Mineurs
chiliens (2010)
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« Eboulement à la mine de cuivre de San José au Chili.
33 Hommes emmurés. Tous sauvés les 13 et 14 Octobre 2010 après 69 jours passés
sous terre par
C’est ce texte qu’on peut
lire sur cet objet textile qui célèbre l’aventure cybernétique de ces trente trois
mineurs Sud Américains extirpés hors de leur prison souterraine en laissant du
coup loin derrière, les sauvetages héroïques du passé ou les reportages inouïs
dont l’étrange lucarne est pourtant habituellement fertile.
C’est qu’au-delà de la
performance technique des sauveteurs qui ont creusé un nouveau puits permettant
non seulement de les ravitailler en nourriture, boissons, médicaments et toutes
les choses nécessaires à la survie - y compris des cahiers et des crayons - de
les filmer sous terre mais aussi de les faire remonter à la surface dans une
étroite nacelle rouillée fournie par
C’est l’Espèce Humaine
toute entière – pourtant blasée – qui a été là concernée par cet événement d’un
nouveau genre. Car si les accidents sont fréquents dans les mines, les
sauvetages efficaces à cent pour cent sont rares, et plus encore dans de
pareilles complications.
C’est que pour une fois, la
technique était directement au service de la survie individuelle exposée là
dans sa transcendance, faisant du coup coïncider la particularité des dangers
de cette vie professionnelle là et l’universalité de la condition humaine, la
singularité des aventures et la pluralité des destins, la partie du monde
vivant et sa totalité connectée, inventant pour le siècle qui vient, la figure
de la personne humaine globalisée dans toute la gloire dont il est aujourd’hui
possible de l’investir.
Du coup chacun voulut EN
ETRE et participer à cette nouvelle refondation de L’ESPECE et de son
espérance. Libérés, les rescapés reçurent une multitude de cadeaux
collectifs : Les Iles des Mers Chaudes leur payèrent des croisières, le
Pape envoya des chapelets bénis et individuellement on leur expédia des colis
spécifiques : des billets pour des matchs de foot à ceux qui avaient dit
les aimer et une invitation à visiter l’habitation d’Elvis Presley pour celui
qui en était encore et toujours de son propre aveu, l’inconditionnel
admirateur.
Comment s’étonner que -
dans ce contexte - de son côté l’artiste ait cherché à y mettre son grain de
sel, c'est-à-dire à créer une œuvre ? C’est que lors de ce sauvetage, la
tension était si forte qu’en perdurant, elle menaçait l’économie personnelle
d’être submergée par les affects… Figurer la chose était donc le moyen de
délester le circuit des émotions en en remettant – par art interposé
- la gestion à L’ESPECE TOUTE ENTIERE puisque c’était bien en fin de
compte, ELLE qui était concernée …
Ainsi me suis-je engagée
dans cette réalisation qui a demandé beaucoup plus d’heures de travail que ce
que j’avais d’abord envisagé, sans qu’il soit à aucun moment question de
renoncer. Sorte d’Ex Voto
païen par la gratitude implicite qu’il contient, bannière par la victoire sur la mort qu’il célèbre, cet objet
textile s’apparente aux quilts mémoriels, tradition qui remonte au
moins au Moyen Age dans notre Vieille Europe et qui sont devenus banaux en
Amérique du Nord …
Pour la technique textile
proprement dite, il emprunte aux Apposés de
l’Afrique de l’Ouest sub-saharienne, technique exportée dans le Nouveau Monde à
l’occasion de
Dans cette conjoncture,
l’urgence créative et créatrice ne m’a pas laissée le temps de déménager le divan
du salon pour accéder aux caisses qui contiennent - bien rangées - mes réserves
de tissus, réserves accumulées au fil des années en récupérant sur les
vêtements hors d’usage ou les tissus domestiques, les surfaces encore
opérationnelles comme je l’ai vu faire dans mon enfance à la sortie de
Etant donnée la situation,
j’ai dû parer au plus pressé en ayant recours à la procédure d’urgence, à
savoir le tiroir de la commode dans lequel sont là stockés plutôt que rangés
les lambeaux de secours immédiatement accessibles, sorte de pharmacie pour les
lubies artistiques dont je suis coutumière car intégralement subjectives, elles
peuvent être n’importe quoi, tant se rencontrent là les hasards et les
nécessités de ma vie quotidienne.
Le morceau beige qui sert
de fond à cette tenture est ainsi le reste d’un de mes costumes usés au
travail. C’était le seul disponible qui pouvait convenir tant par la taille que
par la consistance, les autres s’avérant trop petits ou trop grands, trop mous
ou trop rêches. Je n’ai pu qu’en constater l’inconvénient de ne pas être
rectangulaire puisqu’il s’agissait d’une jambe de pantalon, mais n’ai pas pu
pour autant trouver de solution, car en rectifier la surface l’aurait
dangereusement réduit au point de ne plus être adéquat puisque ces trente trois
corps allaient tout de même prendre une certaine place … les premiers essais
l’avaient déjà démontrés.
Les
tissus constituant les Apposés sont
variés. A gauche de l’image principale, le pied
de poule bleu et noir doit sans doute provenir des restes d’une jupe
droite de ma sœur. Je n’en suis pas tout à fait sûr car il ne faut pas demander
à la mémoire plus qu’elle ne peut fournir. Je suis par contre certaine de la
provenance du nid d’abeilles brique, tissu du divan de la
salle à manger du logement que j’ai occupé durant mes onze premières années. Le
tissage de laine est le reste d’un coussin acheté à Saint Beauzély
sur le Levézou, lors d’une exposition artisanale qui
annonçait dès les Septantes la vogue écologique sinon
la vague écologiste.
A droite, le velours vert
foncé de la vignette ne permet pas d’apprécier pleinement les grosses fleurs
qui ornaient ce pantalon avec lequel j’ai enseigné ma discipline dans les Nonantes. Le velours gris d’une de mes jupes longues étant
de son côté le dernier avatar de la mode hippie qui a longtemps été celle de ma
Génération. Quant au tissu rayé, il est impossible d’en retrouver une genèse
autre que celle de l’héritage, sans pouvoir trancher entre celui de ma mère et
celui de ma belle mère ayant eu dans les deux cas, la charge et l’honneur de
trouver pour les tissus qui avaient été les leurs - et qu’on retrouve encore de
ci de là dans les autres apposés sans
qu’ils aient été reproduits dans les vignettes - le meilleur destin possible.
Quant aux boutons qui
servent de têtes aux mineurs, il m’a fallu en sacrifier quelques uns que
j’aurais pourtant aimé conserver mais il faut savoir ce qu’on veut. Il est vrai
que je m’en sers d’habitude comme le mathématicien de son boulier, les
classant, les réunissant et les reclassant à nouveau grâce à toute une série de
boîtes métalliques consacrées à cet usage philosophique, pour déterminer à
chaque époque et pour chaque problème à résoudre, quelles sont les catégories
pertinentes !
Enfin le texte - dont on
peut voir un échantillon au dessus de l’image principale - a été très long à
broder au Coton d’Egypte (gaze mercerisée dénommée GONG) fabriqué en
Italie pour la firme Plassard, acheté au Bon Marché à
Paris et d’autant plus qu’il a dû ensuite pour davantage de lisibilité, être
rehaussé au Coton Perlé DMC rose N°8 Made in France,
acheté lui par boîte complète aux Puces de Saint Affrique en Aveyron sans avoir
- étant donné l’occasion - le choix de la couleur. Heureusement le renforcement
du pourtour a eu lieu plus rapidement !
Hauteur de 36 à 54 cm - Longueur 84 cm
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Mise à jour :
novembre 2010