
la mère de mon amour
Qu'elle
emmène aux Colonies
Sur
un grand paquebot
Au
lointain pays des mygales
Des
varans
Et
des grands acajous
On
emporte les ours
Et
les joujoux
Pas
les chevaux de bois
Ils
sont bien trop lourds
Viens
voir mon chéri
Les
zouaves en chéchia
Et
les spahis en manteaux rouges
En
franchissant la barre
Dans
une petite barque
On
a peur
On
le cache
On
vomit
O
les vagues de la mer
Sur
les embarcations paternelles
O
l'écume
O
la rage
On
écume et on en rage
O
le visage maternel
O
la fureur
C'est
juste après la guerre
Te Deum laudamus
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Dans
sa tête
Tout
s'embrouille
Grève
et bateaux
Sable
et eaux
Coques
et coraux
Elle
demande
Si
c'est bientôt la fin
Elle
se plaint
C'est
trop long
Elle
se plaint cette lumière
Marine
et stellaire
Qu'elle
s'ennuie du ciel
Voie
lactée
Egarée
Marée
blanche
Aigue
marine
Ecume
aqueuse
Algue
marine
Flottante
Et
consentante
Je
me souviens de tant de guerres
Loin
des tourments
Oraison
Méditation
Rêves
sans fin
De l'au
delà
Du
fond des mers
Des
autres lieux
Tout
autrement
Où
les hommes
Où
le monde
Où
les gens
Où
tout ce qu'elle ne sait pas dire
Et
sait pourtant
Seront
tout autrement
Bleus
Comme
ses yeux bleus
D'outre
visage
D'outre
rivage
D'outre
horizon
De
là où la mer ne tombe pas
Au
delà
De
la ligne d'autrefois
Autrement
Aujourd'hui
Autrement
autrefois
Aujourd'hui
autrefois
Marie
stellaire
Marie
Stella
Jour
de douleur
Et coetera
Je
suis la gardienne
Des
souvenirs de ma mère
Là-bas
sur l'horizon
A la
ligne de confusion
Ce
n'est pas ma mère
C'est
joliment pire
C'est
la mère de mon amour
Et
elle demande tout le temps
Quand
est-ce qu'elle va au ciel
Elle
divague
Gentiment
Chantant
comptine de l'ancien temps
Une
poule picorait
Trois
canards blancs
Du
pain dur
Petit
cheval
Beaux
animaux
Pique
et pique et collegram
Madelon
au chapeau rond
Les
yeux de Belle Maman
Sont
les yeux les plus beaux
Ils
ont la profondeur
Des
mers lointaines
Des
rivages tropicaux
Des
rêves d'autrement
Autrefois
Sous
les jujubiers
Avec
ses joujoux
Mon
amour petit
Dans
ses bras
Pour
le cliché
On
prend la pose
Devant
les cocotiers
On
ne bouge pas
Attention
L'oiseau
va sortir
Un
sourire
Ca
y est c'est fait
Viens
on va voir papa
Passer
là-bas
Sous
les baobabs
Avec
ses soldats
C'est
trop long ce long voyage
Elle
veut aller au ciel
Elle
attend les anges
Et
les couronnes d'organdi
Elle
a préparé sa robe
Avec
ses rubans blancs
Son
aumônière
En
bandoulière
Son
mouchoir
Pour
faire signe
A
la terre
Oiseau
de percale
Gracieux
geste de la main
Oiseau
blanc
Rejoignant
là-haut
La
reine tutélaire
Brodée
sur les drapeaux
Dans
l'haleine du vent
Sur
la terre nourricière
La
palpitation maternelle
Au
ciel au ciel au ciel
La
voir un jour
Au
ciel au ciel
Elle
attend assise
Parce
qu'elle ne tient plus debout
Et
qu'elle se fatigue
Lasse
lasse
Ils
en mettent du temps
Dit-elle
Les
anges
A
l'emmener au ciel
Et
à me laisser à moi
Rêvant
à l'océan
Le
coeur entre deux vagues
Son
oison blanc
La nuit
Sarajevo
en flammes
Brûle
dans mon crâne
Comme
un grand chaudron
Rouge
Militaire
Serbe
Feu
Et
croate
Je
me souviens
Des
musulmans aussi
Des
rivières
Et
des rochers
Des
forêts
Des
framboises et des défilés
Des
courges
Des
courgettes
Des
concombres
Des
melons
Des
tomates
Et
des noires embuscades
Je
me souviens
De
Titograd
De
sa pauvreté grise et métallique
De
ses visages étroits et impassibles
Des
calottes de feutre blanc
Sur
les fronts socialistes
Des
bouches d'eaux saumâtres
Dans
la ville de Kotor
Herbes
et algues saturant
Les
flots glauques et gluants
Je
me souviens
Des
pantalons bouffants
Des
hommes de Macédoine
Des
sentiers pierreux
Des
bergers moutons et caprins
Et
du vieux pont de Mostar
Je
me souviens des gorges
Tellement
étroites
A
cet endroit là
Qu'on
se demandait comment autrefois
Mulets
et caravanes
Je
me souviens des églises
Transepts
et coupoles
Je
me souviens des mosquées
Nefs
et minarets
Je
me souviens
Des
statues en bronze
Salut
Partisans
A
coeur vaillant rien d'impossible
Passant
souviens-toi
Ci-gît
le corps de
Qu'il
repose en paix éternellement
Celui
qui a donné sa vie
Pour
défendre la terre maternelle
Je
me souviens du café turc
Dans
les moulins en cuivre
Et
de mille suaves restaurants
De
ces corps qui chantaient
Je
me souviendrai éternellement
De
ces corps inspirés
Par
la terre maternelle
Je
me souviens du lac d'Orhid
De
Dubrovnik port et pavés
Du
dessin que je fis
D'une
façade sculptée
Que
faisais-tu amour
Pendant
ce temps-là
Je
me souviens
Du
palais romain de Dioclétien
De
sa colonnade en ruines
Etait-elle
dorique
Ionique
Ou
corinthienne
Au
bord de
Je
me souviens de Split
De
l'ail
La
vigne
Et
l'huile d'olive
C'était
là surtout
Que
les gens chantaient
Et
du vocable serbo-croate
La
nuit
Sarajevo
en flammes
Brûle
en moi
Tout
ce qui vit encore
Et
me réveille
Chaleur
Et
lueur
Couverte
de sueur
De
bruit
Et
de fureur
Dans
la moiteur du lit
Ma
main touche ton corps
Amour
es-tu là
La
nuit
Sarajevo
en flammes
Achève
de brûler en moi
Tout
ce qui vit encore
Au
balcon
Les
plantes végétantes
Et
manipulées
Qui
s'efforcent
Vaille
que vaille
De
croître et de mourir
Et
n'y parvenant pas
Ne
font que dessécher
Et
pourrir
Jour
de colère
Que
ce jour-là
Dies
irae dies illa
L'apparente
contradiction
O
le mystère
Dont
le fabricant seul
Suit
la trace
Je
la connais aussi
Hélas
Ionique
Dorique
Et
corinthienne
Amour
es-tu là
Cette
masse chaude et frémissante
Est-ce
toi
Ne
dévastez pas la terre
Dit
l'ange
Avant
de l'avoir marqué du signe
De
la servitude vivante
De
la mère du vivant
Je
me souviens
De
l'oiseau jardinier
Donnant
forme aux herbes
Pour
l'amour de sa belle
Je
me souviens des rivages incertains
Quête
Errance
Et
voyage
Je
me souviens
De
ma mère lointaine
Et
glaciale
M'écrivant
à Zadar
Poste
restante
Yougoslavia
La
nuit
Sarajevo
en flammes
Achève
de brûler en moi
Tout
ce qui vit encore
Les
rues de ma ville
Qui
m'échappe
Et
bascule
Se
transforme
Et
se transmue
Se
transmute
Et
se déforme
Me
laissant sans place
Ni
espace
Autre
que cette lueur
Etrange
Sueur
et chaleur
Amour
es-tu là
Boubous
polygames
Frictions
quotidiennes
Codes
disparus
Cette
moiteur
De
bousculade
Hommes
seuls aux terrasses des cafés
Nouveauté
des quartiers réservés
Femmes
voilées
Dans
mes jardins d'autrefois
Attention
à l'étincelle
Poudre
et pistolet
Amour
es-tu là
Que
penses-tu de ce qui se passe
Est-ce
que je rêve
Amour
qu'en dis-tu
Je
me souviens
De
nos promenades
Dans
les jardins
Les
parcs et les palmeraies
Et
de l'allée de lauriers roses
Dominant
le coteau
Nous
y suivîmes à trois mètres
Une
femme clandestine
Surplombant
de son pas lent
Je
me souviens de l'oiseau lyre
Des
passeurs
Et
des chanteurs
O
le saule pleureur
Au
bas bout de l'Ile
Au
bord du fleuve
Toi
et moi
Adossés
aux murs de la Cité
La
nuit
Sarajevo
en flammes
Achève
de brûler en moi
Tout
ce qui vit encore
L'évocation
L'invocation
La
vocation
L'appellation
Des
visages aimés
Tournés
Tendus
vers moi
O
la contemplation dans l'autre
De
la face maternelle
Icône
vénérée
Etrange
lueur
Sueur
et chaleur
Brûlante
mémoire
Berce
ma douleur
A
la feuille d'or
Sainte
Marie Mère de Dieu
Mère
de ma mère
Priez
pour nous
Je
me souviens de
Comme
j'étais bien avec elle
Et
comme elle lui ressemble
Celle
là
Dies
illa
Les
bras ouverts
Et
les seins lourds
Mater
dolorosa
Regarde
moi
Je
me souviens amour
Des
bouches gluantes
De
la ville de Kotor
Et
du palais de Dioclétien
Des
ruines du vieux pont de Mostar
Des
pantalons en feutre bouffant
Sur
les ventres communistes
Et
des chants
Dans
les gosiers byzantins
Je
me souviens encore
Je
me souviens surtout
De
cette promenade muette
Sur
les eaux calmes du lac
Un
jour de route au paradis
Oiseau
mon bel oiseau
Dis-moi
amour
L'éternité
Est-ce
que cela dure vraiment toujours
Jour
de bonheur que ce jour là
Jour
de baiser
Dies irae dies illa
Comme
l'ont prédit
David
et la Sibylle
Jour
de chaleur
Cette
lueur là
Douleur
et sueur
Cette
peur là au creux du lit
Amour
es-tu là
Dis-moi
cette moiteur
Qu'est-ce
là
Ne
dévastez pas la terre
Dit
l'ange
Avant
d'avoir marqué d'un sceau
La
bouche
De
la servante du vivant
Je
me souviens de la barque
A
promener les jouvencelles
Rêves
de pucelle
Entre
deux eaux
La
balancelle
Les
algues et les roseaux
Je
me souviens du lac
Comme
tu ramais amour
En
regardant le fond de l'eau
Je
me souviens de ces deux belles
Qui
riaient face au ciel
Et
de notre silence
Gai
lui aussi
Nul
ne parlait la langue de l'autre
Ce
n’était vraiment pas de chance
Mais
nous étions heureux
Furent-elles
jeunes filles
Ces
lourdes femmes en fichus sales
Qui
nous arrivent
Chassées
par les combats
Hagardes
et fatiguées
Dans
les rues incrédules
Amour
Où
sont aujourd'hui ces beautés
Avec
qui nous tutoyâmes les dieux
Je
me souviens
Du
cri des oies
Dans
les champs de maïs
Les
soirs d'orage
Et
du jars impavide
Poursuivant
seul son chemin
Sarajevo
en flammes
La
nuit me brûle entière
Rouge
Feu
Serbe
Et
croate
Musulman
aussi
Je
me souviens
De
l'archiduc François Ferdinand
Poignardé
Par
Principe
Dans
sa limousine noire
Non
Son
cabriolet
Sa
berline
Son
carrosse
Comment
dit-on cette voiture
A
chevaux découverte
Je
me souviens parfois
Comme
l'histoire balance
Se
trompe et confond
François
Ferdinand
Avait
un landau rouge
Et
Principe
Un
pistolet à feu
Amour
te souviens-tu
De
François Ferdinand
L'archiduc
par Principe
Sarajevo
en larmes
Redressée
toute entière
Rouge
Serbes
et croates
Musulmans
aussi
Feu
le protecteur autrichien
Guerre
c'est la guerre
La
moiteur et les larmes
La
bouche des canons
La
chaleur
Je
me souviens d'une langue
Qui
contenait le mot
Serbo-croate
Je
me souviens
De
ceux qui nous louèrent
Une
chambre et un lit
Des
draps et des rideaux
Au
centre du centre ville
Etaient-ils
serbes les immeubles
Eucalyptus
et lauriers roses
Et
croates les jardins
Et
les fontaines dis-moi
Qu'étaient-elles
Quand
les oiseaux buvaient le soir
Eclaboussure
divine
Je
me souviens du visage de l'homme
De
sa respiration forte
Et
de ses cheveux drus
Comme
des crins de chevaux
Je
vois encore
Sa
peau dure et patinée
Comme
du cuir tanné
O
l'abattoir serbo-croate
Dis-moi
amour
Qu'est-ce
que c'est ce continent là
Rouge
et feu
Larmes
et sang
Roquettes
et bazookas
Dis-moi
amour
Cette
guerre-là
Qu'est-ce
que c'est
Sarajevo
en flammes
Hante
mes rêves
Jour
d'écriture que ce jour-là
Où
le monde se réduit en cendres
Comme
l'ont voulu
Les
Serbes et les Croates
Les
Musulmans aussi
Je
me souviens de ceux deux-là
Bosnie
O
ma jeunesse
Mon
rêve Herzégovine
Espérance
d'harmonie
Sarajevo
Sarajevo
O
l'assassinat de Principe
François
Joseph et compagnie
Mon
espérance de parousie
Ma
folle folie
De
l'on en un unique
Harmonie
harmonie
O
ma Bosnie-Herzégovine
Où
les uns et les autres
Où
les uns contre les autres
Où
les uns avec les autres
O
vous tous
Qui
apprenez les guerres
Quand
elles sont terminées
O
vous tous
Qui
ignorez les prophètes
Errant
dans leur vie
Pour
les empêcher
Je
me souviens
Du
petit vin
Qui
nous avait tourné la tête
Et
du chemin
Qu'on
ne retrouvait plus
Quêtant
dans cent immeubles
Les
mille fenêtres
Derrière
laquelle
Celle-ci
celle-là
Où
est-ce
T'en
souviens-tu
Rappelle-toi
Etait-ce
près d'un jardin
Là
non
C'est
là
Mais
non
Quêtant
dans dix immeubles
Les
cent fenêtres
Des
serbes et des croates
Des
musulmans peut-être
Qui
gardaient
Pendant
qu'on divaguait
Nos
hardes et nos bagages
Nos
sacs en toile pleins de rêves
Je
me souviens d'une langue française
Dans
laquelle on trouvait
Espadrilles
et musettes
Dis-moi
amour
Qu'étaient-ce
ces corps perdus
Qui
s'appuyaient
L'un
contre l'autre
A
peine gris
De
ce vin
Doux
et traître
Qui
nous laissait
Honteux
Désemparés
Eperdus
Amour
te souviens-tu
Comme
on s'aimait d'amour
Et
comme on s'aime toujours
Recherchant
dans la ville
La
chambre louée
Et
la trouvant tragique car
Ceux
qui nous l'avait laissée
N'avaient
pas dit
C'est
la nôtre
Pauvreté
Pauvreté
Et
pour céder leur lit
Dormaient
précaires dedans leur canapé
Campement
pitoyable
En
l'honneur des voyageurs
Quel
est le nom des poètes
Qui
ne savent pas encore
Qu'un
jour ils le seront
Je
me souviens de ce ménage
Serbe
ou croate
Serbo-croate
Musulman
aussi
Je
me souviens de la respiration
Forte
de l'homme
Comme
il dormait dans son campement
De
fortune
Et
de notre gêne
Notre
honte
Non
de la griserie
O
le vin traître et doux
Mais
de la révélation
Prophétie
Prophétie
Il avait
les veines violacées
Traçant
sur sa peau burinée
D'étranges
deltas errants
Je
me souviens de ce visage
Absolument
Je
le jure
Amour
es-tu là
Cette
moiteur de la mémoire
L'inspiration
Et
la respiration
Qu'est-ce
là
Ils
doivent être très vieux maintenant
Morts
peut-être
Trop
vieux en tous cas pour s'enfuir
Et
se sauver loin des bombes
Et
des flammes
Sur
les routes de campagne
Dans
les gorges
Sur
les sentiers escarpés
Les
rochers
Les
défilés
Les
embuscades
Au
delà du vieux pont de Mostar
Plus
vieux encore que ce vieux-là
Qui
sur ses jambes
Titubait
déjà
M'envahit
Et
brûle tout dans ma vie
Sauf
mes souvenirs réfractaires
Qui
durcissent
Dans
le feu de l'écriture
Le
visage d'un homme
L'adjectif
serbo-croate
Les
pantalons à fleurs
Sur
les jambes fatiguées des femmes
Ta
veste bleu amour
Ton
visage solaire
Nos
rêves de voyageurs éternels
Fondant
dans cette haleine de feu
Ne
dévastez pas la terre
Dit
l'ange
Avant
que vous n'ayez marqué d'un mot
Les
souvenirs du vivant
Jour
de colère
Que
ce jour là
Où
le soir et la nuit
Dans
les rêves
De
sueur et de douleur
Sarajevo
m'emplit
Parce
qu'un jour amour
Un
ménage
Nous
y a loué son lit
Et
que légèrement gris
D'un
vin tutélaire et suave
Nous
tournâmes
Perdus
en Centre Ville
Quêtant
mille fenêtres
Presque
en tout semblables
Aux
étrangers
Ni
serbes
Ni
croates
Ni
serbo-croates
Musulmans
peut-être
Quand
nous serons avec eux
Sur
les routes du ciel
Fuyant
amour
La
bouche de feu
L'haleine
fauve du dragon
Réveillant
au feu
Un continent
en feu
Ceux
qui nous ont loué leur lit
Amour
Les
reconnaîtrons-nous
Quand ils sortent de leur
prison
Automobile
Ils
tiennent à la main
Leur
autoradio
Précieux
boulet
Si
on tentait
De
les en priver
Ils
se battraient
Passez
au large
Aimants
humains
Cette
ferraille est nocive
Quand
ils sortent de leur matrice
Automobile
Ils
tiennent à la main
Leur
autoradio
Précieux
cordon
Si
on tentait
De
le leur couper
Ils
s'asphyxieraient
Passez
au large
Amants
humains
Ces
larves là
Sont
pathétiques
Quand
ils sortent de leur coquille
Automobile
Ils
tiennent à la main
Leur
autoradio
Précieux
filet
Si
on tentait
De
le dénouer
Ils
en mourraient
Passez
au large
Amours
humains
Ces
mollusques là
Sont
métalliques
Michel-Ange mon maître
Disait
cet homme tremblant et effacé
Qui
confondait Pégase et l'Ange
Jacob
et Persée
Et
peignait toujours le même tableau
Toujours
Toujours
Depuis
le commencement
Son
père s'appelait Moïse
Michel-Ange
mon maître
Disait
l'homme avant la transgression
Car
il est dit à L'Homme
Qu'il
ne représentera pas son image
Michel-Ange
mon maître
Moins
la damnation
Michel-Ange
mon maître
Disait
cet homme
Qui
peignait aussi bellement
Que
lui
Moins
les damnés
Car
Persée s'enfuit lui
Laissant
la Gorgone
Décérébrée
Décapitée
Désarticulée
Dépitée
Déstructurée
Elle
gisait là
Lasse
sur la toile
Convulsée
Abandonnée
Contre
le rocher
Mais
il ne parvenait pas
A
peindre
Lui
le peintre
Sur
son tableau
Ni
le bouclier
Ni
le glaive
Père
Père
Appelait-il
Regardant
vainement le monstre
Dans
le miroir de sa palette
Se
refléter
La
Gorgone sombre se mouvait
Dans
tous les coins
Nuit
et brouillard
De
son tableau
Dans
tous les coins
Sombres
sombres
Père
Père
Appelait-il
Qu'est-ce
cela
Que
faisaient là
A
s'entasser
Tous
ces corps
En
tas
Entassés
Cadavres
inachevés
Qu'il
n'osait peindre
Qu'il
n'osait peindre
Le
peintre
Sur
son tableau
Eternellement
inachevé
Père
Père appelait-il
Moïse
Au
bout de dix mille ans
Il
en perdit la couleur
Et
se mit à faire
Noire
grise brune
Rouge
sépia
Esquisse
sur esquisse
N'importe
En
tous cas uniformes
N'importe
la couleur disait-il
Pourvu
qu'elle soit unique
Ainsi
le peintre se présenta-t-il
A
son tour
Sans
père ni maître
Devant
le fleuve des Enfers
Que
gardait la mémoire
Impossible
à soutenir
Comme
à oublier
La
Méduse jamais achevée
Ainsi
L'Homme se présenta-t-il
Ainsi
soit-il
Cela
est
C'est
Au
bord de l'un des fleuves
Des
Enfers
Pour
rejoindre
Le
cercle des transgresseurs
Des
traîtres les félons
Le
neuvième
A
reculons tout de même
Pour
conserver intactes
Toutes
ses chances
Regardant
dans sa palette
Uniforme
Le
visage de la Gardienne
Qu'importe
la couleur disait le peintre
Pour
un peintre
L'essentiel
c'est le regard
Et
il baissa les yeux
Ils se répandent
Les
uns
Les
autres
Les
uns sur les autres
Les
uns contre les autres
Du
moins
Ceux
qui ont encore l'idée
De
l'un ou de l'autre
De
l'un et de l'autre
De
l'un au détriment de l'autre
De
l'un au profit de
Du
D'un
Non
Car
là c'est trop
Confusion
du tout
En
un seul vocable
De
part
Et
sur
Fusionnant
au sein
Du
sein
Du
moi vivant
Tétant
le sein
De
lui mourant
Même
si c'est elle
C'est
encore lui
Car
lui et elle
S'aiment
Au
lieu du même
Infiniment
Ils
se répandent
Les
uns
Les
autres
Les
uns sur les autres
Les
uns contre les autres
Du
moins
Ceux
qui encore
Car
la plupart
Qui
bougent encore
S'incorporent
Corps
sans corps
En
masse visqueuse
Avec
parmi ceux-là
Ca
là
Des
vapeurs
Et
des explosions
Des
éclatements
Des
éclairs
Eclatants
Eclatés
Epars
Des
éclats
Non
de reproche
Ou
de refus
Autre
Que
celui
D'un
commencement
En
tête parfois
L'idée
Non
d'un questionnement
Ou
d'une question
Hormis
celle
De
la contrainte
Sans
confort
Autre
Que
cette répandaison
Mais
de
Ils
se répandent
Les
uns
Les
autres
En une
matière agglomérée
Et
terrifiante
Agglomérante
Et
granulée
Coulant
dans les failles
En
poches glauques
Opaques
et molles
Véreuses
et poreuses
Loin
du centre
Vitrifiantes
Vitreuses
et versatiles
Métamorphiques
Et
magmatiques
Métamorphosant
Toute
pente
En
la plus grande pente
Refroidissant
peu à peu
Sous
le souffle lent de l'écriture
Jusqu'à
solidifier sous les cieux
Et
dans cette coulée pétrifiée
Séparant
sans tendresse
La
terre des nuages
La
nuée des orages
L'eau
de l'eau
De
la pluie
De
la mer
Du vent
Du
sable
Et
des étoiles
On
chercherait en vain
Toute
l'éternité
Le
basalte de la face
Et
l'obsidienne du nom
Ai mis mon costume gris
Et
mes chaussures de marche
N'avait
pas de coquille Saint-Jacques
Ne
venant point de Compostelle
Ni
même de Tombelaine
Allant
au lac à peine
Mais
ont eu peur quand même
Ai
mis mon costume gris
Et
mes chaussures de marche
Se
sont demandés
Qu'est-ce
que c'était ça
Cette
femme seule-là
Poitrail
ouvert
Cette
oiselle grise ensanglantée
Pas
même une vieille
Puisqu'elle
allait
Pas
même une folle
Ca
se serait vu
Peut-être
une infante
Rebelle
et résolue
Descendante
perdue
D'un
comte espagnol
Dieu
est ma joie
Pour
ma terre
Et
pour le Roi
Ai
mis mon costume gris
Et
mes chaussures de marche
Quêtant
ma parentèle
Aux
marches du royaume
Longeant
les frontières
Lisant
les registres
Quêtant
les monuments
Hélant
les habitants
N'ai
rien trouvé
De
fil en aiguille
Que
des lézards et des vouivres
Des
grenouilles et des diamants
Des
chevaux ailés
Et
des chimères graves
Elle avait le regard pâle
Et
les lunettes raides
De
ceux qui luttent encore
Enfermant
Dans
des sacs fatigués
Des
journaux et des livres
Elle
serrait contre elle
Précautionneusement
Un
parapluie vert
Avec
de gros pois blancs
Se
disant
Que
si malheur
Elle
venait à le perdre
Elle
n'en racheterait pas
A
cause du prix
Elle
portait à même la peau
Une
robe manteau
Beige
et triste
Elle
avait dû la payer cher
Pour
la coupe
C'était
sans doute
Sa
seule vêture d'été
Avec eux, avec
ELLE
A mes amours qui avaient nom
Formes
chéries
Me
fut donné en dernier cours
De
parler fort
De
parler haut
De
mon bureau
Des
oiseaux et des anges
Et
des oiselles
Mes
toutes belles
Comme
on parle libre
Comme
on rêve livre
Libresse
Libertineuse
Et
libertaine
Comme
on nomme
Cheffesse
de la chefferie
La
tête
Pensante
et volatile
Comme
on dit parfois
Capitaine
Mon
capitaine
Mon
capitole
Ma
capitale
Quand
le voyage est trop long
Et
la capitainerie du port
Maintenant
trop lointaine
Je
me souviens de ma terre natale
Perdue
dans cette route obscure
Ligne
médiane éperdue
O
la parturition des deux horizons
La
ligne de partage
Entre
les eaux d'en bas sombres et pesantes
Et
celles plus délavées
Des
cieux d'en haut
Mêlées
dans les reflets errants des vagues
Courants
d'air marins
D'algues
Et
de bois flottants
Dérivant
A
contrevent
Pâles
contrevenants
A
la rigueur théorique
A
mes amours qui avaient nom
Formes
chéries
Me
fut donné l'ultime cours
Pour
parler fort
Dernier
recours
Pour
clamer haut
Les
oiseaux et les anges
Et
les oiselles
Mes
toutes belles
Et
par cela
Et
pour ceux là
Leur
transmettre in extremis
La
boussole et l'astrolabe
Et
tout l'art de la navigation
Le
sacré savoir
De
la lente démarcation
De
la forme qui prend forme
Tourbillon
à l'horizon
Aux
rives de la planète
Aux
rêves de l'espèce
La
vision sacrée
De
cette chose qui nous arrache
A
la terre et à l'eau
Au
littoral et aux coraux
Aux
barques et aux méduses
Cette
mémoire d'ancêtre
Quand
nous étions avec Elle
La
bleue
La
généreuse
La
belle
La
toute belle
Dans
le regret d'avoir quitté
Son
placenta
Comme
le port est lointain
Berceau
de chair
Ma
capitaine
Ma
forme ancienne
Ma
litière vaseuse et aqueuse
De
flots songeurs
Sabres
et saumons
Je
me souviens de mes chimères
A
mes amours qui avaient nom
Formes
chéries
Me
fut donné ultime recours
Au
dernier cours
La
grâce de dire
Un
dernier mot
Elèves
chéris
Oiselles
oiseaux
Anges
transis
Que
Dame République
Ma
maîtresse
Ma
cheffesse
Ma
capitaine
M'a
confiés
A
déniaiser
A
formater
Oiseaux
oiselles
Ecoutez
moi
Cette
chose là qu'on voit là-bas
Cette
forme obscure
Tourbillonnante
Et
qui prend forme
Chose
nouante
Et
renouée
Végétante
Et
bouturée
Chose
mécanique
Automatique
Et
chaotique
Forme
Informe
Et
emphatique
Cette
forme qui prend forme
Et
s'enferme
Et
s'informe
Et
regorge
Et
capte
Et
organise
Entendez-moi
Une
dernière fois
Longue
longue fut l'introduction
Que
tout un an
Vous
écoutâtes
Studieusement
Patiemment
Religieusement
Comme
des bois flottants
Dérivant
sous le ciel
S'abandonnent
Confiants
A
la forêt qu'ils longent
Et
traversent
Dessus
les eaux courantes
Ecoutez
de moi
Un
dernier mot
Oiseaux
placides
Et
assagis
Oiseaux
sans ailes
Enucléés
Aveuglés
de la lumière
De
voler droit vers La Soleille
La
Souveraine
Cybernétique
Ma
Capitaine depuis toujours
Entendez
moi
Cette
chose qui prend forme
Maintenant
Cette
chose hors du sol
Et
contre nous
Hors-sol
Et
maintenant si loin de nous
L'espèce
humaine
Ce
n'est plus nous
La mort en moi s'environne
Menant
sa ronde de mort
Haut
les mains
Bas
les coeurs
Tout
un crève-coeur
De
feuilles d'automne
Déjà
séchées
D'avant
l'été
Parole
blessée
Corps
figés
Façades
murées
Coeurs
plombés
Boutiques
vides
Et
désertées
Là
autrefois
Je
me souviens
Pas
si longtemps
Avant
demain
Lasse
lasse comme je suis lasse
Vaillante
faillite d'avoir lutté
Sceaux
profanés
Désengagés
Coeurs
concassés
Détricotés
Serrures
rouillées
Clés
égarées
Pennes
obstrués
Clenches
coincées
Ronde
de mort
En
feuilles d'automne
Bouches
oubliées
Et
desséchées
Maisons
fermées
Et
verrouillées
Feuilles
tombées
En
ronde d'été
Désemparée
Statues
brisées
Marches
descellées
Murs
ruinés
Seuils
fracturés
Lieux
incendiés
Désaffectés
Morne
fatigue j'ai trop flambé
Mauvais
automne déconcerté
Emporte-moi
avant l'été
Rêves
envolés
Songes
mort-nés
Morne
pays abandonné
Tocsin
sonné
Désaccordé
Mauvais
pays désemparé
Verbe
de bois
Conjugue-toi
Cloche
de mots
Ecoute-toi
Cloche
de bois
Echappe-toi
Langue
de mots
Langue
de bois
Et
là là là
C'est
l'automne avant l'été
C'est
la diane sans la bataille
C'est
la diane avant l'été
Coeur
égaré ressaisis-toi
O
mon pays
Regarde-toi
Coeur
chaviré
Rétablis-toi
Tu es parti en Afrique
Amour
Je
gratte dans mes pots de fleurs
La
croûte de latérite
Je
guette dans la rue
Le
passage des chameaux
Je
lis le soir
Un
missionnaire targui
Je
dis à tous
Que
tu es parti
Au
loin
Servir
la France
Personne
ne rit
Est-ce
parce qu'on entend
Dans
le mot Ethiopie
Les
hordes de mendiants
Qui
t'assaillent
Et
dans ta voix lointaine
Téléphonique
Et
chaotique
Quelque
chose
Qui
n'existait pas
Autrefois
Je me réveille
Chaque
matin
Plus
fatiguée
De
jour en jour
Comme
si
S'annonçait
Chaque
jour
La
fin des temps
L'espèce
humaine
Epuise
en elle
Son
odeur céleste
Et
se liquéfie
Dans
les mares d'asphalte
Qu'elle
laisse
De
plus en plus nombreuses
A
la surface de la terre
Une
poix noire se répand
La
séparant
Des
racines
Des
bulbes
Des
pivots
Des
rhizomes
Des
radicelles
Des
pétales
Des
pétioles
Des
folioles
Et
de tout ce qui
Dans
sa mémoire végète
Et
se répète
Balbutiant
Le legs
de nos ancêtres
Les
bactéries
Les
lichens
Et
les mousses
Nos
grands-mères très lointaines
S'aimant
les unes contre les autres
Dans
un réseau assez serré
Pour
faire arche
Contre
la pierre
Et
le désert
Qui
tant
Se
tend
Et
s'étend
Au
commencement était l'espèce humaine
La
terre était béton et goudron
L'esprit
industriel
Flottait
sur la matière
Il
dit
Que
notre mère soit
Et
notre mère sera
Confondant
dans les conjugaisons
Le
temps et l'espace
Le
savoir et la lumière
La
matrice et l'enfant
Je me
réveille
Chaque
matin
De
jour en jour
Plus
fatiguée
Comme
si on devançait
De
grand matin
La
fin des temps
L'espèce
humaine
Epuise
en elle
Son
essence terrestre
Et
s'évapore
Dans
les vapeurs de plomb
Qu'elle
laisse
De
plus en plus épaisses
Recouvrir
la terre
Et
lui masquer le ciel
Un
voile noir s'étend
La
séparant
Des
ailes
Des
pennes
Des
aigrettes
Des
huppes
Des
jabots
Des
griffes
Des
serres
Des
ergots
Et
de tout ce qui
Dans
la même haleine respire
Et
expire
Inspirant
Ses
cellules et ses clones
Pour
qu'ils formatent
Des
machines
Des
prothèses
Des
chimères
Nos
descendantes très lointaines
Se
haïssant les unes avec les autres
Dans
un filet assez serré
Pour
faire arche
Contre
la nature
Et
la forêt
Qui
tant
Se
consomme
Et
s'assèche
Au
commencement était l'espèce humaine
Le
ciel était oxyde et carbone
Et
l'ange industriel
Flottait
au dessus de la serre
Il
dit
Que
notre mère soit
Et
notre mère sera
Confondant
hors les conjugaisons
Le
pétrole et la chair
L'usine
et la chaîne
L'espèce
et ses productions
Je me
réveille
Chaque
matin
Plus
fatiguée
Encore
que la veille
Comme
si on remontait
De
jour en matin
Jusqu'à
la fin des temps
L'espèce
humaine
Epuise
pour commencer
Sa
fleur pensante
Et
se sublime
Dans
une nuée de signes
Qu'elle
laisse
De
plus en plus étanche
Recouvrir
les corps
Et
la séparer d'elle-même
Une
chape noire s'étend
Oubliant
Les
noms
Les
verbes
Les
adverbes
Les
conjonctions
Les
prépositions
Les
couleurs
Les
goûts
Et
les sons
Et
tout ce qui
Dans
la gorge
Dégorge
Et
se rengorge
Les
dictons et les codes
Les
lois et les proverbes
Les
coutumes et les livres
La
voix de tout humain
Vivant
et souffrant
Son
souffle
Son
âme
Sa
forme
Son
sens
Sa
naissance
Sa
connaissance
Et
sa reconnaissance
Dans
une arborescence
De
matrices très lointaines
S'enfantant
les unes les autres
Dans
un tissu assez serré
Pour
faire arche
Contre
le feu
Et
la tempête
Les
grands dragons
Et
les comètes
L'espérance
La
nuit
Le
sable
La
pluie
L'orage
La
chaleur
Et
l'effroi
Les routiers encerclent les
villes
Caen
Laon Rouen Lille
Le
Mans Vesoul Amiens et Charleville
Les
chars roulent chenilles contre chenilles
Pour
dégager les objectifs autoroutiers
Les
péages militaires
Circulez
circulez
Code
de la route stratégique
Le
vétéran Rimbaud revient d'Abyssinie
Au
volant d'un camion de poèmes
Qu'il
place selon son conseiller bancaire
En
Sicav monétaires
Des
barrages ferment la route de Coulomniers
Madame
de Clèves hésite et se résigne
Se
décide enfin à choisir la vie
Et
rencontre dans sa cabine
Un
gros bras à casquette
Et
braguette
La
coordination des barragistes
L'élit
Dame d'amour de l'année
A
l'unanimité
Les
semi-remorques bloquent les ponts
Ceux
de la Marne et de l'Oise
Impossible
d'atteindre Clermont
Champs
Pontoise
Ou
Robinson
Pour
obtenir satisfaction
De
ses revendications
Radiguet
suspend sa mort provisoire
Les
tracteurs coupent les voies
Les
trains stationnent entre les gares
A
Béziers à Narbonne et dans le Midi rouge
On
entend parler de sabotage
De
transfo et de postes d'aiguillage
Madame
de Rénal paiera les jours de grève
Julien
Sorel rengaine son pistolet
Les
taxis occupent les centres-villes
A
Marseille Lyon et Grenoble
On
hésite entre thrombose et asphyxie
Les
ambulances verrouillent les échangeurs
On
roule sur les tomates les pêches et les melons
A
Florac Saint-Maximim et Mont de Marsan
Votera-t-on
par pays par classes sociales
Ou
par corporation
Les
chauffeurs de maître séquestrent leurs limousines
Et
les passent à la peau de chamois
Les
corbillards ne perdent rien à attendre
Ils
ont l'éternité devant eux
Les
cars scolaires sont en vacances
Et
c'est tant mieux
Cela
aurait donné le mauvais exemple aux enfants
Dans
la brouette d'un jardin public
Assoupie
La
littérature rêve
Il est des fleurs qui fanent parfois
D'un
seul coup
Des
pivoines pesantes
Que
le jardinier oublie de visiter
Et
qui penchent leur cou
Dans
l'allée désertée
Des
myosotis timides
Lovés
le long des murs
Et
las de n'être jamais remarqués
Des
jonquilles désemparées
Parce
que leur printemps a passé
Des
lys pâles au creux des cathédrales
Fleurs
ombrageuses
Voilées
sous les regards
Malades
de leur virginité
Des
oeillets porte-malheur
S'abandonnant
à la mélancolie
Et
des roses entêtantes
Ne
supportant pas les affronts
D'avoir
au Paradis
Orné
la couche d'Eve
Je m'esbigne
Et
tu te carapates
Camarade
Avons-nous
la ligne juste
C'est
l'Histoire qui tranchera
Nous
avons déjà fait le tour du compteur
Nous
disent les Jeunes
Qui
nous écoutent pourtant
Mais
il n'est plus temps
Douze
coups ont sonné
Au
cadran
Du
bon temps
On
a bien fait d'en profiter
Les théâtreux étaient en
grève
Bouclés
à double tour
Dans
leur sombre théâtre
A
rideaux rouges
Epais
et lourds
Les
théâtreux étaient en grève
Je
leur ai dit
Suis
une femme libre
Ouvrez
ouvrez les portes blindées
Que
la poussière puisse respirer
Les
théâtreux étaient en grève
Talkies
Walkies bien efficaces
N'ont
pas aimé mes positions
Faut
être rentable ma chère amie
Quand
on fait profession
De
communication
Les
théâtreux étaient en grève
Je
ne suis pas votre camarade
Dis
bien poli
Un
propre sur lui
Regardez-nous
d'en-bas les marches
Comment
nous trouvez-vous
En
contestationnaires
Artistes
subventionnaires
Signez
signez la pétition
Les
théâtreux étaient en grève
Sous
le péristyle de leur temple
C'est
syndical pas politique
Dit
le publiciteur
Pas
de confusion
Ici
c'est l'Odéon
Mais
ce n’est pas 68
Ca
ils ont bien raison
Il
n'y a pas d'ange dans les cintres
Les
théâtreux étaient en grève
Forts
agités
Nous
on veut juste continuer
Surtout
surtout
Ne
rien changer
Ni
trop la rampe
Ni
moins le rouge
Un
peu passé et compassé
Nous
ce qu'on veut c'est prospérer
A
la rigueur ne pas crever
Pour
le reste adressez-vous aux auteurs
Les
trépassés
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
je marchais
Tête
basse
Dans
les allées
Bétonnées
du
Parc
Fuyant
Les
gardes qui nous gardent
Et
les kapos qui nous mettent à
mal
nous mal
traitent
Et
pré
tendent
Nous
empêcher de pen
ser
Appuyés
Sans
quoi ils n'o
seraient
pas
Par
tous ceux qui ra
sent
l'échine basse
Les
murs de la
Destruction
de soi
L'humiliation
Au
nom
Désormais
im
prononçable
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
je descendais
Entre
les aunes
Et
les saules
Branches
d'osier
Faiseuses
de paniers
Feuilles
glabres et argentées
L'allée
asphaltée
Vers
l'étang
La
mare
Le
lac
Comment
dit-on
Aux
Buttes-Chaumont
Cette
rêverie folle
D'un
architecte
Aimant
l'époque
Belvédère
Et
réverbère
Pavillon
d'amour
Rocaille
et rococo
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Remontant
dans la bouche
Avec
un goût amer
Comme
le cerveau
Provoqué
lui-même
Provoquerait
à son tour
Proférerait
Prophétiserait
Non
une injure
Mais
un souvenir
Une
menace peut-être
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
En
mémoire
Des
acacias pensifs
Mes
compagnons d'enfance
Ces
justes
Au
bois imputrescible
Et
si eux le peuvent
Pourquoi
pas moi
Honte
alors
De
ce corps ployant
Dans
l'allée de gravier
Pliant
Pour
ne pas rompre
Parce
que la rupture
C'est
la mort
Dans
l'allée bitumée
Honte
de ce corps fuyant
Laissant
le territoire
A
d'autres
Faute
de
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
dans la fuite
Je
trouvai étonnée
Refuge
Réserve
Réservation
Réclusion
Recul
Dans
ce parc
Et
l'accueil inespéré
Des
grands arbres
Ma
famille
Mes
amis
Mes
pareils
Me
souvenant pourtant
Des
pins homogènes
Saignés
à résine
En
petits pots
Identiques
Et
concentrés
Et
des sorbiers
Bonzaïfiés
Arbres
nains
Au
profit des marchands
Et
de la vanité de
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
je marchais
La
tête en berne
Et
le coeur nauséeux
Pas
très fière
De
ma fuite
Un
peu rapide
Pas
très glorieuse
Ni
militaire
A
moins
De
la nommer
Déroute
Débâcle
Défaite
Déboisement
Déforestation
O
la douleur
De
me souvenir alors
Des
marronniers
Du
Bois de Boulogne
Grand
Mère à chapeau noir
Silence
et sévérité
Les
femmes savoyardes
N'ont
pas la gentillesse facile
A
cause sans doute du climat
De
la dureté du travail
Des
bêtes qui se battent
Pour
dégager La Reine
Montant
aux alpages
Dans
les hauts pâturages
Grand
Mère n'est pas facile
A
cause de la mémoire des clarines
Elle
porte le plus vieux nom de Savoie
Hyvrard
Le
nom des marchands d'ambre
Voyageurs
hermétiques
Souvenir
De
mes serments d'enfant
Jurant
fidélité aux arbres
Eternellement
sincère je serai
A
cause d'eux les tous beaux
A
cause de la nature
Ma
mère de perfection
D'élection
Et
de recueillement
En
elle toujours
Dans
les fourrés
Fille
échappée
Marronne
sauvage
J'ai
trouvé là
La
protection
Et
l'affection
Je
me souviens
De
mes promesses aux platanes
De
leurs boules velues
Qui
roulaient sur les trottoirs
Avec
moi ceux-là
Seront
toujours
Mes
beaux amours
Troncs
étranges démasqués
Ainsi
le verbe de la peau
Qui
s'en va
En
plaques multicolores
Ils
ne m'ont jamais abandonnée
J'ai
écris sur leurs troncs
Le
nom des bien-aimés
Je
me souviens
Des
feuilles fauves et or
Vertes
encore par endroits
Ramassées
sur le bitume
Les
arborant
Fièrement
Dans
ma petite main d'automne
Je
me souviens même
Des
jours terribles
Du
cimetière
Où
on allait voir
Grand
Père
A
Pantin
Maman
n'était pas contente
Elle
n'aimait pas les morts
Je
me souviens toujours
D'Elle
gaie et soyeuse
Racontant
pour ma joie
Le
cèdre du Liban
Rapporté
d'Orient
Par
un savant
Jussieu
Cuvier
Lacepède
Ou
Geoffroy Saint-Hilaire
Ca
je ne sais plus
Je
me souviens seulement
Dans
un chapeau
Disait-elle
Pour
lui faire plaisir
J'ai
appris à vivre
Petite
et resserrée
Dans
l'espace le moindre
Dans
les couvre-chefs
Dans
les failles
Dans
les trous de grenouilles
Dans
tout ce qui dans la forêt
Ouvre
au ciel
Et
aux enfers
Et
la terre est devenue mienne
De
toutes ses anfractuosités
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
je m'enfuyais
Défaite
Laissant
le terrain
Non
à plus fort
Mais
à bien plus nombreux
Ils
sont nombreux
Ces
petits
Car
chacun seul
N'oserait
pas
S'ils
ne se sentaient ensemble
Assez
puissants
Pour
n'être pas coupables
De se
partager la dépouille
Arrachée
A
la curée
Au
lieu de procéder
A
tous les rites de majesté
Mancenillier
C'est
là que le nom m'est revenu
Comme
un coin qu'on enfonce
Entre
la main et le butin
A
cause peut-être
De
la remémoration
De
la lumière
De
Grand Père
Comme
un grand soleil
Je
remonte sur son porte bagage
A
vélo
La
rue de Levis
Entre
les marchands
Des
quatre-saisons
On
nous connaît
On
nous salue
On
nous aime
Je
suis la petite fille blonde
De
cet homme aux yeux bleus
Il
m'emmène
Au
parc Monceau
Serment
d'amour
Aux
érables
Les
pince-nez
Qui
tourbillonnent
Où
vont-elles
Ces
fleurs fruits
A
tire d'ailes
Oiseaux
Oiseaux
Au
ciel toujours nouveau
Emportez-moi
Emportez-moi
arbres sucriers
Aux
pays des oiselles
Je
ne veux pas rentrer
Chez
moi
Je
ne veux pas rester
Chez
Elle
Elle
ne m'aime pas
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
une surprise
Un
tournant inattendu
Dans
la bataille
Non
une injure
Une
menace peut-être
Une
ruse qui sait
Comme
je marchais
Défaite
Sous
les grands arbres
Le
peuplier géant
Le
tremble caressant
De
son frémissement
La
passerelle
Rebelle
Et
métallique
Ah
si je l'avais connue
Enfant
O
l'air du temps
O
l'effort de l'être
Pour
être
A
temps et à contretemps
Rocaille
et béton
O
l'architecture rococo
Témoignant
Escalier
et belvédère
D'un
plan
Dernier
refuge
La
dernière aire
Du
gibier
Du
bétail
Du
gisement
Selon
qu'on chasse
Gère
ingère et digère
Ou
extrait
Je
me souviens
Des
écorces blanches
Dans
les allées sableuses
O
le sous-bois de Fontainebleau
Le
sycomore de Musset
Faisant
la cour
A
sa belle La George
Je
me souviens des bouleaux
Au
tronc sibyllin
De
la fascination de l'enfant
Pour
les signes végétaux
L'écriture
cunéiforme
L'énigme
à déchiffrer
Et
des noms étonnants
Qu'ils
prenaient dans les livres
Au
jour où la nature
Semblait
éternelle
De
son mille coeur battant
L'aubier
Le
Grand Vivant
Toujours
plus grand
Je
me souviens
Des
noisetiers
Dont
les branches flexibles
Devenaient
dans nos mains
Arcs
d'Indiens
Et
des flèches qu'on faisait en sureau
Parce
qu'elles étaient bien plus solides
Le
curare on ne l'a jamais trouvé
Et
c'est tant mieux
Et
c'est tant pis
O
les embuscades dans les chemins creux
Oeil-de-faucon
Je
guette dans le talus
Le
premier menteur à scalper
Serments
tenus mes amours coudriers
Ils
n'ont pas réussi
A me
rendre pareils à eux
Ce
sont vos noms d'arbres que je crie
Quand
ils me torturent
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
je fuyais tête basse
La
défaite
Humiliante
Dans
l'allée asphaltée
Au
milieu des grands arbres
Etonnée
de trouver ce refuge
Auquel
je n'avais pas songé
Noyer
d'Amérique
Disait
le panneau
Difficile
à croire
Devant
ces feuilles
Qu'on
aurait cru d'un frêne
Mâle
ou femelle
Car
ces deux là s'aiment de loin
S'étreignant
Pourtant
Dans
l'haleine du vent
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Sous
les tilleuls centenaires
Comme
on en voit à Moscou
Presque
aussi haut
Que
les hêtres
Dans
les hautes hêtraies
Où
le roi des arbres
Règne
Multiple
et solitaire
Eloigné
de ses frères
Futaie
pourtant avec eux
Les
tilleuls à grandes feuilles
Sur
La
complète et écarlate
Plochad
L'esplanade
vaste et belle
Et
non cette rêverie d'amour
Ombrageant
le mail
Pour
converser à l'aise
Avec
sa belle
O
les fleurs entêtantes
Les
tilleuls tutélaires
A
l'odeur embaumante
De
mes amours Maupassant
Je
me souviens
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Exquis
et incongru
Le
long d'un catalpa
A
fleurs épaisses et lourdes
Groupées
les unes contre les autres
Comme
une nichée d'oiseaux blancs
Becs
ouverts
Attendant
leur mère
Et
piaillant
De toutes
leurs étamines
Et
pistils
Catalpa
De
tous les arbres
Le
dernier nom connu
Exotique
Si
tard
Qu'il
l'était presque trop
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Comme
une idée qui germe
Et
laisse étonnée
De
l'avoir ignoré
Si
longtemps
Serment
d'amour
Aux
charmes
A
Meudon
A
Viroflay
A
Ville d'Avray
A
Sceaux
A
Presles
A
Charenton
A
Pontoise
A
Rambouillet
A
Bourg-la-Reine
A
Choisy-le-Roi
A
Robinson
A
Argenteuil
A
Courbevoie
A
Franconville
Dans
les charmilles
L'étreinte
des amoureux
Je
me souviens des arbres
Et
des chansons
Mêlées
dans le même amour
Un
seul coeur une seule âme
Dit
le prêtre
Et
pour toujours
O
la voix d'Edith Piaf
La
blanche fleur de pommier
Cerises
d'amour aux robes pareilles
Jean
Baptiste Clément
Avec
nous éternellement
Et
sous quel arbre déjà
La
Marion se guinganave
Quand
un bossu s'en va passant
Qui
la regardave
Je
me souviens des chênes
Du
Jardin du Luxembourg
Je
me souviens d'eux
A
tous les âges de ma vie
Enfant
questionnant les glands
Et
leurs cupules
O
le mystère de l'assemblage
Botanique
et mathématique
Qui
est l'architecte du monde
L'inventeur
de cette forme
Discutable
et rococo
Dis
Papa y a-t-il un Dieu
Un
créateur géomètre
Non
ma fille
C'est
une idée des Philosophes
Jouvencelle
Traversant
D'un
amphithéâtre à l'autre
Le
jardin intérieur
Du
Quartier Latin
Le
patio autorisé
Aux
jeunettes émancipées
Faisant
semblant de ne pas voir
Les
étudiants qui les suivent
Arrêtons-nous
là
Qu'ils
nous rattrapent
Au
bord du kiosque à musique
Amour
Les
arbres nous entendent-ils
Quand
on se dit je t'aime
Mère
tenant la main
De
mon enfant à moi
Ma
fille enfante
Mon
infante
Qui
ne régnera pas
D'être
comme moi
La
moitié du monde
La
plus petite
Celle
qui enfante
Nourrit
Soigne
élève
Et
guérit
Lui
transmettant à défaut les noms
Pour
qu'un jour par leurs noms
Elle
les appelle
Ces
guerriers
Cette
cohorte vénérable
Et
forestière
Notre
garde d'honneur
Nos
compagnons d'armes
Nos
combattants inexpugnables
Nos
vainqueurs en marche
Car
quand les hommes auront disparu
De la
surface de leur mère incendiée
La
terre re-végétera sans eux
Rêvant
à nouveau
De
toute sa pie-mère
Sa
pieuse mère
Ecorce
et méninges
Avec
les arbres
Et
les batraciens
Il
faut cent ans seulement
Pour
recouvrir une ville
Et
les arbres
Digèrent
le métal
Je
l'ai vu
Je
le jure
Ca
vois-tu
C'est
un érable
Facile
à reconnaître
A
cause des pince-nez
Qu'on
se colle
Comme
ça sur le nez
Regarde
dans mon enfance
On
faisait comme ça
Et
on jouait aux Indiens
Œil-de-faucon
N'a
pas trahi
Œil-de-faucon
N'a
pas été trahie
Les
platanes c'est facile
On
les reconnaît à leur tronc
Et
ça qu'est-ce que c'est
Sûrement
pas un orme
Ils
ont tous disparu
Sauf
un ormeau de Sully
Vu
à Nant
En
mille neuf cent
Quatre
vingt dix
Ca
aussi
Je
le jure
Femme
enfin
Rêvant
encore
Dans
le carré des poètes
C'est
ainsi que j'appelle
Le
long de
Le
conquérant céleste
Le
chef d'escadrille
Les
Cigognes
Abattu
en plein ciel
Ces
allées tranquilles
Où
je m'en vais rêvant
Avec
mes amis
Mains
et racines
Feuilles
et livres
Mancenillier
Le
nom m'est revenu
Le
nom de cet arbre
Du
nouveau monde
Dont
le suc âcre
Caustique
et vénéneux
Brûle
Quand
il pleut
Il
ne faut pas rester dessous
Il
aveugle
Dans
les Isles d'or
D'azur
D'oiseaux
bariolés
D'oiseaux
mouches
D'oiseaux
tonnerre
D'oiseaux
moqueurs
D'oiseaux
bleus
D'oiseaux
lyres
Dans
les Isles
D'or
d'azur et d'oiseaux
Là
où les Conquistadores
Portèrent
le fer
De
leur cuirasse
Dans
le sein de notre ancêtre
La
nature
C'est
sous ses feuilles
Que
les Indiens
Les
fils de la Terre
Fuyant
l'avance de la mort
Les
attirèrent
Les orgues de Staline
Passent
Porte de Champerret
Sur
un camion kaki
Tranchant
avec le pavé gris
De
Paris
Ce
n'est rien
C'est
le défilé militaire
Qu'on
voit de la fenêtre
Le
14 Juillet
Allons
de la patrie
Mes
beaux enfants
Le
jour de gloire
Dorénavant
Ca
y est on a roulé
Sur
les Champs Elysées
De
l'Arc de Triomphe
Jusqu'à
l'Obélisque
Dressée
là raide et nue
Pour
éviter
Les
changements de statues
A
chaque constitution
Parait-il
On
dégage Nord Nord-Ouest
La
place de la Révolution
Pardon
De
la Concorde
Par
Je
vous entends cinq sur cinq
Mais
du Boulevard Malesherbes
Un
peu moins bien
Le
Parc Monceau n'en revient pas
De
voir passer l'armée
Pour
atteindre la cote juste
A
l'heure dite
Carte
d'Etat-Major à l'appui
Objectif
stratégique
Avenue
de Villiers
Boulevard
d'un maréchal
Pour
un soldat
C'est
normal
Boulevard
des Maréchaux
Au
pluriel
C'est
rigolo
Mon
Capitaine
Mon
Capitaine
Souriez
Votre
femme est là
Sur
le trottoir
En
train de vous photographier
Allons
enfants de la patrie
Le
jour de gloire est arrivé
C'est
pour l'éternité
Merci
Kodak
Les
avions sont déjà passés
Vanguards
Mystères
Fouga
magisters
On
les a vu
Voler
au dessus de la cour
Formes
lentes et fuselées
Ombres
portées
D'oiseaux
noirs
Sur
la dalle bétonnée
Présages
sinistres
Mauvais
augure
On
voyait mal
A
cause des toitures
En
zinc
Paris
sera-t-il toujours Paris
That's
the question
On
a vu les avions à moitié
A
cause des pigeons
Et
des antennes de télévision
Des
récepteurs paraboliques
Planétaires
et chaotiques
Plates
bandes cathodiques
Jardin
suspendu
Au
dessus des roses
Et
des marguerites
Des
chrysanthèmes
Et
des reines-marguerites
Il
y avait au balcon
Les
voisins
Main
dans la main
Le
jour de gloire
Emotion
rigolarde
Contre
nous de la tyrannie
Manquaient
les gros porteurs
Les
transvals
Les
gazelles
Les
frelons féroces soldats
Et
les super-étendards
Sanglant
et levé
Partis
Combattre
un sang impur
Serbe
ou croate
Les
mugissants bataillons
Déjà
là-bas
Musulmans
peut-être
Au
centre des opérations
Aide
humanitaire
Nous
dit-on
Ta
ra ta ta
Ta
ta ta ta
C'est toi Papa
Qui
m'a appris
A
reconnaître Orion
Ou
plutôt non
C'est
à ma grande soeur
Que
tu expliquais
Les
soirs d'été
Sous
les cieux étoilés
La
carte du ciel
Les
planètes
Et les
constellations
Mais
j'écoutais
De
toutes mes oreilles
D'enfant
sauvage
Qu'on
polissait
Garçon
manqué
Mais
pas assez pour lui transmettre
A
lui à elle
L'art
de la gravitation
Et
des chemins de la terre
Le
volume de la sphère
Et
des routes du monde
Pourtant
toujours égale
Si
on sait bien le faire
A
quatre tiers de Pi R Trois
Même
si la langue est en bois
Papa
c'est bien de toi
Que
je connais Orion
Et
dans ma nuit millénaire
Ses
lumières alignées
Parfait
lumignon
Brillent
toujours
Pour
faire le baudrier
Oh
le beau nom
Que
tu prononças un jour
Pour
mon aînée
Mon
aimée
Ta
préférée
La
très belle
Très
soumise
Statue
antique
Marmoréenne
Qui
t'honorait
La
Vénus parfaite
Copie
conforme
Du
canon
Papa
c'est bien de toi
Que
je connais Orion
Et
le mot baudrier
Je
ne l'ai plus jamais
Entendu
prononcé par personne
Par
quiconque
Par
qui que ce soit
Et
cela est
C'est
cela
C'est
Depuis
que je cours la forêt
Désarmée
Sylphide
chasseresse
Quêtant
le cerf
Qui
pleure dit-on
Cerné
Par
la meute policière
Polie
Polissée
Des
canins
Cave canem
Jamais
assez
Méfie-toi
Sauvagesse
Seuls
ils sont lâches
Mais
en nombre ils sont féroces
Ainsi
la loi du monde
Que
j'ai appris
Des
arbres et des fougères
Et
de ma nourrice Diane
Qui
vieillit à la tache
Sans
m'apprendre à manier
Ses
flèches et son arc
Car
dans la vénerie du langage
J'entendais
toujours
Sonner
l'hallali des trophées
Et
la grammaire des grands massacres
Je
pense toujours à toi Papa
Regardant
la voûte étoilée
Sous
laquelle j'ai appris à vivre
Depuis
une ère déjà
Loin
des humains
Dormant
contre le ventre souverain
De
celle qui m'a aimée
Errante
et chaotique
La
biche aux pieds d'argent
Amour je sais bien
Que
tu pourrais
Du
soir
Me
dire la même chose
Mais
comment peux tu vivre
Sans
connaître au matin
Le
hurlement du ragondin
Entre
braiement d'âne
Et
râle d'enfant égorgé
Et
celui à peine plus humain
Du
héron
Glaçant
le sang
Quand
il s'installe en premier
Dans
le méandre
Où
nous gîtons
Pêcheur
d'avant le jour
A
l'attaquant le choix des armes
A
tout seigneur tout honneur
Les
transatlantiques laissés au balcon
Surplombant
vallée et rivière
O
le gaillard d'avant
De
cette croisière d'eau
Et
de pierres
Sans
autre escale
Que
nos anniversaires
Comme
le voyage passe vite amour
Je
te connais
Depuis
trente ans à peine
Et comme
le bastingage est long
Dans
l'obscurité matineuse
Où
on ne voit au bout
Armement
de cuivre
Sur
une mer d'huile
Qu'une
boule brillant
Dans
la lumière de ma voisine
Paulette
Courtines
Ses
lauriers roses
On
les devine
A
travers la rambarde
Dans
les vasques et les pots
Et
les serviettes laissées là
Sur
le fil
Non
pour sécher
Car
elles y restent jour et jour
Et
même les jours de pluie
Mais
pour dire
On
est là
La
sonnerie du passage à niveau
Et
la chenille illuminée
De
la micheline de Béziers
Son
roulement croissant et décroissant
Ferraillement
métallique
Dans
le tournant du lit
De
la rivière
En
ce passage étroit
Où
collapsent
La
voie ferrée
La
route
Et
ce cours d'eau pas très navigable
Sauf
pour les canots
Et
les radeaux
Les
phares jaunes des voitures
Au
flanc du causse là-haut
Eclairant
la route de Saint-Rome
De
Tarn ou de Cernon
Je
ne saurai jamais
Car
qui use de cartes
Perdra
bientôt son chemin
Les
chats étiques
Quêtant
sur la terrasse du riche
Celui
qui vient si peu
Mais
avec tant de monde
Comment
savoir
Si
c'est poussés par la faim
Ou
l'amour
Pas
le froid
C'est
l'été mon amour
Le
bruissement de la rivière
Qu'on
entend en dernier
Et
seulement si on consent
A
vivre
Encore
aujourd'hui
Oui
je le veux
Cérémonie
du matin
La laitance
d'or se déversant
Au
ras du vallon de Soulobres
Et
du Plateau de France
Une
étoile filante filant
Vers
l'horizon
Griffon
Griffant
Le
firmament
Dernière
météorite de la saison
Combien
de temps a-t-on
Pour
faire un voeu
Sais-tu
Combien
de temps dure le temps
Devant
l'éternité
Les
masses grises volant
A
la hauteur de la tête
Et
s'y cognant parfois
Pigeon
vole qui sont-elles
Comment
distinguer dans l'aube noire
Papillon
Oiseau
Chauve-souris
Pas
dragon tout de même
Ni
chimère
Et
pourtant l'animal familier
Lui-même
s'y trompe
Quelquefois
Comment
fais-tu amour
Pour
ne pas connaître au matin
Les
réverbères municipaux s'éteignant
Quand
l'esprit communal
A
décidé qu'il faisait jour
Comment
fais-tu amour
Pour
ne rien connaître du matin
Que
ce sommeil lourd
Et
plein de rêves
Dont
tu ne me dis rien
Quelle
est cette veille étrange
Que
tu prends
Quand
le héron s'envole le soir
Ses
grandes ailes grises et noires
Largement
déployées
Retournant
vers Albi
Où
ils sont trop nombreux
Parait-il
Suivi
bientôt par cet autre
Cette
autre
Si
pareille
Sont-ils
mari et femme
Ces
beaux oiseaux
Et
que la chauve souris s'ébroue à nouveau
Tiens
c'est la nuit
Hors
sa grotte natale
A
quoi pense-t-elle
Souris-oiselle
Se
croit-elle oiseau-demoiselle
Ou
porteuse de mamelles
Et
d'ombrelle
La
belle rongeuse incertaine
Et
qu'est-ce que cet animal familier
Qui
prend le quart lui aussi
A
la même place
Depuis
toutes ces années
A
la proue du navire millénaire
Car
depuis longtemps
Toujours
Ce
lieu là fut habité
Ours
Rhinocéros
Mammouth
Homme
Aurochs
Et
peut-être même
Tigre
des cavernes
Le
concurrent évincé
O
la vigie berçant la nuit
Pour
que rêvent les poètes
Par
la vertu du lieu
Paradis
de pierre
De
trous et de corbeaux
De
rochers et de crapauds
De
serpents aussi
Hélas
Puisqu'en
son arche
Noé
les fit monter
Pour
que ne se brisa pas
La
chaîne
Entre
l'homme et le monde
C'est miraculeux chéri
De
s'ennuyer à ce point là
Mais
il faut bien
Que
vacances se passent
Comprenne
qui pourra
On
va se mettre à la terrasse
On
n'y sera pas mal
Sous
le parasol là
Alléluia
Achète
un hebdo
Ca
nous distraira
Papa
N'importe
lequel
Ce
sont tous les mêmes
A
bon chat bon rat
Ils
ont des tranches napolitaines
Fraise
café praliné
Et
vous Pépé
Qu'est-ce
que vous prenez
Tomate
pistache
C'est
pas mal
Je
n’ai jamais vu ça
Je
ne vais pas me tirer
Une
balle dans la tête
Parce
que les Slaves
En
famille
S'étripent
et se fusillent
Musulmans
compris
Inch
Allah
Surtout
Qu'il
n'y a pas que là
Moi
du moment
Que
j'ai la paix
Et des
glaces en cornet
Quand
la bouf va
Tout
va
Faut
savoir se contenter
De
ce qu'on a
Tonton
Et
pas rêver
De
pêche melba
Quand
on est chocolat
Au Musée d'Espalion
On
voit de drôles de choses
Des
scaphandres autonomes
Et
des battoirs de mariée
Objet
symbolique
Lit-on
dans la vitrine
Prière
de ne pas s'appuyer
Au
Musée d'Espalion
On
voit de drôles de choses
Des
pièges à rats
Des
pièges à loups
Un
coffre à secrets
Une
armure japonaise
Des
poteries anciennes
Des
poteries modernes
Le
peigne qu'Emma Calvé
Porta
dans Carmen
Un
squelette en bois
Sculpté
par un berger
Et
une fameuse collection
De
bénitiers
Amen
Au
Musée d'Espalion
On
trouve de drôles de choses
Des
marmites en cuivre
De
toutes les tailles
De
toutes les formes
Et
pour tous les usages
Des
objets en douille
Oeuvres
d'art de poilus
Désoeuvrés
Dans
les tranchées
La
der des der
A
laissé de drôles de traces
Décoratives
et utilitaires
O
le beau vase
C'est
pratique
Et
pas cher
Tiens
manquent les mouchoirs
Brodées
par les aimées
Eloignées
C'est
la tradition
Attention
Au
Musée d'Espalion
On
trouve de drôles de choses
Deux
ou trois berceaux vides
Dont
l'un à col de cygne
En
bois sombre
Avec
à son cou
La
mention
Ne
pas toucher
C'est l'heure lourde
Où
l'andouillette
Prise
au piège
Attaque
les muqueuses
Des
boyaux
C'est
l'heure lourde
Où
le routier en tee-shirt
Pousse
à fond les manettes
Sous
la pin up
En
nuisette
Fluo
C'est
l'heure lourde
De
la sieste
Où
la vigie s'endort
Trouvant
Qu'après
tout
Rien
ne presse
Après
tout
C'est
l'heure lourde
Où les
mères inquiètes
Prendraient
bien un café
N'importe
où
Pourvu
qu'on s'arrête
Oui
là c'est très bien
Notre-Dame
de l'angoisse
Priez-pour-nous
Maintenant
et au prochain carrefour
Ne
laissez pas nos maris les chauffards
Succomber
à la tentation de tuer
Mais
délivrez-nous des as du volant
Cette
plaie du territoire
Que
vous nous avez donné
Ainsi
sont-ils
Et
vous aussi qui leur ressemblez
C'est
l'heure lourde
Où
les anges préparent les comptes
De
ceux qui viendront
Cogner
au portail
Tiens
en voilà un déjà
O
la couronne blonde
Il a pris deux abricots
Au
foyer de sa belle
Il
a pris deux abricots
Pour
repartir cheminer
Errant
errant
Erratique
Hiératique
pourtant
Dans
sa quête
Hiérarchique
Le
long des rues
Des
ruelles
Des
violes
Des
venelles
Des
routes
Comment
savoir laquelle
Elles
sont toutes les mêmes
Ou
presque
Menant
aux autoroutes
Sans
croisement
Des
chemins
Des
sentiers
Des
sentes
Des
allées
Toutes
pleines
De
toiles d'araignée
Où
est le jardinier
Qui
aménageait la terre
Sans
l'asphalter
O le
bitume me séparant
De
mon fils bien-aimé
Sa
main ne tremble pas
Prenant
à la mesure
Non
de sa faim
Immense
Mais
de la nécessité
Exacte
D'avoir
moins
Quand
le monde se détruit
Du
trop plus
Toujours
plus
Trois
fois trop
Encore
un peu
On
ne sait jamais
Il
a pris deux abricots
Dans
la coupe de sa belle
La
vasque argentée
Sur
la nappe de dentelle
Il
en reste dans les vergers
Les
offices
Les
cuisines
Les
arrière-cuisines
Les
dressoirs
Et
en réserve dans les confituriers
A
l'abri sur les clayettes des caves
Et
dans les entrepôts
En
carton
En
cageot
En
caisse
En
container peut-être
Il
en reste tant des fruits d'or
Plein
les bras de la terre
Les
seins d'or
De
Pleurant
au départ
Hors
du sol
De
l'homme hors-sol
Ce
fils bien-aimé
Où
est-il
Se
souvient-il qu'au jardin d'Eden
Dans
la plaine
Nous
n'avions ni coupe
Ni
nappe
Ni
dentelle
Merci ami
Pour
ce petit bonheur
Bonheur
la chance
Bonheur
le sens
Pour
ce hêtre impavide
Dans
le raidillon plein d'épines
Et
d'aiguilles
Là
où tombe les humains
Et surtout
les humaines
Lascives
et grasses
Quand
glissent leurs semelles
Sur
les branches
Dans
la pente
Qui
penche
Paf
on est par terre
Non
on se rattrape
A
la main tendue
Secourable
Secourue
On
apprend un mot
Chazal
Au
pays de mon homme
Ca
se dit clapas
On chante
des chansons
Seulement
quand c'est plat
Mais
quand ça monte
Et
que le souffle manque
On
pense au souffle du monde
Dont
on n'est pas séparé
Et
le pied peut rêver
A
la grenouille épargnée
Celle
qui a sauté
De
côté
Comme
on était dans le pré
Tiens
là-bas ce sont les ruines
De
la voie de chemin de fer
Qui
menait d'ici à là-bas
C'est au carrefour
Qu'il
est entré dans l'au-delà
Sur
son cheval de fer
Sa
vie en bandoulière
Bardé
de ses vingt ans
Et
coiffé comme son père
Au
même âge
De
la couronne blonde
Héritée
des ancêtres
Les
mancêtres surtout
Aïeules
du Nord
Et
de l'Est
Par-ci
par-là
Remonte
sa parentèle
Et
la mienne
La
nôtre
La
presque même
A
sa mère près
C'est
au carrefour
Que
la faucheuse est venue
Dans
son carrosse métallique
Oriflamme
de chrome et d'acier
Portant
gravé
La
devise du moi-tout-seul
Guerre
planétaire
De
chacun contre tous
La
voie pour moi seul
La
terre pour moi seul
La
vie pour moi seul
Ainsi
la logique de la matière humaine
Quêtant
l'humanité
O
l'homme-machine
O l'intelligence
séparée d'elle-même
O
la mutation de l'espèce
S'abandonnant
elle-même
S'abandonnant
A
elle-même
C'est
au carrefour
Qu'il
est entré dans l'au-delà
Petit
déjà il traversait les carreaux
Et
sa chair volait en éclats
Pour
cogner
Oiseau
prisonnier
Aux
fenêtres ouvertes du ciel
Et
les passants
Le
trouvaient dur de dur
Ce
dur
Ce
funambule
Cet
équilibriste
Ce
cascadeur
Ce
jongleur de hasard
Ce
montreur de lui-même
Cet
histrion
Ce
cracheur de flammes en tous lieux
Ce
chevalier errant
Héritier
des gênes erratiques
De
nos ancêtres
Mancêtres
surtout
Ces
hiératiques aïeules
Errantes
bisaïeules
Trisaïeules
bientôt
Comme
le temps passe
Qui
à travers le continent
Ce
finistère asiatique
L'extrême
pointe de la grande forêt
Ne
purent renoncer
A
l'attraction céleste
Suis montée au belvédère
Voir
le Mont-Blanc
Suis
tombée sur le relais
Poteau
rouge
Grillage
Ronces
artificielles
Attention
Télévision
Danger
Propriété
privée
Défense
d'entrer
Suis
montée au belvédère
Voir
le Mont-Blanc
Ne
l'ai pas vu
Et c'est
tant mieux
Il
y a des choses
Qui
doivent rester cachées
Les
sommets les plus hauts
Les
fosses les plus profondes
Le
liant humain
De
la ligature humaine
Le
lien
Les
mille noms de la Grande-Toute
Dans les villages de France
Dorment
des thermes gallo-romains
Connus
des archéologues et des enfants
Des
amoureux placides
Généreux
amateurs
Ont
Des
dimanches entiers
Remonté
pierre à pierre
Les
murs écroulés
Comblant
au mortier
Le
passage des siècles écoulés
Tuiles
romaines
Oeuvre
d'art
Production
esthétique
Des
industries antiques
Les
canalisations reconstituées
S'arrêtent
soigneusement
A
la limite du champ de foire
Et
l'eau fictive s'écoule incognito
Sous
le sol vert plastique d'un tennis
Flambant
neuf
Devant
les piscines
Précisément
délimitées
Le pèlerin
maudit
Cherche
dans sa mémoire
Les
mots disparus
Les
noms étranges
Qui
n'ont jamais servi
Et
deviennent tout à coup
La
pure nécessité
A
cause de cet enfant solitaire
Sur
le banc d'un tennis
Le
pèlerin libertaire
Cherche
dans sa mémoire
Les
signes de sa filiation
La
catapulte
Pour
lancer les boulets
Les
béliers
Pour
enfoncer les portes
Et
les boucliers
Pour
former la tortue légionnaire
Non
ce n'est pas un atrium
Il
n'y a ni villa
Ni
dominus ni doma
Ni
lady romana
Portant
voile sur la tête
Vestale
antique
Et
domestique
Ce
ne sont pas des arènes
Sang
et sable
Clameur
et poussière
Mirmillon
au glaive
Ou
rétiaire au filet
Aucun
gladiateur ne gît dans la poussière
Epée
contre trident
Implorant
la loge impériale
De
lever le pouce
Pour
qu'en réchappe
Et l'homme
et la nature
J'espère
en toi César des Césars
L'arbitre
de tous les maux de la terre
Je
ne crois pas en toi
Fils
désincarné d'une mère immaculée
Qui tollis peccata mundi
Car
la conscience
N'est
pas encore advenue
Ou
bien est déjà repartie
Etincelle
divine
Illuminant
un moment
La
matière en mouvement
Il
n'y a pas de gradins
A
l'entour
Ni
de toges candides
Ni
de candidats
Ni
de sandales
Ni
de fibules
Ni
de boucles de ceinture
Ouverte
ou fermée
Voyez-vous
là-bas
De
l'autre côté
Près
du montant de pierre
En
haut à droite
La
bien-aimée
Qui
tourne la tête
Et
appelle
Quand
seras-tu à moi
Bientôt
et jamais
J'aime
trop ma mère
Cette
face lumineuse
Tournée
vers mon visage
Pour
qu'aucune autre
A
tout jamais
Ne
puisse prendre sa place
Ce
n'est pas non plus un péristyle
Il
n'y a pas de gymnasium
Ni
de rhéteurs
Ni
de consuls
Ni
de sénateurs
Ni
d'édiles
Ni
de res publica
Ce
n'est pas un stade
Ni
un cirque même minime
Car
comment les chars et les chevaux
Pourraient-ils
tourner là
En bordure
du tennis
Où
l'enfant seul attend
Guette
ou rêve
Un
poète en herbe peut-être
Sait-on
jamais
Ils
sont souvent déjà
Des
enfants solitaires
Exclus
des jeux communs
Pas
faute pourtant
De
vouloir s'y mêler
Mais
ne sachant comment cacher
La
mémoire du ventre maternel
Ce
n'est ni un cirque ni un stade
Ni
un temple ni un aqueduc
Ni
une voie royale et triomphale
Bordée
de sarcophages
Bas
reliefs
Hauts
reliefs
Couronnes
de lauriers
Et
cortège de palme
Encensant
les exploits
De
tous les morts de la terre
Je te
salue Hercule des hercules
Qui
pris sur toi
L'infinition
du monde
Et
tenta d'accomplir
Ce
que Notre Mère la Nature
Seule
n'avait pu
Se
dominer elle-même
Hors
du chaos primordial
Ce
n'est ni un cirque ni un stade
Ni
un temple
Ni
un aqueduc
Ni
une voie triomphale ou royale
Des
bains douches pas davantage
Et
encore les fondations
Bien
proprement refaites
Et
nivelées
Le
voyageur recherche dans sa mémoire
Cherche
cherche
Comme
elles sont loin maintenant
Ses
humanités
Res reis rerum
Puella puellae
Amour
amor amavi
Non
ça ne doit pas être cela
Mais
tout s'emmêle ce jour-là
Jours
de colère que ce jour là
Entre
tennis et peuplier
Et
l'enfant candide rêve seul
Entre
vent et hirondelles
Rouge-queue
peut-être
Frigidarium
remonte
Tiens
ça doit être cela
Mais
oui
C'est
cela même
Frigidarium
Et
pour l'eau chaude
L'étuve
Le
bain de vapeur
C'était
comment déjà
Cali
Cali
quoi
Caligaï
Caligula
Calidarium
Caldarium
C'est
comme la bicyclette
Le
ski
Ou
le patin à roulettes
Le
latin ça ne s'oublie pas
Entre
champ de foire et tennis
Mais
oui c'est bien cela
Un
peuplier pousse
Dans
les douches de nos ancêtres
Et
l'enfant solitaire
Voyant
venir son partenaire
Kaway
réglementaire
Et
balles fluo
Comme
ça on ne risque pas de les perdre
Se
demande
Quelle
mouche a piqué
La municipalité
D'exhiber
sous le ciel
Ces
antiques commodités
Quand ils voient un humain
Ils
sont décontenancés
Si
vous leur souriez
Ils
ont peur
Vous
allez les voler
Si
vous leur parlez
C'est
pire
Quoi
donc
Il
y aurait quelque chose à dire
Quand
ils voient un humain
Maintenant
Ils
sont désemparés
Ne
leur tendez pas la main
Ils
pourraient vous la couper
Ah
la sécurité
A l'heure de la sieste
J'ai
fait un somme
Sous
le sorbier
Sur
la couverture à carreaux
Tricotée
laine à laine
A
l'ouvroir
Par
d'anonymes grands mères
Entêtement
séculaire
Entre
les murets de pierre
Blocs
mousseux et ronds
Entassés
Au
bord de chaque champ
Pour
étalonner la terre
Dessous
le firmament
A
l'heure de la sieste
J'ai
fait un somme
Sous
le sorbier
Dans
le frôlement des abeilles
Et
le chant du grillon
Choc
métallique
Des
deux boules de pétanque
Prophylaxie
pathétique
Pointer
ou tirer
Questionnement
ontologique
Odeurs
sucrées des fraises sauvages
Qu'il
ne faut plus manger
Dit
l'affiche du Syndicat d'Initiative
Parait-il
A
cause de la bave des renardeaux
Porteurs
d'ecchynochose
A
l'heure de la sieste
J'ai
dormi dans le vallon
Contre
le corps de Ma Mère la Terre
Sous
la face impassible
Du
rapace qui l'a fécondée
Pour
m'engendrer à mon tour
Soeur
des torrents et des fougères
Mémoire
commune de notre ancêtre éternel
Le
condor
Amant
de
La
chaotique souveraine
Je
suis de cette coulée humaine
Venue
de la forêt profonde
Egarée
dans cette péninsule lointaine
Du
continent
Dont
je n'ai pu être séparée
Car
le couteau du sacrifice
Tout
occupé à cacher le sang
Ne
fut jamais assez pur ni coupant
Et
la lame toujours s'est brisée
Aussi
suis-je restée matière humaine
Sans
jamais entrer dans l'humanité
Elle
continue sans moi
Le
dommage est léger
A
l'heure de la sieste
J'ai
fait un somme
Sous
le sorbier
C'était
peut-être un frêne
Un
acacia qui sait
Dans
le chemin herbeux
Où
désormais
Personne
ne passe
Et
cette jachère là les terrifie
Notre-Dame-des-friches
Donnez-nous
aujourd'hui
Notre
mémoire quotidienne
Ordinaire
Qu'autrefois
En
ce lieu
Sur
ces montagnes
Ces
collines
Ces
prés
Ces
prairies
Les
surfaces végétales
Etaient
entièrement cultivées
Mais
quand le jour commença
Elles
ne l'étaient point
Et
quand les hommes auront disparu
Elles
continueront encore
Gardant
à peine
La trace
de leur passage
A
l'heure de la sieste
J'ai
fait un somme
Sous
le frêne sous le sorbier
Et
me suis réveillée
Au
ronronnement d'un engin
Qui
fouillait le corps de la montagne
Pour
qu'apparaissent sous le ciel
Des
entrailles de ma mère
Les
noires et vitreuses connexions
* *
*
Dans
ma gorge
Il
y a ta voix
Et
dans le ciel
Des
oiseaux
A
voix de crécelle
Le
toit bleu de l'hôtel
Jure
avec tout le reste
Vert
verdure verdoiement
A
mille lieux à la ronde
On
ne voit que cela
Au
premier plan du décor
Monumentale
sur son socle
Une
sculpture
Une
statue
Un
édifice
Un
bâtiment
Un
transformateur jaune
Couleur
de chien errant
Sur
la terrasse parking
Des
voitures
Des
sièges plastiques
Et
du goudron
Du
troisième type
Celui
qu'on met maintenant partout
Pour
boucher les trous du béton
Sur
les routes de campagne
Les
pistes cyclables
Les
espaces citadins
Et
les jardins pour roulettes
De
Charybde en perpète
Il
y a des fleurs
Alignées
dans des pots
Faux
troncs d'arbres évidés
Et
vraies abeilles
Qu'on
n'a pas pu repousser
Sur
un pare-brise
Un
papillon noir et or
Sur
le modèle d'autrefois
Le
monde autrefois tout autrement aujourd'hui
Sur
la terrasse du parquement
Pédalant
en tous sens
Des
enfants à vélo
Des
jouvencelles à boutons
Des
mémères à journaux
Une
grand-mère modern-style
Pilotant
un anorexique
Une
actrice un peu myope
Désemparée
sans public
Un
rêveur isolé
Cherchant
à lier
Connaissance
Un
livre abandonné
Qui
s'ennuie à mourir
* *
*
Tournez
le cou
Levez
les bras
Comme
ceci
Comme
cela
Gymnastique
matinale
Marionnette
médicale
Sur
le parking
Le
soleil cogne
Ca
sent le goudron
Aux
fenêtres
Des
spectateurs
Pas
voyeurs
Il
n'y a rien à voir
Il
n'y a pas de corps
Rien
que de la chair mécanique
Bientôt
on la fera en plastique
Quel
progrès
Tournez
le cou
Levez
les bras
Comme
ceci
Comme
cela
Au
petit trot
Sur
le goudron
De
ce côté
On
y va
Parcours
santé
Dans
les remblais
De
la montagne
Pas
chassés
Dans
la côte
Pas
les prés
Faut
pas rêver
Attention
la rosée
La
terre est sale
Faut
pas toucher
Trois
petits pas
Un
petit saut
Deux
sautillés
Accroupi
Sur
les talons
A
reculons
Au
loin un charme
L'espoir
me prend
Un
merisier
Vrai
cerisier
Non
c'est pure perte
En
petite foulée
Dans
les décombres
Mon
espoir rêve
Et
se réveille
Sur
le goudron
Un dimanche d'orage amour
Nous
avons voyagé éperdus
Fuyant
les jours
Venant
à contre-jour
Chaque
heure qui passaient
Verrouillaient
l'horizon
Et
dans le brasier du siècle
Le
continent flambait
Emportant
les frontières
Celle
de l'océan
Restant
la plus familière
Comme
adossée au temps
D'une
mémoire aquatique
Un
dimanche d'orage amour
Fuyant
en tous sens
Dans
la campagne nôtre
La
tienne de tes ancêtres
La
mienne de notre hymen
Nous
avons traversé
De
biens sombres montagnes
Sous
des flots de grêlons
Givrant
et embuant
Les
fenêtres une à une
Jusqu'à
ne plus rien voir
De
cette obscurité blanche
Pas
plus inquiétante
Que
les fils barbelés
S'étendant
L'automobile
était rouge
Comme
un ultime drapeau
Et
les torrents nouveaux
Coulaient
toujours
Vers
la plus grande pente
Un
dimanche d'orage amour
Nous
avons parcouru
Dans
les vertes campagnes
Des
routes bordées de frênes
Et
de hauts châtaigniers
Qui
plus vieux que nous
Ployaient
bien plus que nous
Sous
ces heures plombées
Nous
traversâmes alors
Une
coulée basaltique
Solidification
millénaire
Millionnaire
même
Parait-il
En
chaussée géante
Dressée
pour des géants
Désemparés
Désormais
Car
à quoi bon descendre dans la plaine
S'il
n'y a plus dans les villages
Ni
elfes ni chimères
Ni
trolls ni griffons
Ni
fées ni démons
Un
dimanche d'orage amour
Nous
avons navigué par gros temps
A
contre-temps
A
contre-vent
A
contre-jour
Fuyant
l'horizon criblé de grêle
Et
de nouvelles
Un
continent brûlait
En
nous et hors de nous
Nous
n'avions ni malles
Ni
bagages
Partis
sans songer
Ni
projeter
Ni
étudier
Ni
décider
Ni
programmer
Ni
piloter
Encore
moins débattre
Ni
du lieu ni de la cause
De
cette vaine promenade
Où
sous les cieux
D'heure
en noir
Plus
heures et démontées
Nous
tentions encore de protéger
De
nos mains
Notre
amour en morceaux
Plein
de tendons nacrés
Liens
sacrés
Dépecés
Sur
l'étal du boucher
Notre
amour
Buté
et bétonné
Néolithique
et animal
A
peine présentable
Dessous
les cieux d'airain
En
un lieu de la terre
Où
l'homme et la femme
Ogre
et sorcière
Ne
pouvaient plus
Faute
d'espace
Se
rencontrer
Un
dimanche d'orage amour
Garés
au plus haut point
De
la campagne
Sous
un déluge
De
grêle et de grêlons
Nous
avons craint
Dans
la tourmente blême
Le
passage des incubes
Et
des hydres
Des
diables et des succubes
Et
des serpents monstrueux
Qu'on
nous avait promis
Si
nous n'étions pas sages
Et
nous ne l'étions pas
Amour
A
battre ainsi la campagne
Sans
aveu ni chemin
Nous
avons découvert alors
Un
ancien prieuré
Coi
et abandonné
Une
chapelle presque vide
Portail
ouvert à deux battants
Que
l'autan agitait
Se
cognant aux montants
Et
dans ce lieu d'oiseau
Très
au dessus
De
la mêlée de ce dimanche d'Août
Plus
que pluvieux
Plein
d'Histoire et d'alarme
La
bête en nous avait pris les commandes
Et
voulait fuir sans savoir où
Nous
vîmes un autel bleu
Bleu
roi
Bleu
pastel
Bleu
céleste
Vétuste
et délaissé
Que
nul brocanteur n'avait voulu acheter
Trop
encombrant sans doute
Et
invendable
Pas
rentable en un mot
Inquiétant
même
Avec
ses anges déconcertés
Soufflant
à tort et à travers
Dans
des trompettes en plâtre
Qu'on
aurait pu redorer peut-être
Avec
tact et patience
Mais
à quoi bon
Nul
ne venait plus en ce lieu
Faire
ses dévotions
Hors
le vent
Et
encore
Les
jours de très grand vent
On
entend l'océan le vent les vagues
Les
rochers et l'écume
Et
l'appel pressant empressé
Des
goélands
Blancs
et lents
Mais
son visage à lui recule
Et
se fige lentement
Prenant
cet air menaçant
Qu'ont
parfois dans les ports
Les
hommes
Les
marlous
S'expliquant
On
entend les grilles et les grues
Les
darses et les garces
Et
les mouettes féroces
Piaillant
sur les barcasses
Quand
elle ouvre les bras
L'invitant
ailes contre plumes
Oiseau
A
se connaître en elle
Oiseau
oiselle
Moitiés
célestes
De
la terre tellurique
Terrienne
et terrestre
On
entend des mots des verbes
Des
poèmes
Des
pépiements
Des
appels
Des
chants d'amour
Et
de doux roucoulements
Mais
son visage à lui recule
Et
se fige lentement
Prenant
cet air maudit
Qu'ont
parfois dans les bouges
Les
amants
Les
marlous
Les
marles
Les
merles
Ces
oiseaux noirs
Siffleurs
et charmeurs
Ces
oiseaux noirs
Les
beaux parleurs
Rouen
Ma
ville aimante
Ma
ville aimée
Mon
espace
Mon
lieu-dit
Ma
terre
Mon
amie
Ma
prise
Mon
emprise
Mon
habitat
Mon
habitacle
Ma
réserve
Ma
coquille
Ma
demeure
Parce
qu'un temps
Là
Dans
un espace
Dégagé
J'ai
bercé
Une
enfante
Dans l'église de Nozeroy
La
sacristie
Le
Trésor
Est
fermé
A
double tour
Double
clé
Double
porte
Double
battant
Double
serrure
Encore
un tour encore
Pour
plus de sécurité
Il
y a deux anges
Qu'on
a mis là
A
cause du vol
M'a-t-on
dit
On
a raison
Ils
n'ont pas les ailes
Qu'on
leur sculpte d'habitude
Pour
les séparer des vivants
Et
les jeter corps errants
Dans
le royaume des séraphins
O
les voix enchanteresses
Bouleversement
A
tout jamais
Dans
l'église de Nozeroy
Les
anges n'ont pas d'ailes
Mais
des vêtements
Des
robes
Des
surplis
Des
surtouts
Mis
en mouvement
Semble-t-il
Par
le vent
Ils
ont les bras ouverts
Devant
eux
Un
peu tendus
Comme
les aveugles
Qui
a tâtons
Déchiffrent
le monde
Sans
le heurter
Voyants
précautionneux
Et
sur le visage
Le
nom ineffable
Le
regard extasié
Visionnaire
halluciné
Craintif
incrédule
Emerveillé
qu'ont celles
Qui
ne peuvent oublier
La
matrice maternelle
Et
les fait
Remettre
les rebelles
Aux
inquisiteurs
Et
aux savants
Je ne tenais pas
particulièrement
A
parler français
J'aurais
aussi bien pu
Parlé
chtimi
Argot
Ou
Piémontais
Comme
tous les miens
Mais
on m'a dit
Il
faut parler français
Sinon
Sino
Sinein
Siniet
Sinada
Et
j'ai parlé français
A
mon corps défendu
Alors
si maintenant
Si
le traité d'u
nion
Si
le traité
Qui
nous unit
Unitement
Unimement
Unanimement
A
décidé
Que
le français
Comme
le chtimi
L'argot
Et
le javanais
Alors
alors
Ce
n'est pas
Que
je tenais particulièrement
A
parler français
J'aurais
même pu
J'aurais
même dû
Alors
Ce
n'est pas
Que
je tenais particulièrement
A
parler français
Mais
ils ont voulu
Et
il a bien fallu
Alors
alors alors
O
ma vie défendue
Dû
Du
Dur
Durer
Perdurer
Péristyle
Périscope
Perspicace
Permanganate
Perpétuel
Prodromes
Les
mots traversent mon crâne
Au
hasard du chaos
Des
méninges qui se disloquent
Oiseaux
perdus
Non
migrateurs
Cherchant
un nid
Et
un pays
Péristyle
Périscope
Perspicace
Permanganate
Perpétuel
Péridurale
Prodromes
D'où
vient qu'immarcescible
Y vole
aussi
Comme
un grand condor blanc
Continuité
légendaire
Suave
royauté
D'un
monde polaire
Aujourd'hui
à Jérusalem
Et
demain en terre étrangère
Pogromes
Prodromes
Péridurale
Permanganate
Perspicace
Immarcescible
Le
corps soigné et vitrifié
Le sein
altier et glaciaire
De
Perpétuel
Perdurer
Durer
Dure
Dur
Du
J'erre un peu
Du
côté de chez vous
Pas
assez pour vous rencontrer
Mais
trop pour l'éviter
Dans
cette faille
Entre
l'être et l'étant
Gît
le nom
Que
vous m'avez dénié
Si les chevals passaient par
là
Dit
l'enfant
Ca
seraient les chevaux
Ne
corrige pas son parent
Trop
occupé
A
lui tenir la main
Dessus
le pont-levis branlant
De
l'Histoire
La
chaîne grince
Mais
il n'y a pas de rouille
Ni
de pierres
Tombant
dans les fossés
Dessinés
Et
creusés
Je
te salue Vauban
Le
créateur de la chaîne
Protectrice
des frontières
Toujours
mouvantes
Toujours
errantes
Porte
cochère monumentale
Du
Fort de Joux
D'une
enceinte à l'autre
La
royale majesté
Du
Fort Royal
Ici
le Roi Soleil posa sa marque
Ici
le Roi-Soleil
Conquit
la Franche-Comté
Si
les chevals passaient par là
Dit
l'enfant
Ca
seraient les chevaux
Ne
corrige pas son parent
Trop
occupé à circuler
Dans
le musée
Des
armes anciennes
Voyez-vous
là les beaux pistolets
Des
gens d'armes
Fidèles
féaux royaux
En
nacre et bois vernis
Les
uniformes des cuirassés
Des
gardes municipaux
Et
de toutes les armées
En
armes
En
ordre de marche
Et
de bataille
Les
fusils Chassepot
Et
les fusils Lebel
Le
masque mortuaire de Napoléon
Une
copie
Le
coffre-fort de campagne
De
l'armée Bourbaki
N'y
touchez pas
S'il
vous plait
Là
Messieurs-Dames voyez-vous
Liberté
Egalité
C'est
le Brevet de Général de Division
Vigilance
Constitution
Délivré
par Le Directoire
Signé
du Ministre de la Guerre
Le
30 Thermidor An
Soit
Dans
le calendrier courant
Zèle
Entière
confiance
Et
coetera
Si
les chevals passaient par là
Dit
l'enfant
Ca
seraient les chevaux
Ne
corrige pas son parent
Trop
occupé à suivre le groupe
Déjà
loin
Des
Messieurs-Dames
Maintenant
nous allons voir les prisons
La
première
D'Honoré
Riquetti
Que
son père
Dis
donc pour une cellule c'est pas si mal
Fit
condamner
J'm'en
contenterais bien
Vie
dissolue
T'as
vu le plafond
Lettre
de cachet
Mais
voyez-vous Messieurs-Dames
Honoré
Gabriel Riquetti
Comte
de Mirabeau
Avait
alors 24 ans
Et
obtint
Grâce
à son éloquence
Par
la volonté des corps vivants
Ne
renoncerons
Que
les pieds devant
Le
droit de chasser
Et
d'habiter
A Pontarlier
O le pardon paternel
Et
le destin national
Plus
malheureux fut Toussaint Louverture
Qui
prit au mot la Révolution
Liberté
Egalité
Et
crut en sa vaillance
Son
zèle
Sa
vigilance
Sa
constitution
Son
brevet de Général de division
Signé
du Ministre de la Guerre
Et
proclama
Libre
et égale
La
perle sucrière du malheur
Sa
matrice insulaire
Voyez-vous
Messieurs-Dames
Il
finit ses jours là
Devant
l'âtre
Dans
cette cellule
Où
il périt d'ennui
De profundis clamavi
Qu'il
ressuscite
Ce
grand naïf
Au
jour du Socialisme
Si
les chevals passaient par là
Dit
l'enfant
Ca
seraient les chevaux
Ne
corrige pas son parent
Trop
occupé à se cacher
Que
la République
N'est
pas égale pour tous
Ni
la vie
Libre
et belle
Pour
Berthe de Joux
La
châtelaine
Qui
lasse d'attendre
A
la croisée
Le
retour de la croisade
Du
croisé son beau mari
En
aima un autre
Tout
aussi beau
Je
te salue corps masculin
A
la chemise blanche
Là
où tu es
Ma
limaille s'oriente
Toujours
toujours
Tu
es mon pôle aimant
Nous
coulons vers toi
Révolution
des révolutions
Toujours
recommencées
L'attraction
terrestre des corps
Parfaitement
énamourées
Quand
son seigneur revint
Etendard
et blason
De
la croisade
Le
beau croisé
Voyez-vous
Messieurs-Dames
La
devise sur la cheminée
Elle
est presque effacée
Il
les surprit enlacés
Qu'ils
vivent éternellement
Les
amants aimantés
Les
condamna le Sieur de Joux
Les
beaux amants
Et
ran tan plan
Délacés
L'un
à la mort
Adieu
amour
Et
l'autre à l'emmurement
Adieu
la vie
Je
t'aimerai toujours
Essentiellement
Et
ran tan plan
Il
le fit enfermé là
Ce
corps vivant
Qui
toujours toujours
Coulait
vers l'autrement
Et
elle vécut ainsi douze ans
La
belle châtelaine
Semper
dolorosa
Dans
ce cachot là
La
belle digue dondaine
Trop
impatiente
Oh
la la
Qu'on
la sorte de là
Traderi
la la la
Tous
les jours
Avait
dit son cruel époux
Et
qu'on lui fasse regarder
La
montagne
Et
là-haut en haut
Là
haut sur la montagne
Le
corps pendu
De
son amant
Proie
des corbeaux
Je
t'ai perdu
Mais
pas vraiment
Je
t'aimerai éternellement
Tan
pa ta plan
Je
me souviens de vous
Trouvères
et troubadours
Beaux
jeunes gens
Des
cours d'amour
Des
violes et des cithares
Beaux
jeunes gens
Des
toujours toujours
Car
la jeunesse c'est cela
Contant
joies et peines
Dans
les chansons de gestes
Et
dans les dits d'amour
Du
soldat qui revint de guerre
Et de
la femme de Malborough
Qui
avait tant de peine
Mironton
mironton
Mirontaine
Des
oriflammes
Des
jongleurs
Des
nains
Des
monstres
Et
des montreurs d'ours
Des
vassaux sur leurs palefrois
O
les chevaux à la parade
Et
des chevaliers
Sur
leurs grands destriers
Je
me souviens des chevaux de combat
Et
de tous ces fiers cavaliers
Qui
passèrent par là
Sur
les planches tremblantes
Du
pont-levis de l'Histoire
Et
de cette voix naïve d'enfant
Cette
voix d'infante
O
la descendante
De
tous les drames de la terre
De
la mémoire entière de ses mères
La
Franche-Comté et la Touraine
L'Ile
de France
Le
Vexin et le Valois
La
Picardie et le Poitou
Et
de toutes ces provinces
Dont
on n'est plus tout à fait sûr
La Normandie
de
O
Le
Béarn et la Bretagne
Où
s'en va Anne en sabo-o-ot
A
qui sont donc toutes ces marches
Que
ne contrôle plus
Le
sire trop grand
Le
Languedoc et la Provence
Ces
pays tout à fait autres
Et
le Rouergue
Où
sous le pont de Mirabelle
Catherina
laubabo-o-o
Sul
ponto de Mirabella
Catherina-a-a-a-a-a
Et
la toute dernière
La
plus précaire le Piémont
Fournisseur
de rois
Pour
l'Italie et la Savoie
Je
te salue contrée hospitalière
Où
le malheur trouva protecti-ion
D'un
peuple libre
Arborant
la bannière
Je
viens fêter
O
ma parentèle de-ci de-là
Que
j'ai quêté
Interrogeant
vouivres et lézards
Chevaux
ailés et chimères graves
Portant
mon costume gris
Et
mes chaussures de marche
Je
n'ai trouvé que paysannes
Et
blancs maçons
Servantes
blêmes
Et
fiers charrons
Si
les chevals passaient par là
Viens
fillette
Je
te conterai
Le
drame antique de la cavale
Qui
les chevaux fous
Trop
aima
Il est comme une marionnette
Sicilienne
Quand
il bouge
Les
tôles de son armure
Grincent
l'une contre l'autre
Ses
longs doigts
Sont
reliés au Ministre
Par
des fils
Qui
montent jusqu'au Maître
Il
tourne aux impulsions
Sans
affection
Ni
affectation
On
le croirait inoffensif
Si
on ne le croisait
De
plus en plus souvent
Au fil
du temps
Il
est comme une marionnette
Sicilienne
Les
tôles de son costume
Grincent
l'une contre l'autre
Ses
longs doigts
Caressent
des listes
Où
sont inscrits des nombres
Sans
ordre
Ni
désordre apparent
On
croirait le geste inintelligible
Si
on ne le savait possible
Elle avait le visage ouvert
et pesant
Des
femmes du Levant
La
bouche épaisse
Etalant
Rouge
sur rouge
Un
rouge proliférant
Pour
que nul n'ignore
De
sa chair toutes les carnations
Elle
avait la chevelure
Abondante
et noire
Assortie
à son teint
Mais
terne et graisseuse
Collée
à son crâne
Par
de petites barrettes
Sans
attrait
On
voyait à cela sa tristesse
Non
l'abandon
Car
le corps n'y consentait pas
Lourd
et gras
Il
était impérial
Allant
et venant
Vaguement
inquiet
Sous
l'abri d'autobus
J'esquissai
un sourire
Elle
n'y répondit pas
Ne
voyant venir aucune voiture
Qui
fut sienne
Moi
j'étais dans la mienne
Ce
n'était pas le nôtre
Et
cette fois là
Cela
seul comptait
Elle
tenait à la main
Une
enveloppe de kraft
Avec
une adresse sombre
Je
ne regardai pas
Pour
tenir en moi
La
bête en lisière
De
l'autre
Mais
plus fort que ma loi
Fut
mon désir de savoir
Si
je savais juste
S'étalait
bien sur l'enveloppe
Un
nom qui ressemblait à son visage
Et
en capitales d'écriture
Une
capitale passée de mode
Beyrouth
Mon amour voyage en voiture
blindée
Et
me téléphone des continents
Des
numéros à n chiffres
N
fois différents
La
faille s'élargit
Le
monde se disloque
Et
l'horreur baille entre les époques
Mon
amour voyage en voiture blindée
Et
me téléphone des continents
Des
airs conditionnés
Et
des salles de bains sanitaires
Toutes
pareilles
Au
séchoir près
Et
à peine
Des
allées et venues
Et
des allées encore
Des
croisements
Des
carrefours
Des
allées de croisement
Des
venues aux carrefours
Et
partout
Dans
la main des hommes
De
sombres mitraillettes
Mon
amour voyage en voiture blindée
Et
me téléphone des continents
Des
journées très remplies
Payées
en jour de travail
Sans
jours fériés
Ni
congés
Mercenaire
arpenteur
Mesurant
Relèvant
Listant
Rapportant
Fonctionnaire
de Notre Mère la Terre
Officiant
Religieusement
Nommant
le nommable
Ignorant
l'innommable
Innommant
l'innommé
In nomine patris
Et
tant va la cruche à l'eau
Qu'à
la fin elle se casse
Mon
amour voyage en voiture blindée
Et me
téléphone des continents
Des
propos ordinaires
D'observatoires
et de massacres
De
réformes et de statistiques
De
cadastre et de plan synclinal
Expert
expert
Chercheur
cherchant
Rêveur
enchanté
Nul
n'entre ici
S'il
n'est géomètre
De profundis clamavi
Je
crie vers toi
Alléluia
Mon
amour voyage en voiture blindée
Et
me téléphone des continents
De
baisers éloignés
Plus
ou moins prolongés
Selon
le coût de l'unité
Et
des propos rassurants
Mais
non mais non
Ne
t'inquiète pas
Je
loge au Centre Ville
Sois
tranquille
A
bientôt
Tu
verras
Et
coetera
Le gardien du Parc Monceau
Est
tout joice
De
me voir
O la joie
Arriver
A vélo
Non Madame descendez
Il
ne faut pas rouler
Dans
les allées
Mêmes
bitumées
Le
jardin est réservé
Aux
princesses
Et
gonzesses
Convalescents
Et
bonnes d'enfants
Aux
niards
Et
aux vieillards
Riches
Et
pas chiches
Et
en fermant les yeux
Aux
amoureux
A
la rigueur aux amants
Esthétisants
Mais
pas aux quadragénaires
Vélocipédaires
Fussent-elles
aiglesses
Chez
Jupiter
Le gardien
du Parc Monceau
A
un beau képi
Et
un sifflet
En
acier chromé
Il
est heureux comme un dieu
Au
milieu
De
son petit monde
A
la prochaine création
J'aurai
cerceau
Et
ballon
J'ai cherché au fond de moi
Assez
de haine
Pour
former un rejet
Je
n'ai rien pu trouver
Z'avaient
le dos voûté
Et
le regard en berne
J'ai
cherché au fond de moi
Assez
de haine
Pour
forger un refus
N'y
suis pas parvenue
Parlaient
langue nouvelle
Que
je ne comprenais plus
Mis à pied les matons
Mis
à mal les instits
Mis
à mort les
Manque
là
Le
nom de la chose
Dont
on a entrepris
De
se débarrasser
Par
petits paquets
Sans
perdre de temps
Rationnellement
Sans
autre plan d'ensemble
Que
vider la maison
Parce
qu'on l'a vendue
A
un acquéreur délicat
Qui
n'aimerait pas
La
trouver encombrée
O
MA MATRIE désaffectée
Serrées les unes contre les
autres
Elles
sont comme un troupeau d'oies
Affolées
Allongeant
le cou
Piaillant
Accélérant
Hydre
multiple et désemparée
Bombant
le jabot
En
s'écartant
Prudemment
Sur
le côté
Parce
qu'on entend enfler
Une
rumeur
Le
vrombissement étrange
D'un
char à banc dynamisé
D'une
carriole motorisée
D'un
véhicule non identifié
Un
bolide
Un
bulldozer peut-être
Quelque
chose qui exige
Qu'on
passe au large
De
la voirie municipale
De
poulailler en mairie
De
mairie en lavoir
De
lavoir en poulailler
Au
bout de ce chemin vicinal
Société
de femmes
Effacées
Effrayées
Effarées
Qu'est-ce
que cette chose
Qui
brinqueballe
Et
fonce sur elles
Sans
les voir
Semblant
avoir
Tous
les droits
Au
mépris des oies
De
la capitale
Donnant
l'alerte
Bien
propres et bien lissées
Mères
de famille respectables
Professeurs
peut-être
Ou
employées de bureau
Pas
mécanographes tout de même
Ca
ne se fait plus
Clapets
métalliques
Et
Gestetner syndicale
Protestation
étonnée
Contre
cette chose noire
Qui
grossit derrière elles
Les
reléguant au bas-côté
Talus
étroits
Et
patati
Bec
claquant
Et
patata
Jabots
au vent
Pas
de dentelle
Pauvres
oiselles
Désargentées
Cette
forme sombre
Qui
les menace
Consternation
Révolution
Apocalypse
La
comète dans le ciel noir
Présage
sinistre
Et
famélique
Elles
sont comme un troupeau d'oies
Se
dandinant
Et
parlant fort
Plumes
au vent
La
langue de bois
A Drancy
Si
on était raisonnable
On
brûlerait la gare
Les
pavillons et les jardins
Les
cerisiers et les garages
Les
tonnelles et les clapiers
Les
herbes folles
Et
les portails même repeints
On
dégagerait à la ronde
Une
aire d'un kilomètre
De
rayon et de côté
Complètement
vide
Couverte
au choix
De
cendres ou de béton
On
nommerait des gardiens
Qu'on
paierait un salaire d'Enfer
Pour
arracher tout ce qui pousse
Et
on ne verrait plus
Ces
wagons de marchandises
Stationner
sur les rails
Par
trains entiers
De
la même couleur lie de vin
Qui
n'a pas changé
A
Drancy
Si
on était sérieux
On
fermerait la gare
Et
tous les trains
Brûleraient
l'étape
Sans
exception
Le
métro
Politain
et régional
Les
omnibus
Les
michelines
Les
rapides
Les
express
Les
TGV
Les
trains expérimentaux
Même
le train jaune d'Orviedo
Qui
ne parle pas complètement français
Et
le petit train du Montenvers
Qui
en a peut-être assez de la Mer de glace
Et
en traversant l'espace
Ainsi
rengagé
On
entendrait dans les wagons
Les
hauts parleurs
Réciter
le kaddich
Beau cet homme
En
son livre
Rêveur
patenté
Chez
Dame Littérature
Passeur
d'ombres errantes
Fantôme
fatigué
D'une
vie sans insomnie
Rebouteux
pensif
Des
douleurs matinales
Marcheur
au long cours
Arpenteur
méthodique
De
ligne en ligne
Piéton
de la lecture
Jamais
perdu de s'orienter
Toujours
à La Soleille
La
reine chaotique et rebelle
O
la langue mutante et chaotante
Boussole
et astrolabe
Des
sentiers terrestres
O
le point cardinal
De
Notre Mère l'écriture
Quêteur
de mots
Voyageur
du texte
En
première ou en deuxième classe
Toujours
sans filet
Quelquefois
sans billet
De
toutes façons hors de prix
Pénitent
impénitent
Du
péché capital
Lecteur
relapse
D'humer
sans fin
L'encens
du verbe
Hérétiquement
nôtre
Pèlerin
timide et fautif
D'avoir
à chaque page
Tenter
la belle
Parents
Mourrez
avant de voir vos enfants
Jeunes
vieillards
Bousculés
sur un quai de gare
Tituber
et tomber
De
n'avoir plus l'âge
De
voyager seul
Même
à mille
Même
à cent
Et
encore
S'il
s'en trouve encore tant
A
persécuter
Parents
Mourrez
avant de voir vos enfants
Divaguer
entre l'acier et la fonte
Et
quêter vainement
La
mémoire du charroi maternel
Dans
le creuset de l'aurore nouvelle
Quand
s'ouvre informe et vide
A
l'horizon livide
La
bouche noire du matin
Parents
Mourrez
avant de voir vos enfants
Enfermés
dans de sombres bâtisses
D'insolites
bastides
De
nouvelles bastilles
Fermenter
Anges
rebelles
Dans
le chaudron du Diable
Entre
les folles avoines
La
menthe et les liserons
Parents
Mourrez
avant de voir vos enfants
Dénommés
Innommés
Tutoyer
les murs
Et
questionner le vent
Guettant
Dans
le ciel embrasé
Le
passage noir et plombé
De
grands oiseaux incendiés
Parents
Mourrez
avant de voir la chair vivante
De
votre chair
Retranchée
vivante des vivants
Et
les soins de vos gestes
Aimance
sans parole
Demeurer
sans objet
Quel
qu'en soit le temps
Au
passé
Au
présent
Au
passé présent
De tous
les temps passés
Du
présent de l'éternité
Parents
Mourrez
avant de voir le couteau froid
Et
bleu de la Veuve
S'abattre
sur le cou blanc
De
vos enfants
Et
le filet rouge de vos tourments
Tacher
à peine la terre
De
la douleur et du sang
A Chateau-Thierry
Nous
fûmes lamentables
La
maison à vendre
Etait
déjà vendue
La
maison à voir
Avait
été vue
La
maison à vivre
N'avait
pas vécue
A quarante sept ans
Je
ne suis pas encore
Un
arbre centenaire
Un
de ces cèdres plantés
En
une riche propriété
Jalousement
abritée
Derrière
la clôture
Et
ombombrant
Les
terrasses et les murs
Ou
ceux sauvages
Campés
Dans
les vallons agrestes
Les
hautes plaines
Les
montagnes peut-être
Et
témoignant toujours
Des
regrets exotiques
De
nos défunts ancêtres
A
quarante sept ans
Je ne
suis pas encore
Un
arbre centenaire
Un
cèdre
Une
cèdresse
Déployant
sa ramure
Comme
une grande bannière
A
l'horizon bleuté
Mais
je suis déjà
Une
arbresse solitaire
Lourde
et conséquente
De
mes longues racines
Crues
au fil des années
Le
tronc tout plein de noeuds
Des
liens insolutés
Des
lieux inoubliés
Des
rêves accomplis
Et
des enfants tombés
O
la caducité de toute chose
Hormis
l'éternité
De
branches verdoyantes
Résistant
à tous vents
Et
de cette sombre envergure
Si
particulière
Qu'on
la voit de loin
Comme
un corps en exil
A
quarante sept ans
Je
ne suis pas encore
Un
arbre centenaire
Mais
à mi-course déjà
Ou
presque
D'avoir
tant résisté
Au
chien
Et
au chiendent
Aux
chèvres
Et
aux tourments
Aux
vers
Et
au tonnerre
Aux
garces
Et
aux garnements
Au
pic-vert
Aux
insectes
Aux
chenilles
Aux
termites
Au
rêve processionnaire
Et
totalitaire
Au
paysagiste
Et
au laboureur
A
l'urbaniste
Et
au promoteur
Et
même au financier
Avide
du bois rouge
Qui
durcit dans l'eau
Mais
laisse les doigts gourds
De la
poisseuse résine
Amour
Nous
passons dans le sablier
Grain
à grain
En
ordre dispersé
Le
monde s'éboule
Coule
et s'écoule
D'un
hémisphère dans l'autre
Et
chaque grain
Sent
venir son tour
De
rejoindre
Par
le goulet étroit
Ce
tas autre
Là-bas
en bas
Où
la matière
Fragmentée
et compacte
S'accumule
en tas
Dans
un ordre autre
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
avons ensemble
Des
temps immémoriaux
Gesté
et rêvé
Dans
les profondeurs aquatiques
Concevant
ce que pourrait être
Le
monde
Ni
sa forme ni sa couleur
Ni
son odeur
Mais
son effort
Pour
être comme un étant
Réel
et absolu
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Dans
les eaux de Notre Mère primordiale
Nous
avons accumulé
Des
millénaires durant
Assez
de savoir
Pour
voyager sans honte
Parmi
les comètes et les étoiles
De
la voie lactée
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
avons reposé ensemble
Dans
les grandes fosses marines
Recueillant
au fil des ères et des lustres
Les
débris de coquillages
D'algues
De
carapaces
D'éponges
Et
de coraux
Nous
étions ensemble géosynclinaux
Dans
le plissement des montagnes
Quand
la croûte terrestre se souleva
Tutoyant
le ciel
Ivre
du rapprochement
Nous
avons supporté alors
Toutes
les métamorphoses du quartz
Devenant
au fil des impuretés
Aventurine
Agathe
Améthyste
Et
calcédoine
Nous
avons connu la meulière
Et
le silex
Quand
ils reposaient
Avec
nous dans le sein
De
Notre Mère la Terre
Et
ne prévoyaient pas
D'en
être arrachés un jour
Pour
constituer des établissements
Qui
se croiraient sédentaires
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
étions ensemble
Dans
la moraine du glacier
Quand
elle arrachait sur ses côtés
Les
roches terribles
Qui
s'efforçaient de le contenir
Lui
qui voulait vaille que vaille
Quelle
vaillance
Coûte
que coûte
Et
comme il en coûtait
Rejoindre
la mer
Parce
qu'il n'est pas bon
Pour
les glaciers
De
rester de glace
Eternellement
Amour
Donne
moi la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
étions ensemble
Dans
le lit des fleuves
Qui
creusèrent des vallées
Là
où personne n'avait dit
Il
faudrait là un lit de rivière
Car
la forme cette fois-là
Se
prit d'elle-même
Inventant
des méandres
Et
des îles
Pour
contourner
Les
obstacles
Et
la dureté
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
avons vu ensemble
Les
eaux se retirer
La
terre s'assécher
Et
végéter
Et
les végétaux
A
leur tour
Dessécher
Et
disparaître
Nous
avons vu des hommes
Habiter
les cavernes
Et
les abandonner
Les
habiter encore
Les
disputer à d'autres
Et
les grottes elles-mêmes
N'avoir
plus personne
Pour
les réchauffer
Nous
étions là
Pourtant
encore
Seuls
ensemble
Avec
elle et sous les cieux
Quand
sur les parois
Demeurait
à moitié effacée
Et
presque qu'incompréhensible
La marque
que là autrefois
Dans
les cendres
Et
les empreintes
Les
dieux étaient passés
Et
que restaient prouvant leur venue
Au
milieu du désert
Des
barques ensablées
Dont
on se demandait
Quel
génie fou
Avait
bien pu
Et
pourquoi
Là
Les
apporter
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
étions là ensemble
Quand
l'Intendant
C'était
comment déjà son nom
Construisit
ses forts
Pour
les faire chapelet de bâtisses
Ganglions
de casernes
Cordons
littoraux de la côte
Chaîne
vernaculaire
Pour
marquer les limites
De
la terre nôtre
Nous
étions sur le sol de ses poudrières
Calant
les boulets
Les
grenailles
Et
toutes ses munitions
Nous
étions sur le sol de ses cuisines
Retenant
debout les saloirs
De
viandes et de carcasses
Les
jarres d'huile
Et les
tonneaux de vin doux
Nous
étions sur le sol des chaumières
De
ses féaux et paysans
Quand
passèrent les Dragons
Collectant
et pillant
Et
sous les cous saignant
Des
cadavres de ses sujets
Qu'ils
laissaient
La
caresse maternelle
De
la Terre-Mère impuissante
A
secourir ses enfants
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
étions ensemble
Dans
la perduration du temps
Au
passé présent
De
la pelle de l'enfant
Construisant
des châteaux
Pour
le cas où
Sage
précaution
Ceux
de ses pères
Seraient
emportés par le vent
De
la main de l'amante
Laissant
couler le flot blond
D'une
main à l'autre
Et
questionnant
Je
t'aime un peu
Beaucoup
Pas
du tout
Passionnément
O
la rêverie de la couche
Préparée
pour le bien-aimé
De
toi et moi enlacés sous les fougères
Je
me souviens
Nous
étions là ensemble encore
Plus
que jamais
Quand
les voyageurs
Croyant
leurs routes éternelles
Nous
confondirent l'un avec l'autre
Sur
le rebord du chemin
Nous
condamnant à marquer la lisière
Pour
qu'eux seuls
Croyaient-ils
Ne
se perdent pas
Amour
Nous
étions là encore
Quand
ils attelèrent le ciel
Pour
formater la terre
Et
nous prirent
Nous
enfermant prisonniers
Dans
le sablier
Passant
d'un globe à l'autre
Pour
mesurer le temps
Et
crurent par cet acte
Borner
l'éternité
Nous
avons servi de modestes savants
Pour
qu'ils dominent le monde
Nous
avons charmé de malheureux poètes
Pour
qu'ils chantent le monde
Nous
avons guidé de valeureux chanteurs
Pour
qu'ils enchantent le monde
Et
nous avons hélas
Trompé
tant d'innocents
Pour
qu'ils se donnent
Car
sans eux le monde lui-même
Perdraient
sa forme
Puisqu'ils
en sont
Le
sceau signant
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
étions ensemble
Au
rivage de la mer
Quand
il y avait encore
Oiseaux
et bateaux
Et qu'ils
avaient des noms
L'Albatros
Le
Cormoran
L'Oiseau-Moqueur
Le
Poisson-Volant
La
Sirène-Du-Levant
La
Marie-Charlotte
La-Nourriture-Des-Enfants
Et
que les pêcheurs ramenaient
Dans
leurs filets troués
Des
sabres
Des
turbots
Des
carrelets
Des
lieux
Des
colins
Des
rougets
Des
merlans
Des
soles
Des
carpes
Des
thons
Des
roussettes
Des
harengs
Et
des maquereaux au ventre soyeux
Rayures
vertes et argentées
Sur
le dos
Amour
Donne-moi
la main
Que
nous ne soyons pas séparés
Nous
étions ensemble
Roulés
par la même vague
Respirant
dans l'écume
La
même marée
Frappant
la même falaise
La
corrodant
Et
l'érodant
La
désagrégeant
Pour
la faire comme nous
Sable
Grain
à grain
Avec
nous
Et
contre nous
Car
en les sédiments
Attraction
et répulsion se mêlent
Parvenant
à peine à se nommer
L'Histoire
Amour
Le
monde s'écoule
Passant
grain à grain
Dans
le sablier
La
terre croule
D'un
globe à l'autre
L'hémisphère
s'éboule
Et
se répand
Passant
dans le goulet étroit
Vers
un ordre autre
Donne-moi
là main
Pour
que nous ne soyons pas séparés
Nous
qui avons ensemble
Conforté
les gravières
Pour
que verre se fasse
Les
carrières
Pour
que plâtre se gâche
Les
plages désertes
Pour
que rêve se rêve
Les
îles encombrées
Pour
que la vie se vive
Les
chantiers
Parce
qu'il faut bien tout de même
Que
les villes s'accroissent
Les
chemins vicinaux
Les
violes et les allées
Parce
qu'on n’est pas toujours sûr
Du
passage à emprunter
Les
sentes et les sentiers
Parce
que ce sont ceux-là
Que
les femmes préfèrent
Et
plus souvent encore
Parce
qu'avec le vent
Nous
avons soufflé
A
travers champs
A
travers bois
A
travers foule
Pour
que dans le renversement
Restions
ensemble
Sur
l'aile retournée de l'ange
La
trace siliceuse
De
s'être aimés
Jeanne Hyvrard (1992)
Mise à jour : mars 2008