Les Cavaliers de l’Apocalypse
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D’une hauteur d’à peine
un mètre et d’une largeur variant entre 93 à 135 centimètres, cette tenture de
forme informe a été brodée en 2014 par Jeanne Hyvrard.
C’est sur un fond
composé de morceaux de tissu beige et de toile Denim provenant de pantalons
maritaux, complétés par un reste de casaque ocre ayant appartenu à son
beau-père que l’auteure a brodé les Cavaliers de l’Apocalypse dont il semble
que le nombre s’en soit accru depuis leur entrée dans le Corpus à l’occasion -
plus qu’à la faveur - d’un texte de Saint Jean. Ouvrage figurant
traditionnellement en queue des textes évangéliques.
Genre tombé un peu en
désuétude – encore qu’ayant peut être simplement changé de style et de vecteur
- L’Apocalypse était à l’époque une activité littéraire banale que les
critiques contemporain(e)s rangeraient sans hésiter dans la catégorie de l’oraliture. Le terme ne signifiant à
l’origine rien d’autre que l’idée de la Révélation
de quelque chose jusque-là caché. A savoir le sceau fermant la boucle sur laquelle la société considérée est
installée.
C’est ce qui peut
expliquer l’augmentation du nombre de ces fameux équidés au fil d’une Histoire
dont il faut bien admettre que les fins experts qui nous en avaient annoncé la
fin au motif du fait qu’un affreux mur qui coupait en deux l’Allemagne à la
suite de sa défaite lors du fameux
conflit de la Deuxième Guerre mondiale avait fini par s’ouvrir sous la pression
quasi magique des déambulations des habitants de Leipzig.
L’Histoire et/ou la
légende a en effet retenu de l’évènement qu’à l’automne 1989 les manifestations
pacifiques dans la ville en question avaient atteint une telle importance que
le responsable local Egon Krenz, numéro deux du régime de la RDA - en passe
d’être débordé par le mouvement populaire - avait téléphoné à Eric Honecker
dirigeant de la dite Allemagne de l’Est pour lui demander ce qu’il devait faire
et qu’il en avait reçu la réponse topique de Démerdez-vous !
Bien sûr comme la
plupart du temps lorsqu’il s’agit d’évènements historiques ou non, la cause
n’en a pas été unique mais plutôt une conjonction de conjonctures dont chacune
seule n’aurait pas nécessairement suffi à produire un tel effet aussi
spectaculaire ….
Ainsi faut-il également
et surtout mettre en cause en URSS la volonté de perestroïka du Président Gorbatchev, projet et désir de
transformation profonde de l’Empire Soviétique qui déclencha chez le paternel
de l’auteure un sibyllin et lapidaire J’espère
qu’il sait ce qu’il fait auquel sa fille ne peut pas dans ces jours
redoutables, ne pas penser.
On peut également
ajouter au projet de nouvelles relations avec l’Ouest mieux adaptées aux temps
nouveaux, la dure réalité technique de l’accident nucléaire de la Centrale de
Tchernobyl obligeant les dirigeants de la vaste entité communiste à ouvrir le
pays pour obtenir les secours de l’Agence Mondiale Atomique.
Sans oublier quelques
autres causes plus profondes encore que l’auteure elle-même décrit dans son
ouvrage majeur Canal de la Toussaint (Editions des Femmes 1985) sous un néologisme de sa fabrication la Chaorganisation dont le premier tour du
monde de l’expédition de Magellan – nommant ainsi le détroit qui porte
désormais son nom - et établissant du même coup la finitude planétaire et
l’agrégation de l’Etant est la
métaphore centrale.
Cela bien sûr grâce aux
progrès techniques qui roulent pour leur compte et induisent toujours plus
nombreuses, des connexions de tous ordres mais aussi en raison déraison de la
fabrique - comme de la gestion - d’une matière vivante de plus en plus
fragmentée et tout autrement recomposée.
Tout cela culminant
dans la nouvelle Géonomie – selon un
autre néologisme de l’auteure - aux mains d’un nombre de plus en plus étroits
de décideurs se réservant pour eux-mêmes des richesses de plus en plus
fabuleuses.
Que l’auteure ait
représenté ce phénomène sous la forme d’un nouveau cavalier ou plutôt d’un
monstrueux centaure d’un type inconnu jusque-là dont la forme et les attributs
ne sont pas forcément encore exactement identifiés, la nouvelle donne qui
résulte de la Révolution Cybernétique Globalisée n’empêche pas la présence
toujours actuelle des grands classiques:
Le Cavalier Blanc
symbolisant avec son arc et sa couronne mêlée à sa chevelure, la conquête, b a ba des relations non
seulement entre les peuples mais aussi entre les gens quoi qu’en disent nos
amis les Bisounours qu’il est inutile de chercher à réveiller, l’auteure elle-même
adhérant à leur syndicat et sachant bien à quel point cette croyance est
nécessaire pour limiter l’usage de produits encore plus toxiques.
Le rouge désignant la
guerre avec sa grande épée dont les bombes n’ont pas comme on peut tous les
jours le constater, rendu l’usage caduc. Le noir avec sa balance à mesurer et
rationner les subsistances par temps de famine et le dernier, pâle blême
glauque et verdâtre, symbole de la mort même puisque Hadès l’accompagne.
Et que dire alors du
soleil noir de la mélancolie éclairant - lueur paradoxale - cette cavalcade qui
ne déparerait pas les parades à la mode ?
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l’exposition
Mise
à jour : janvier 2016