La chute d’Icare
Tenture de Jeanne
Hyvrard
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Dimensions :
Largeur 78 cm, Hauteur 75 cm - Broderie sur lin
A la sortie de la nouvelle aérogare de Berlin, entre les
dernières portes et les autocars qui attendent leurs touristes, à même le
trottoir allongé de tout son long, un Icare en bronze toutes ailes déployées -
casque d’aviateur vissé sur le crâne - relève la tête et contemple le paysage.
Foudroyée par le syndrome de Stendhal qui m’atteint
chaque fois que je croise un chef d’œuvre, j’en ai oublié de me faire la
réflexion qui pourtant aurait convenue, à savoir Tiens c’est donc là qu’il a
chu ! Bêtement je me suis contentée de me dire que les Allemands ne manquaient
pas de culot artistique et de réflexion métaphysique, ce qui va peut-être
ensemble.
Je n’en étais pas encore à m’interroger sur les façons
de sortir du fameux Labyrinthe dans lequel avait été enfermé le Minotaure -
moitié homme moitié taureau - ce monstre crétois qui semait la terreur en
dévorant les jeunes gens qu’Athènes vaincue lui offrait en tribut.
Ou du moins jusqu’à ce que le prince de cette ville,
un certain Thésée règle le problème en le tuant, retrouvant ensuite la sortie
de ce lieu de cauchemar grâce au fil que lui avait donné à tenir, une Ariane
amoureuse de lui afin qu’en échange d’une promesse d’épousailles, il n’y resta
pas enfermé.
Hélas les espoirs de la Belle furent déçus car après
son forfait libérateur - s’enfuyant d’abord à ses côtés - l’ingrat l’abandonna
dans une île où heureusement un autre la recueillit. De son côté Thésée prit sa
place dans la lignée des souverains de cette Cité y exerçant une activité
fournie de législateur convaincu.
Cette anecdote donne à penser ce que nous savons nous
depuis longtemps ou du moins depuis Freud, à savoir que les sociétés nouvelles
s’établissent sur la déchéance des anciennes et si l’inventeur de la
Psychanalyse nous a précisé qu’il s’agissait en fait d’un meurtre commis en
commun, les Anciens eux de leur côté avaient depuis longtemps repéré qu’il
pouvait aussi bien s’agir d’un assassinat individuel.
C’est à la suite d’un épisode de ce genre que Minos le
- légendaire ou historique - roi de Crète enferma dans l’établissement lui-même
monstrueux son ingénieur Dédale dont le nom n’était pas encore devenu celui des
procédures décourageantes et son fils le fameux Icare qui mirent en œuvre une
autre façon de s’échapper de cette prison à ciel ouvert. Dédale fabriqua en
plumes des ailes artificielles qu’ils se collèrent au torse avec de la cire
afin de sortir par le haut de l’impasse dans laquelle ils étaient. Au propre
comme au figuré !
Hélas le fils - comme c’est souvent le cas - ne suivit
pas les conseils du père tant il est vrai que l’expérience est intransmissible
et que les Jeunes croient que le monde commence avec eux, particulièrement
lorsque les nouveautés techniques dont ils sont par hasard les contemporains,
leur assurent la primauté sur leurs prédécesseurs qui ne parviennent pas
nécessairement eux, à s’y adapter et encore moins à les maitriser.
Au commencement de leur envol, Dédale avait pourtant
bien dit de ne pas voler trop haut mais en proie à l’hubris
- cette maladie de la civilisation occidentale qui considère la transcendance
comme une vieille lune - Icare s’approcha si près de l’Astre Solaire que la
cire collant ses ailes rapportées, fondit le laissant sans recours choir dans
la mer qui en sa mémoire porte son nom.
C’est ce que représente cette broderie effectuée l’été
2017 comme la Révolution Cybernétique s’emballait fabriquant des enfants dans
des bocaux en leur attribuant généreusement deux pères et pas de mère, tout en
s’efforçant de profiter de toutes les opportunités techniques non seulement
pour en confisquer la totalité des profits mais pour se débarrasser dans des
zones de relégation d’une masse encombrante encore - mais pour combien de temps
- d’une foule d’encore vivants dont les puissants d’aujourd’hui n’ont plus
l’utilité.
C’est qu’ils s’imaginent que les machines inventées,
les engins générant une nouvelle catégorie échappant à l’ordre ancien et
produisant un effet de labyrinthe par agglomération avec la perduration du
monde ancien suffira à leur assurer non seulement la maitrise mais le
fonctionnement du dispositif d’ensemble.
Encore faut-il jusque-là réduire le coût de survie de
cette masse humaine au minimum et d’autant plus - ou plutôt d’autant moins -
qu’elle devient en périphérie de la Grande Machinerie Centrale, un gisement de
matières premières à récupérer (gènes, gamètes, tissus, organes etc…)
utilisables pour de nouvelles activités rendues possibles et rentables par les
innovations.
C’est le nouveau stade du capitalisme financier plus
sauvage que jamais, alimenté grâce aux opportunités offertes par une
Globalisation tous les jours pour cette raison encouragée. On assiste alors
médusé à une Révolution Copernicienne de la représentation du monde au sein de
la Civilisation Occidentale qui avec l’Humanisme avait placé l’être humain au
centre du dispositif mental pour le remplacer aujourd’hui par la Grande
Machinerie fédérant les machins et les machines dans une nouvelle ingénierie
organisant la Terre.
Reste à savoir si elle sera capable de l’ordonnancer
pour qu’elle puisse effectivement fonctionner, ce qui n’est pas tout à fait la
même chose comme le développent mes deux premiers traités de philosophie
publiés en 1986 et 1987 aux Editions des Femmes Canal de la Toussaint et La
Pensée Corps.
Cette broderie a été exécutée - comme celles ejusdem
farinae effectuées avant elle - selon la méthode bric-à-brac habituelle à
l’auteure qui s’en est déjà largement expliquée. Cela sur le reste d’un drap de
grande marque qui quoique en lin et payé un prix élevé, n’a pas fait l’usage
qu’on pouvait en espérer en s’usant si rapidement qu’il n’était pas déplacé de
se demander ce qu’il en était du lin en question.
Fallait-il en cette occurrence incriminer de nouvelles
méthodes de fabrication finalement moins performantes que celles séculaires de
nos ancêtres, ou bien mettre en cause un étiquetage à la limite du frauduleux ?
S’agissait-il de l’effet à long terme des produits chimiques employés lors du
processus et dont les entreprises concernées se souciaient d’autant moins qu’on
vivait désormais dans une sorte de perpétuel présent qui n’était en fait que le
fantasme de l’abolition du Temps ….
Ou bien dernière hypothèse, la plante originaire -
celle à la petite et ravissante fleur bleue - avait-elle été génétiquement modifiée
pour se développer plus vite, être plus facile à travailler donc moins
résistante sans compter l’éventuelle possibilité d’une greffe de gènes
insecticides permettant au végétal de se défendre par lui-même contre les
inconvénients des parasites …
On ne pouvait pas non plus laisser de côté l’idée de
nouveautés techniques dont même en étant une citoyenne informée attentive et
concernée, on n’avait pas encore - pour des raisons compréhensibles - été
informée !
En tous cas le fait était là, les nouveaux draps en
lin - en néo lin faudrait-il mieux dire si l’hypothèse soulevée ici était
effectivement confirmée - n’avaient aucune solidité. D’où l’abondante provision
des morceaux que j’en avais récupérés en les réformant lors de leurs rapides et
premières déchirures. J’aurais pu bien sûr mettre des pièces ou même simplement
les ravauder, mais on avait oublié de m’en enseigner les techniques et de
surcroit avec l’âge, je n’en avais plus vraiment les moyens physiques.
Enfin je n’étais plus du tout d’accord pour m’épuiser
à réparer les dégâts que la mauvaise gestion de nos maîtres successifs avaient
imposés à notre niche écologique qu’ils avaient fini par détruire - notamment
particulièrement la mienne - et détruite pour détruite je devais concentrer le
peu de forces qui me restaient en vue de ma propre survie, fut elle marginale
et en voie de clochardisation. Je n’étais d’ailleurs pas la seule sur cette
pente. Pour s’en convaincre, il suffisait de regarder les gens dans la rue et
de parler avec eux. Toute la ville disait la même chose.
La broderie a comme d’habitude été effectuée avec des
cotons DMC de différentes catégories : le Retors mon préféré, le Brillanté
d’Alger ainsi que le Perlé sans idée préconçue en raison de la difficulté à
m’en procurer suffisamment, le choix du modèle et du coloris n’étant désormais
en rien assuré en raison d’une conjonction de difficultés d’ordre différents :
D’abord la disparition des merceries due au changement
de mode de vie des femmes que les marchands ont persuadé qu’il valait mieux
acheter leurs vêtements en provenance des pays où ils sont fabriqués par des
esclaves plutôt que de se les coudre elles-mêmes en se réunissant dans des
ouvroirs municipaux dans lesquels elles pourraient non seulement recevoir une
formation technique mais échanger entre elles sur leurs conditions de vie et
les moyens de les améliorer en développant des solidarités apportant des
solutions aux difficultés et aléas de leur vie quotidienne concernant aussi
bien les enfants que les parents âgés dont elles doivent s’occuper, voire même
organiser dans la foulée des cuisines collectives …
Elles pourraient également ainsi qu’à l’occasion de
ces fabrications, personnaliser leurs vêtures en développant leurs capacités
artistiques. Sans compter que les dits ateliers pourraient bénéficier d’un
label favorisant la vente à des clients extérieurs qui auraient à cœur de
participer ainsi à la reconstitution du tissu économique et social local.
Hélas non seulement cette idée que j’ai tenté de
populariser n’a jamais pu prospérer mais plus grave encore alors que les dites
femmes avaient elles-mêmes observé que la plupart du temps les vêtements
fabriqués pour rien à l’autre bout du monde ne résistaient pas au premier
passage en machine à laver, elles n’avaient pas rectifié le tir comme pourtant
n’importe quelle constructiviste en aurait compris la nécessité.
C’est que la culture textile des femmes a
systématiquement été méprisée ainsi que dévalorisée et d’autant plus que le
prétendu partage des travaux domestiques au nom d’une soi-disant libération de
la femme n’a jamais été qu’une libéralisation … En fait une dérégulation tous
azimuts permettant à la moitié masculine de l’Humanité de n’avoir plus à se
préoccuper du sort des enfants et de leur mère afin de pouvoir en toute liberté
– la valeur absolue désormais – se livrer à la satisfaction non seulement de
ses désirs mais au-delà, de ses fantasmes en exigeant de tout un chacun ainsi
que voire même de l’Etat - stade suprême du processus - que la réalité soit
conforme à leurs desiderata personnels les plus extravagants.
En fin de compte la dite libéralisation a permis à la
moitié masculine de l’espèce, de supprimer ce qui était autrefois l’espace des
femmes pour le coloniser et le faire fonctionner à son profit, la modification
des institutions permettant d’en conforter la confiscation tout en la faisant
passer pour un progrès sociétal, lorsque ce n’était pas un prétendu progrès
social tout court comme chercha à le faire croire la Gauche après qu’elle eut
renoncé à améliorer le sort des travailleurs qui lui avaient fait confiance ….
A cette disparition des merceries s’est
malheureusement dans mon cas, ajouté une semi-invalidité conséquence elle-même
d’une série de facteurs, le résultat en étant de toute façon la difficulté de
me déplacer pour rejoindre à Centre-Ville une boutique au milieu des
confectionneurs du Sentier constituant son marché habituel et qui accepte
également néanmoins de vendre en petites quantités du fil aux particuliers,
sans barguigner.
Lorsque j’y parviens, c’est entre deux taxis dont
celui de l’aller a été commandé à la G7 sans oublier de préciser que je le
souhaite disposant d’un plancher bas (après donc avoir comme la machinerie me
l’a commandé en m’enjoignant dans ce cas de tapez 2) faute de quoi je risque de
voir arriver devant chez moi un véhicule que je n’aurais pas eu a priori l’idée
de ranger dans la rubrique des taxis.
A savoir au mieux une camionnette fonctionnant comme
un taxi brousse collectif d’un genre nouveau et au pire un quasi corbillard
dont les chauffeurs n’ont pas toujours pris la peine de mettre dans leur coffre
un escabeau permettant de suppléer aux difficultés physiques des clients.
Encore heureux lorsqu’ils n’évitent pas systématiquement le cas échéant de leur
prêter main forte non seulement au figuré mais surtout là même, au sens propre.
Du coup lorsque j’y parviens, j’en profite à
centre-ville - après avoir atteint mon but - pour faire l’acquisition de
n’importe quel coton à broder voire même parfois hélas à tricoter - faute de
mieux - quoique pas toujours DMC quitte à déplorer lors de l’utilisation que ce
type de fil n’ait pas la qualité désirée. Ainsi me suis-je retrouvée un jour en
possession de trois grosses pelotes rouge marron et vert amande qui se sont
avérées particulièrement difficiles à travailler et peu adaptées à mon style et
fonctionnement sui generis.
J’ai donc fini par me rendre compte que la meilleure
façon de faire était encore d’en acheter dans les brocantes après avoir
remarqué que les stands vendant du linge de maison réputé d’autrefois, des
dentelles, des boutons et du fil se multipliaient donnant à penser que les
femmes face à la GPA, la filiation homosexuelle et la quasi répudiation que
permettait désormais le divorce sans juge, devait éprouver quelque chose qui ressemblait
à de la nostalgie.
A moins qu’ayant d’ores et déjà remarqué que le mot
femme avait disparu de la langue au profit d’une multitude de filles dont il
n’y avait plus à se préoccuper de leur sort - ajouté à leur expérience
personnelle - elles aient eu plus ou moins rapidement l’intuition qu’elles
étaient en voie de liquidation.
C’est donc avec cette variété de coton qu’à la va
comme je te pousse a été représenté le labyrinthe crétois construit par
l’ingénieux Dédale dont Icare et ses ailes artificielles de plumes collées à la
cire s’est élancé vers la liberté. Hélas au mépris des conseils avisés de son
père, le fils - tout à l’ivresse de sa puissance - s’est approché tout près du
soleil, découpé là pour cette broderie dans un morceau d’une casaque ocre ayant
appartenu à mon beau père et appliqué selon la méthode habituelle sur la toile
de lin.
Ce tissu ocre est présent dans plusieurs autres de mes
œuvres textiles parce qu’il est d’une grande qualité et que pour le faire durer
le plus longtemps possible je ne l’utilise qu’avec parcimonie après avoir
constaté qu’aucun des autres échantillons que je détiens dans mon stock ne peut
faire l’affaire …
J’ai de plus pour la circonstance, sacrifié également
un des éléments de la ceinture indienne que mon frère ainé m’avait rapportée de
son voyage de 1959 aux Etats Unis avec un sac assorti qui m’avait fait grand
plaisir ainsi qu’un disque du chanteur Guy Carawan né
en 1927 qui s’inspirant du folklore américain préfigurait par son style et ses
activités l’épopée des beatniks et des hippies taillant la route pour annoncer
la mise en mouvement de la Jeunesse Occidentale.
Mes activités de récupération n’ont pas pour cause un
dogmatisme écologique qui me parait inadéquat au problème à résoudre. D’abord
parce qu’élevée par un père qui ne savait pas lui-même l’héritier des
socialiste utopiques de la Franche Comté dont était issue sa propre mère, et
devenu même sous l’influence de la raison, carrément saint simonien.
Il était en effet convaincu que le progrès technique
était de nature à améliorer la vie des gens ce que d’ailleurs on ne peut que
constater lorsqu’on utilise le lave-linge après avoir commencé à faire bouillir
les torchons et serviettes dans la lessiveuse chauffant sur la gazinière du
minuscule logement du 86 Rue Lamarck abritant mes débuts de femme mariée à une
époque où celles qui n’avaient pas trouvées preneurs étaient qualifiées de
vieilles filles et condamnées à une quasi mort civile.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule raison - bien qu’il
ne faille pas sous-estimer l’empreinte quasiment immarcescible du milieu
initial qui m’a empêchée d’intégrer les oukases des écologistes et de les
prendre au sérieux tant ils étaient effectivement écologistes et non simplement
écologues comme ils auraient dû l’être sans compter que la plupart des
consignes auraient pu se contenter d’avoir recours à la notion de santé
publique parfaitement adéquate à la problématique de la malbouffe comme des
déchets nucléaires ou de l’impossibilité pratique du démantèlement des
Centrales qui les produisent.
Et encore est-il inutile de pointer du doigt
l’aberration du spécisme et la haine sous-jacente que
l’on sent envers l’espèce humaine sans compter le ridicule absolu qu’il y a à
mettre le singe - fut il qualifié de grand pour la circonstance - sur le même
plan que l’homo sapiens, laissant pour ce faire de côté – comme si cela n’était
rien - la faculté pourtant remarquable de concevoir et d’écrire A la recherche
du Temps perdu.
Enfin the last but not the least comme on dit en bon
français, si je ne conteste pas le caractère mortifère des multiples
gaspillages qu’on pourrait sans beaucoup d’efforts éviter au bénéfice d’une
meilleure gestion globale des moyens matériels et humains de notre vaisseau la
Terre, je ne peux pas prendre au sérieux le ridicule appel à Sauver la Planète
qui s’est aussi longtemps passée de Nous dans les temps qui nous ont précédés
qu’elle est en situation de le faire dans les temps à venir … Ce qui
disqualifie d’avance tous les raisonnements bâtis dans cette perspective !
Sans compter les préoccupations plus franchement
politiques comprenant aussi bien la revendication qu’il faudrait que la Classe
Politique donne l’exemple de la lutte contre le gaspillage en cessant de
considérer l’argent qu’elle prélève sur la population comme un don gratuit
destiné à son plaisir et à son confort ainsi que la mise en cause du système
politique dans lequel le gaspillage des objets fabriqués est programmé de telle
sorte que devenus rapidement inutilisables, ils doivent être constamment rachetés
permettant à la firme d’à chaque fois encaisser de nouveaux bénéfices donnant
lieu à la distribution de nouveaux dividendes.
Ce n’est donc pas pour des raisons écologiques que je
récupère entre autres les poignées des sacs en papier donnés par les boutiques
mais pour des raisons pratiques. Ayant du mal à me fournir de ce dont j’ai
besoin à cause d’une carcasse en pleine désagrégation en raison de l’âge et de
la kyrielle des maladies enquillées – carcasse qui a pourtant déjoué les
pronostics les plus sombres de la Faculté de Médecine qui assurait dans ma
jeunesse qu’à cause des comportements mortifères de ma mère à mon égard, selon
elle (la Faculté) je ne devais pas pouvoir survivre – ayant donc du mal à
vaquer et vivant mieux dans l’appartement que dans la rue ou a fortiori
désormais hélas dans la Nature que je persiste pourtant à tant aimer, force m’a
été comme toujours d’organiser ma vie autour de la condition pratique qui était
devenue de fait, la mienne.
D’autant plus que les cordelettes en question sont de
nature variées d’épaisseur et de couleurs diverses constituant une véritable
mine de matériaux tandis que les cartons et papiers eux aussi également
récupérés pouvaient fournir d’autres ressources.
Le dernier éléments du fourbi de matières premières de
toutes natures et toutes origines ayant servi à l’élaboration de la broderie
dite de La chute d’Icare est l’ensemble des rubans stockés dans un sac dans le
tiroir de la commode héritée de ma belle-mère, tiroir situé en dessous de celui
tout entier consacré aux dentelles comme celui du dessus conserve en plus des
cotons à broder, rangée dans des boites bien propres la mercerie spécialisée
des extra fort, gros grains, biais, élastique, soutache, talonnette ainsi que
diverses bobines de fil d’avance destinées à éviter la rupture de stock comme
je l’ai appris en étudiant la gestion de l’entreprise lors de ma quatrième
année à la Faculté de Science Economiques de Paris Place du Panthéon, dans les
Années Soixante.
Non ce qui me pose encore question dans cette vie
déjouant chaque jour l’adversité croissante, c’est en fait le fond de l’affaire
concernant La chute d’Icare qui n’est en quelque sorte que l’une des nombreuses
versions de la Loi de la pesanteur ou de la Gravitation Universelle connue
également sous le libellé de sa fameuse formule de ½ GT2. L’enjeu étant alors
de comprendre ce qui – au-delà de cette histoire de cire fondue - s’est
effectivement passé.
Interrogation d’autant plus légitime qu’il est bien
apparu à nos voisins allemands qu’Icare était des nôtres, en tous cas
suffisamment pour pouvoir être représenté de tout son long sur le trottoir à la
sortie de la nouvelle aérogare de Berlin.
D’où vient que roulant depuis longtemps pour son
compte mon cerveau persiste à vouloir comprendre de quoi il retourne ? C’est
que c’est bien à cela que servent les mythes, ces rubik’s
cubes des Temps Antiques permettant d’aiguiser non l’intelligence cette faculté
commune à des degrés divers à la matière vivante toute entière mais la pensée
qui est une toute autre histoire autrement plus complexe.
C’est elle qui nous permet de ne pas craindre que les
robots nous supplantent comme le croient ces Icares
enivrés de leur puissance qui se prennent eux-mêmes pour la source de toute vie
qu’ils s’imaginent pouvoir produire à la grâce de leurs pulsions de démesure au
sein d’une fusion et confusion toujours plus grande.
Mais nous savons bien nous, de la superposition de
quelles ruines issues de la précédence le labyrinthe est fait. Et si la
malheureuse Ariane a été trahie par le créateur des institutions puisque c’est
la signification du nom de Thésée, cet unificateur de l’Attique et promoteur de
la puissance athénienne - l’une de nos mères parmi d’autres – elle, elle n’a
finalement pas perdu au change puisqu’elle a épousé Dionysos. Il est vrai que
sa mère elle-même, sa mère à elle était la fille du Soleil ...
Quant à Icare de quoi est-il mort exactement ? Mais
d’avoir confondu l’artifice avec la réalité ! De s’être cru effectivement un
oiseau alors qu’il ne faisait que faire semblant et encore grâce à un bricolage
inventé par un autre que lui-même ce qu’il a rapidement perdu de vue car
cherchant à tirer pour lui le maximum d’utilité de sa situation obtenue grâce à
un autre.
L’erreur fatale d’Icare n’est pas seulement l’hubris, somme toute assez banal chez ceux qui ont la tête
enflée et dont la Révolution Cybernétique a vu rapidement augmenter le nombre,
elle est surtout d’avoir confondu l’artifice avec la réalité.
A bon entendeur salut !
Jeanne Hyvrard
20.8.2017
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l’exposition
Mise
à jour : septembre 2017