LOGGIA DES LANZI

Florence 1966

 

                                                                                                               Format 20cm sur 15cm

 

N’hésitons pas à le dire, aucun souvenir de ce dessin que j’ai été bien étonnée de retrouver collé dans l’album où je recherchai celui du Hangar à Palabres du Mali (en ligne dans les Archives Historiques) fait l’année d’après, dans un autre contexte … Encore que !... Car finalement ce crapahutage - besace en bandoulière - à pied, à cheval, en voiture - ou plutôt là en train, en bateau et en autocar à travers l’Italie d’abord puis ensuite après la traversée de l’Adriatique dans un bac d’Ancône à Zadar à travers ce qui était encore la Yougoslavie, avant que les joyeux drilles qui voulaient profiter de l’avantage historique momentané que leur donnait l’effondrement de l’URSS décident qu’il était de première urgence de la pulvériser en autant de morceaux qu’il était possible !

De Florence dans laquelle nous arrivâmes en train, je me souviens surtout de l’homme qui nous loua une chambre dans son appartement. Je revois encore son visage et comme nous désirions payer le prix de cette location chez l’habitant - modalité que nous pratiquions à l’époque bien avant la mode actuelle - il nous demanda depuis combien de temps on était là. Il s’étonna de notre réponse de cinq jours, au motif qu’il ne nous avait pas entendus dit il et que nous n’avions fait aucun bruit. J’ai été illuminée par cette déclaration mais avec le recul je me demande s’il ne s’agissait pas seulement d’une politesse locale. Qu’importe ! Au point où j’en suis, cela revient au même car dans un cas comme dans l’autre, cette anecdote est rangée dans ma mémoire dans la catégorie du bonheur de la fréquentation d’autrui, catégorie bourrée jusqu’à son plafond, merci la vie !

Finalement pour absurde que dans un premier temps paraisse l’idée de rapprocher le dessin du Hangar à Palabres du Mali en 1967 et celui de la Loggia des Lanzi de l’Italie réalisé l’année précédente, elle n’est pas si ridicule qu’une anthropologue du ras du terrain comme l’auteure de ce texte et de ces dessins n’ait pu en faire apparaître les points communs.

En effet dans la logique qui lors de la montée du nazisme - juste avant la Deuxième Guerre Mondiale qu’il rendit inévitable - une fine équipe entreprenante et convaincue avait eu l’idée de créer au Palais de Chaillot le Musée de l’Homme, pour mettre en évidence ce que l’Homo Sapiens avait d’universel dans ses productions d’objets profanes ou sacrés, contresignant par cet acte la preuve de son existence en tant qu’espèce une et indivisible. Ceci afin de contredire et de contrebalancer la propagande de l’élite autoproclamée de l’époque, inventant de la diviser - ontologiquement parlant - en sur et sous hommes…

Du moins jusqu’à ce que l’idée de l’existence même d’un Musée de l’Homme donna des boutons aux différencialistes qui mirent avec succès l’accent sur tout ce qui pouvait séparer les Humains en catégories diverses, avant de les exciter dans une permanente concurrence de conquêtes de droits tous plus extravagants les uns que les autres car également basés sur la conviction du principe premier de la toute-puissance de l’individu au détriment d’une société et d’une réalité passées globalement d’un seul coup à la trappe.

Ainsi pour mettre en évidence des prétendus Arts Premiers qui tout d’un coup accédèrent à un statut que non seulement ils n’avaient pas et qu’ils ne réclamaient pas liquida-t-on le Musée de l’Homme. Mais comme on était démocrate et partisan de l’Art pour Tous, on en prêta les œuvres aux établissements scolaires qui les exposèrent dans les Centres de Documentation (nouvelle dénomination des bibliothèques) où elles ne furent pas perdues pour tout le monde.

Ainsi d’Art Premier en droit à la différence puis en devoir de la différence, puis de lutte contre les discriminations furent-elles imaginaires et confortées par le révisionnisme historique qui ne reculait devant rien et surtout pas devant les réalités néanmoins avérées, après avoir instrumentalisé le racisme comme la seule martingale envisageable pour s’assurer la victoire aux élections, le parti au pouvoir n’hésita pas à laisser le racialisme sortir de cette vision cauchemardesque de la société.

Et pourtant La Loggia des Lanzi que j’ai dessinée à Florence en 1966 et Le Hangar à Palabres à Sangha au Mali l’année suivante sont bien proches l’un de l’autre pour qui a conservé l’immarcescible esprit du Musée de l’Homme qui non seulement enchanta mon enfance mais illumine encore ma vie d’adulte. Car l’une et l’autre sont des lieux qui ont été construits et aménagés depuis toujours sur les places principales des villes et villages pour qu’on s’accueille et se réconcilie plutôt que de s’assommer à coups de gourdin …

Qu’il s’agisse de converser sur la meilleure façon de résoudre les problèmes du village chez les animistes Dogons refugiés dans les falaises reculées du continent où les découvrit Griaule ou pour la République de Florence de mettre en œuvre des cérémonies rituelles soutenant de leur sacré les errances profanes, qu’importe ! Dans un cas comme dans l’autre il s’agit d’y mobiliser la parole au service de la résolution des conflits. C’est l’essence de l’idée même d’un Parlement, lieu destiné à parlementer pour être la médiation entre le Pouvoir qui écrase et la Population qui ne veut pas être écrasée.

Du moins lorsqu’on prend la vie au sérieux, ce qui n’est pas je l’admets volontiers le cas général dans la France de ces temps différencialistes …

 

JH 23. 8. 2017.

 

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Mise à jour : septembre 2017